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mardi 5 mai 2015

Togo: le système Faure









AFRIQUE


Togo: le système Faure


Le président togolais, Faure Gnassingbé, au palais présidentiel de Lomé, avant l’annonce de sa réélection pour un troisième mandat, le 28 avril 2015.AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO
Le président sortant Faure Gnassingbé a remporté l’élection présidentielle du 25 avril au Togo. Une victoire qu’il doit en grande partie à la toute-puissance d’un système politique qui neutralise toute forme d’opposition.
La scène se déroule chez un ami d’enfance du président Faure Gnassingbé. Dans une villa cossue du nord de Lomé, une dizaine d’amis sont réunis autour d’un joli buffet au bord d’une piscine. Il y a là des industriels, des militaires, des responsables politiques. Tous ou presque sont membres du parti au pouvoir, Unir (Union pour la République). La conversation tourne autour des résultats de l’élection présidentielle et de la victoire du président sortant. L’ambiance est détendue, l’humeur est gaie, le soulagement est palpable. Malgré le fait que le leader de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, conteste les résultats sortis des urnes, nul ne semble trop s’en inquiéter.
Soudain, l’un des convives provoque un éclat de rire général en faisant remarquer que Jean-Pierre Fabre a manifestement choisi de ne pas lancer ses militants dans la rue. « Ce n’est pas lui qui tient la rue, c’est nous ! » rectifie l’un des invités. « C’est nous qui depuis des mois avons envoyé nos militants faire du porte-à-porte dans les quartiers de l’opposition. Nous avons tissé des liens, nous avons prôné le calme. Grâce à ce travail de fond, l’opposition n’a plus la possibilité de jeter les masses dans la rue ». Derrière la forfanterie des propos, il y a un constat : le régime de Faure Gnassingbé repose depuis dix ans sur un système puissant et sophistiqué de contrôle du corps social. Un système moderne et multidimensionnel qui utilise un mélange de ruse, de force, de clientélisme et d’influence.
Le matraquage de la communication
La plus visible de ces dimensions est sans conteste la communication. Nul ne saura jamais combien le président Faure a réellement dépensé pour sa communication de campagne, mais la capitale Lomé a littéralement été inondée d’affiches vantant les mérites du président et de sa politique. Une grande partie de la presse privée a relayé durant des mois les thèmes identifiés par des cabinets de communication souvent étrangers comme Havas. Le but était de présenter Faure Gnassingbé comme l’homme de la modernité et du changement, en rupture totale avec l’ère Eyadema, désormais identifiée à un passé presque honteux.
L’idée n’est pas tant de convaincre les irrédentistes de l’opposition - et ils sont nombreux dans le sud du Togo - que de montrer à la jeunesse que la génération actuellement au pouvoir est mieux à même de répondre aux défis de la modernité. Il n’est pas certain que cela fonctionne, mais le matraquage incessant à un autre effet, il rend quasiment inaudible les voix de l’opposition, et archaïse le discours de Jean-Pierre Fabre, souvent présenté par les thuriféraires du pouvoir comme arc-bouté sur une posture revancharde et intransigeante.
D’ailleurs, l’artifice de communication préféré de l’entourage présidentiel, souvent relayé par les chancelleries étrangères d’ailleurs, consiste à inverser les images. Jean-Pierre Fabre est dépeint comme un homme colérique, irascible et incapable de compromis, alors même qu’il subit depuis des années, ainsi que son parti, les assauts parfois violents du système. C’est ainsi qu’en janvier 2013, à quelques mois des législatives, de nombreux militants et quelques députés de l’opposition ont été arrêtés et inculpés dans l’incendie du marché de Lomé. Jean-Pierre Fabre lui-même a été inculpé avant que le principal accusateur ne se rétracte.
Cela met en lumière une dimension essentielle du système Faure Gnassingbé : la méfiance constante vis-à-vis de l’opposition conduit les héritiers du général Eyadema à la maintenir sous une contrainte multiforme qui va de la pression financière à la répression judiciaire.
Mais le pouvoir sait aussi parfaitement utiliser les appâts du prestige et de l’argent. Ainsi, Jean-Pierre Fabre s’est vu attribuer un statut de chef de file de l’opposition, au lendemain des législatives de 2013. Statut qui lui donne un rang protocolaire important et quelques avantages en nature. De plus, certains de ses adversaires d’hier ont été récupérés par la galaxie Faure et gravitent désormais autour du gouvernement, espérant y figurer à la faveur du remaniement ministériel qui se profile.
Un faible espace politique pour l’opposition
Globalement, face à la toute-puissance du système, les forces de l’opposition paraissent dérisoires. Les maires des communes et les conseils municipaux ayant été remplacés depuis 2001 par des délégations spéciales nommées par l’administration, les partis politiques n’ont pas la possibilité de se forger des relais locaux et des réseaux politiques. De plus, ils ne se frottent guère à la gestion des administrations locales et se retrouvent donc déconnectés des réalités du pouvoir. Ceci affaiblit considérablement des partis comme l’ANC (Alliance nationale pour le changement) de Jean Pierre-Fabre qui pourrait en cas d’élections locales remporter les communes de Lomé, son fief historique, et donc en tirer d’immenses bénéfices politiques. Le pouvoir a vu le danger et repousse sans cesse l’organisation des élections locales.
Lors des élections législatives de 2013, l’opposition a dû, là encore, se plier aux règles biaisées édictées par le gouvernement. Ainsi le découpage électoral a été taillé sur mesure pour permettre au parti présidentiel Unir de remporter la majorité. Les fiefs de l’opposition se sont vus attribuer moins de sièges de députés que les bastions du pouvoir. Un exemple, la région maritime qui pèse 42% de la population n’a que 29% des sièges de députés.
La sophistication des méthodes employées par le pouvoir n’a plus rien à voir avec l’ère Eyadema où la violence était souvent la seule réponse que recevaient les adversaires politiques. Le régime actuel a su policer ses méthodes et présenter un visage plus en accord avec les règles prônées par l’Union africaine et les bailleurs de fonds.
Aujourd’hui, le régime joue à la fois sur le cadre constitutionnel et l’environnement politique pour assurer la victoire de son candidat. Ainsi l’absence de réformes du mode de scrutin présidentiel, dont Jean-Pierre Fabre est en partie responsable pour avoir obstinément réclamé un codicille à la Constitution interdisant à Faure Gnassingbé de briguer un troisième mandat, fait perdurer cette anomalie qu’est le scrutin à un seul tour.
Sachant que le président sortant bénéficie à la fois de moyens financiers supérieurs à ceux de ses adversaires et peut compter sur l’appui d’une grande partie de l’appareil administratif, il s’assure donc dès avant même l’ouverture de la compétition d’un avantage sur ses adversaires. Ceux-ci lui ont certes facilité la tâche en s’entredéchirant, mais les divisions de l’opposition sont aussi le résultat d’une action de la majorité qui a par exemple réussi à ramener dans l’orbite présidentielle plusieurs personnalités de l'opposition, comme Gilchrist Olympio, rallié au pouvoir dès 2010.
Des électeurs résignés
La société civile togolaise, très puissante en 2012 n’est aujourd’hui plus que l’ombre d’elle-même, divisée entre tendances devenues hostiles, et dont certaines figures ont, elles aussi, rallié le régime. Ce qui semblait constituer une force importante lors des grandes manifestations de 2012 a quasiment disparu de la scène socio politique en 2015. Le lien entre société civile et syndicats ne fonctionne pas. Du coup, les grandes grèves de la fonction publique du début d’année n’ont pas été relayées par le mouvement social. Le pouvoir a eu vite fait d’isoler les revendications catégorielles de la Synergie des syndicats du Togo et de les présenter à l’opinion comme les revendications d’une poignée de privilégiés.
Avec une société civile amorphe, une opposition affaiblie, un mode de scrutin favorable et un contrôle de l’administration, le pouvoir en place abordait donc cette élection avec un certain optimisme. La résignation des électeurs togolais a fait le reste. Car avec 47% d’abstention environ dans le sud du pays et notamment le Grand Lomé, régions favorables à Jean-Pierre Fabre, la tâche de l’opposant devenait impossible. L’ampleur de cette abstention a d’ailleurs surpris jusqu’à la présidence, selon les confidences d’un proche collaborateur du chef de l’Etat.
C’est cette résignation face à un système bien en place, puissant et parfaitement rodé qui constitue la véritable source de l’échec du candidat de CAP 2015 et à contrario la raison première de la victoire de son adversaire. Dans la région maritime, la lassitude et le « à quoi bon voter » sont les sentiments les plus partagés par les électeurs. L’autre réflexion que l’on entend dans la bouche des habitants de Lomé c’est la peur d’une réédition des violences de 2005, où la présidentielle a coûté la vie au bas mot à 500 personnes.
Cette peur des violences et cette résignation face à un scrutin qui pour beaucoup semblait joué d’avance sont les résultats de l’action du régime et de son vecteur politique, le parti Unir, héritier du RPT (Rassemblement du peuple togolais) de Gnassingbé Eyadema. La vraie force du système mis en place par Faure est donc cette capacité à orienter les électeurs soit vers l’abstention soit vers un vote pour le président. Mais c’est aussi sans doute un constat terrible pour la classe politique togolaise. Car dans un système verrouillé de la base au sommet, la désaffection des électeurs pour les urnes est un signal d’alarme que personne, à commencer par les pays voisins et les partenaires traditionnels comme la France, ne devrait prendre à la légère.
http://www.rfi.fr/afrique/20150504-togo-systeme-faure-gnassingbe-eyadema-unir-jean-pierre-fabre-anc-cap-2015-election-/



Sacrebopol à 15:39:00 Aucun commentaire:
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Inédit : Comment les NTIC, la diaspora et la population congolaises ont mis le régime Kabila à genoux

Inédit : Comment les NTIC, la diaspora et la population congolaises ont mis le régime Kabila à genoux 
 
JJ Wondo





   

Comment les nouvelles technologies de l’information et des communications, la diaspora et la population congolaises ont mis le régime Kabila à genoux

Agir et prendre en charge notre propre destin

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu





















Manifestants hostiles à Kabila et au projet de loi électorale



Dans son ouvrage , Congo, la mascarade de l’aide au développement[1], le professeur Theodore Trefon mentionne que le Congo est l’une des pires tragédies humanitaires du nouveau millénaire, même si nous au DESC nous remontons au millénaire passé lorsqu’on constate les effets dévastateurs de la Conférence de Berlin, le génocide commis par Léopold II ainsi que l’infamie de la colonisation belge en RDC.
Cependant, dans cet ouvrage, tout de même remarquable, écrit sur une base méthodologique anthropologique, l’auteur met en lumière la tragédie de l’autodestruction du Congo postcolonial. Il décrit une classe politique impuissante et vulnérable en dépit de ses efforts visant à consolider et à reproduire sa propre suprématie sur une population. Les gains quasi démocratiques réalisés par les élections s’accumulèrent pour un petit groupe d’acteurs politiques aux niveaux national et provincial. Les élus partagent ; contestent et manipulent les dividendes démocratiques avec peu de considérations pour les besoins des gens ordinaires, tenus en dehors de l’arène politique. Le gouvernement n’a pas atteint de compromis politiques réalisables avec l’opposition parlementaire, il a été incapable de gagner le respect et la crédibilité de ses partenaires internationaux, et de répondre aux attentes de son électorat, en particulier dans les domaines fondamentaux de la sécurité et du développement socio-économique[2] .
Ce faux départ avait d’ailleurs conduit l’agronome et écologiste français René Dumont à titrer un de ses ouvrages : L’Afrique noire est mal partie[3]. Il y décrit une situation de césure sociale entre l’élite politique africaine et ses gouvernés qui est devenue l’archétype politique en Afrique indépendante ou postcoloniale.
2011 marque le réveil patriotique des Congolais
Dans ses postings du 29 novembre 2011 où elle a été témoin de la maturité politique des Congolais, avant que la machine de Ngoy Mulunda ne mette à falsifier les résultats électoraux en faveur de Joseph Kabila, la journaliste belge, Colette Braeckman, émotive et connue pour son son penchant pro-kabiliste, n’a pas pu contenir ses mots :
« D’ici la proclamation officielle des résultats, le 6 décembre prochain, la fièvre électorale ne quittera pas le Congo. Mais dès demain, d’autres jeux vont s’engager : l’ analyse des résultats officieux, les spéculations sur les futures alliances gouvernementales, sur la majorité qui se dégagera à l’Assemblée nationale. Mais dans l’immédiat, quelques leçons se dégagent déjà de ce scrutin. (…) La troisième (leçon) , c’est que les Congolais, dans leur très grande majorité, ont fait preuve de civisme et de discipline. Il suffisait de voir les policiers qui surveillaient calmement les centres de vote, la courtoisie des assesseurs, le calme des témoins, figés des heures durant dans leur tâche d’observation pour s’en convaincre, même s’il y eut, ici et là, de la confusion et des impatiences ».
« La quatrième conclusion, sans préjuger du résultat arithmétique, c’est que les Congolais ont fait usage du plus élémentaire des droits démocratiques : ils ont sanctionné leurs élus. Puni les députés qui se sont votés des indemnités de 6000 dollars par mois en oubliant leurs électeurs. Congédié bien des arrogants qui croyaient qu’il leur suffirait de distribuer quelques T shirts en dernière minute. Ils ont adressé un message sévère à un gouvernement – en principe de centre gauche! – qui a oublié le social et permis à la gangrène de la corruption de s’étendre. Dans de larges couches de la population, le discours de Tshisekedi a fait mouche… (…) L’opposant historique a su catalyser la colère des sans voix, des sans travail, des sans pain, des sans école ; il a bénéficié d’un vote-sanction, dont la sévérité doit faire réfléchir tous ceux qui aspirent à garder ou à prendre le pouvoir »[4].
Elle poursuit : « A Kinshasa, nous joignant aux curieux du quartier, nous avons relevé les résultats affichés sur les portes de plusieurs dizaines de bureaux de vote, à Matonge, Barumbu, Bandal, Gombe… Partout le spectacle était le même : des agents de la CENI tombant de sommeil, qui balayaient les salles de classe avant de se retirer, des résultats soigneusement affichés, validés par la signature des témoins.. Et partout aussi des résultats qui se ressemblaient : deux tiers des voix pour Etienne Tshisekedi, un tiers pour Joseph Kabila, une dizaine pour Vital Kamerhe, et rien, absolument rien, pour les autres, sauf, ici et là dans les quartiers bourgeois une voix ou l’autre pour Kengo wa Dondo. (…) Il n’empêche que, politiquement, le discours de Tshisekedi a fait mouche, à Kinshasa, dans l’Equateur où il a recueilli les voix de Bemba, dans le Bandundu, dans les deux Kasaï, dans le Bas Congo, dans une partie du Katanga tandis qu’au Nord et Sud Kivu, qui en 2006 avaient voté massivement pour Kabila, c’est Vital Kamerhe l’enfant du pays, qui l’a emporté »[5].
Malheureusement le cercle politique de Kabila n’a pas retenu la leçon et continue de régenter la RDC par défi
Pour le professeur Trefon, les politologues et les Congolais ordinaires établissent de plus en plus de parallèles entre le Zaïre de Mobutu et la Troisième République du Congo de Joseph Kabila. La première similitude est tout d’abord le pouvoir, ensuite vient le bien commun. L’entreprise de création postcoloniale n’a pas abouti à l’instauration d’un ordre politique postwéberien avec une bureaucratie fonctionnelle, un équilibre entre les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif, et des fonctionnaires efficaces ou des agents des forces de l’ordre[6].
En RDC, comme partout en Afrique post-colonial, modèle étatique européen a été copié-collé sous l’angle institutionnel et surtout organisationnel (jusqu’à ce jour) ; son esprit, la démocratie, n’a pas été assimilé[7]. A sa place, c’est une « para-démocratie », c’est-à-dire un régime autocratique qui utilise un lexique et des outils de la démocratie pour sauver les apparences[8] que Kabila et ses maîtres ont installé en RDC. Il s’agit d’une démocratie tronquée, tripatouillée et escamotée, imposée dans un Etat failli[9] qui vise la ‘surprésidentialisation’ et la personnification du pouvoir du président au détriment du parlement et de la justice. De la sorte, le rapport de forces entre les trois pouvoirs constitutionnels sont sciemment déformés grâce à un mécanisme politique insidieux rendant asymétrique l’équilibre démocratique entre ces trois pouvoirs. L’on constate que depuis 2006, l’essentiel du pouvoir a été confisqué par le Kabila, son clan ethno-politique mafieux et les gouvernements auxquels sont assujettis les pouvoirs législatif et judiciaire.
Dans cette para-démocratie, le régime veut instaurer une pratique que Dieudonné Musibono Eyuk’anki qualifie de « mascarade qui consiste à propulser au sommet de l’Etat des dirigeants fabriqués qui n’ont pour seul intérêt que l’accès rapide et facile aux richesses du pays. Des dirigeants sans vision claire ni projet de société autour desquels on crée des mythes où tout est fait pour montrer qu’ils travaillent bien alors qu’ils sont incapables d’établir clairement aucun bilan à la fin de chaque exercice budgétaire. » Mus par la corruption et l’appât du gain, les pseudos intellectuels Congolais (Mende, Kin-Kiey, Jean-Marie Kasamba, Boshab, Lumanu, She Okitundu, etc.) et leurs courtisans occidentaux, avec leur presse y comprise, qui défilent à la cour des « petits princes nègres », développent du sophisme pour défendre leur « messie » devant l’évidence de l’échec du bricolage[10].
Ces dirigeants, écrit pour sa part le professeur Kadony Nguway Kpalaingu de l’UNILU, ont eux-mêmes « une double personnalité en conflit permanent. La personnalité externe qui lit le discours prêt-à-porter élaboré par des techniciens pour faire plaisir au sens et provoquer les émotions des auditeurs. Cette personnalité couvre une autre, interne mais profonde, qui s’oppose au contenu du discours prononcé par la personnalité externe. Généralement, c’est le cas fréquent, le contenu du discours s’oppose à sa pratique sociale et à son vide culturel dû à l’absence d’une bonne éducation de base en famille, à l’école, à l’université et voire à un déficit de formation » militaire classique (cas de Mobutu et des Kabila père et fils[11].
Et de poursuivre : « La pratique des acteurs congolais est caractérisée par le manque de sens de responsabilité. Le discours qu’ils prononcent, les programmes d’action ne trouvent pas généralement leur concrétisation dans le monde physique. Ainsi, dans le langage populaire congolais la politique est synonyme de mensonge, d’intrigues et de champs d’assassinats. C’est le corollaire de l’inculture qui domine les membres de la société congolaise et qui fait qu’une fraction de la population se hisse au-dessus de la loi ou encore se considère co-égale à la loi. « Ce comportement pathogène est fréquemment observé en RDC chez ceux qui exercent certaines fonctions politico-administratives, leurs alliés et les membres de famille agissent souvent de la même façon. Ils violent la loi sans gêne… »[12].
Une population et une société civile qui s’organisent malgré la démission de l’Etat
Mais cela ne signifie pas, selon le professeur Trefon, que le Congo est un lieu de chaos total et de désespoir comme on peut le lire ici et là. Le Congo est un monde à logiques multiples où émergent de remarquables modèles de stabilité, d’organisation et de quête du bien-être. Il y a un ordre dans un désordre. Ces modèles se sont apparus en dépit, et à cause de la déliquescence de l’Etat – ainsi que des conflits. Les relations entre Etat et population évoluent à tous les niveaux sociaux et politiques et se structurent vaille que vaille dans un contexte interactionnel où la fonction et la dysfonction se croisent et se chevauchent. De nouvelles formes d’organisation sociale prennent forme pour compenser les défaillances écrasantes de l’Etat[13] en se substituant même à l’Etat.
La capacité des gens à influer sur leur propre destin, à agir de manière indépendante et de faire des choix pour eux-mêmes et leurs familles – un concept sociologique nommé agency en anglais – est une réalité puissante. L’agency aujourd’hui en RDC a fait émerger des formes innovantes de réseaux de solidarité, des arrangements commerciaux et des interdépendances en réponse à la crise multiforme de l’Etat congolais[14]. Les Congolais, malgré le verrouillage du système politique, démocratique et la corruption qui le caractérise, sont parvenus à développer des stratégies de résistance alternatives pour défier les régimes successifs au Congo depuis Mobutu.
Cette inventivité et cet élan pour les changements positifs est le fait de personnes et de leur dynamisme, non d’une intervention gouvernementale ou externe. L’Etat du Congo est en effet en déliquescence, mais paradoxalement, la société congolaise est forte, patiente, créative, innovante, généreuse et vivace.
Les associations de quartier, les ONG locales et internationales ainsi que les réseaux de solidarité basés sur le communautaire se sont multipliés de façon significative depuis les années 1990. Ils ont formé la base d’une société civile naissante. Le phénomène s’est développé car les gens n’avaient pas d’autre choix que d’inventer de nouvelles stratégies de survie sociale et économique, voire politique. Ces réseaux aident à remplacer l’Etat effondré dans de nombreux domaines où il a cessé d’exercer ses fonctions sociales ou régaliennes (mutualités, coopératives, certains groupes d’autodéfense Maï-Maï, cercles d’anciens élèves ou étudiants, associations communautaires, etc.).
L’une des menaces les plus sérieuses susceptibles d’empêcher le Congo actuel de parvenir à la maturité de la société civile est l’absence de la collaboration entre ses acteurs et le gouvernement. Leur relation est minée par la méfiance et la rivalité.
Aujourd’hui, les populations congolaises de la diaspora sont actives dans la vie politique – le plus souvent dans l’opposition – comme en témoigne l’organisation de leurs manifestations anti-Kabila et les téléphones mobiles facilitent la communication entre migrants et leurs familles demeurées au pays, encourageant et perpétuant les liens familiaux et les relations politiques. Mais contrairement à beaucoup d’autres pays africains où les envois de fonds des diasporas sont utilisés pour le développement, au Congo ceux-ci servent à aider les familles à affronter quotidiennement la pauvreté[15].
La Constitution garantit en principe la liberté de parole et la d’expression, même si en réalité leur pratique est restreinte et que l’accès à l’information politique indépendante, neutre et au débat connait des limites. La grogne sociale et politique es§ en partie tolérée tant qu’elle ne gêne pas le pouvoir politique. Les organisations des droits de l’homme furent utiles en vue de promouvoir la liberté d’expression et, en partie, en formant des journalistes. En conséquence, les médias furent en mesure de critiquer le gouvernement, de mettre en évidence les problèmes sociétaux et les enjeux sociaux et politiques, et d’informer les gens sur les événements et les acteurs politiques. C’est le cas notamment des quotidiens Elima, Le Potentiel ou Le Phare ou des chaines de télé RTGA, Antenne A, etc. à Kinshasa. Plusieurs quotidiens sont publiés à Kinshasa et il existe plus d’une centaine de stations radios privées, dont certaines diffusent des nouvelles. Des radio-transistors chinois bon marché sont facilement disponibles et fournissent la principale source d’information à travers tout le pays. Des militants de la société civile ont de plus en plus recours à Internet pour organiser des échanges et d’idées sur la politique et le développement[16], et pour diffuser leurs mémorandums souvent très critiques à l’égard du régime dont elles dénoncent quasi quotidiennement les abus de tous ordres.
La révolution en RDC passe et se réalisera par les nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC)
Une manifestante de la diaspora congolaise criant « Ingeta »



Le Congo est en mutation Alors que nous ne savons pas vers quoi il se dirige, peu d’observateurs nieraient que l’évolution rapide des relations Etat-société. L’avenir institutionnel du pays est incertain et il n’y a pas de perspectives convaincantes pour un « New Deal ». Le Congo pourrait se diriger vers une autre dictature et de nouvelles formes d’oppression. Néanmoins, les gens semblent saisir les opportunités en vue d’améliorer leur destin, en redéfinissant la dynamique de leurs interactions sociales. Quel que soit le type de nouveau système étatique qui émergera au fil de temps, il cherchera un modèle au croisement entre les spécificités de l’histoire, la culture congolaise et les modèles universels de la démocratie. Il faudrait alors donner la parole à la fois à l’individu, l’Homme Congolais, qui est la pierre angulaire des démocraties libérales occidentales, ainsi qu’au groupe, facteur majeur de comportement dans la vie politique, économique et sociale au Congo et en Afrique. Bien que le coût social de la crise soit énorme, il a aidé les Congolais s’approprier au gré du temps le sentiment d’être congolais et d’appartenir à une nation[27]. La Congolité y aidant. Il existe bel et bien une nation congolaise, fragmentée et plurielle, certes, mais avec un sentiment émergeant d’appartenance et de futur collectif.
Dans son livre synthèse de sa carrière de chercheur en sociologie politique en Afrique, ‘The Postcolonial State in Africa, Fifty years of Independance 1960-2010, paru en 2012, le professeur émérite américain, Crowford Young, rapporte les conclusions d’une large enquête menée par le spécialiste du Congo, Herbert Weiss et son équipe sur l’identification des TOUS les Congolais, où qu’ils se trouvent à la Nation congolaise en ces termes :
« The identification of the congolese with the Congolese nation over the last forty years has become stronger ; despite predatory leaders, years of war and political fragmentation, devasting poverty, ethnic and linguistic diversity, and the virtual collapse of state services[5].” This conclusion is buttressed by survey data collected in 2002 in five cities scattered around the country (Kinshasa, Kikwit, Gemena, Goma and Lubumbashi). Overwhelming majorities agreed with the statement that “the Congo must remain unified, even if the use of force is necessary to achieve this” and that “the unity of the Congo is more important than the interests of any particular group or ethnicity[6]”. Pour Young, « most Congolese believe that the long and the predatory rule of Mobutu Sese Seko, however destructive to state institutions and economic wellbeing, had a merit: its nation-building effect »[28].
A propos de la Congolité, dans une analyse intitulée «  Quand l’onde de choc électorale congolaise secoue la Belgique »[29], publiée en avril 2012, j’écrivais : « Jamais une élection africaine n’a suscité un déferlement de contestations populaires au niveau de sa diaspora. Les raisons de ces manifestations et ont des origines historiques. Ce qui vient de se passer en Belgique et un peu partout dans le monde relève d’un « wake-up call » et d’une prise de conscience politiques collectifs du Peuple Congolais. Le tout, alimenté dans le chef des congolais et de sa diaspora d’un profond sentiment d’ « Unité Nationale » et de nationalisme patriotique dit la « congolité ». La congolité est ainsi comprise comme « le substrat sur lequel s’appuient les « défenseurs » de la Nation Congolaise en danger pour résister bon an mal an contre les velléités supposées d’agressions militaires, de déstabilisation et de démembrement de la RDC ; et contre les injustices historiques et politiques supposées à l’encontre de la RDC. Les événements qui viennent de se produire en Belgique (en décembre 2011) manifestent une réaction de révolte de la diaspora congolaise aux injustices susmentionnées… »
Quelles stratégies pour vaincre le régime Kabila et ses parrains ?
De manière non exhaustive, nous en proposons deux grandes stratégies
1°) La première est avancée par M. l’abbé Germain Nzinga : « il n’y a pas de guerre sans info-guerre ! Il s’agit en d’autres mots de jouir d’un meilleur éclairage que celui usé par l’adversaire sur la réalité de terrain, les forces et l’environnement, de deviner ses intentions, de dissimuler ses propres positions et intentions, de décoder les intentions de l’adversaire pour améliorer sa capacité de comprendre ses moyens de perception, commandement et coordination, de dégrader ceux de l’autre, d’exalter ses partisans, de démoraliser ceux de l’adversaire, de diviser ses alliés et son commandement. Le pouvoir réside au bout de la camera, dans l’image et dans l’angle avec lequel l’image est prise et diffusée pour faire passer un message qui vous permet aux manifestants de tirer les avantages de leur côté et l’opinion à leur faveur… Vaincre, c’est convaincre. Vaincre, c’est persuader. Il faut dès lors faire des moyens de communication, des instruments de la victoire. Et de cette manière, quiconque s’y préparera en avance et appliquera avec rigueur la discipline de ses règles gagnera la prochaine bataille politique de 2016 ! »[30]
2°) Le rôle des intellectuels congolais et de la diaspora
Selon le juriste-criminologue Jean-Bosco Kongolo, (http://desc-wondo.org/cap-sur-les-elections-generales-en-r-d-congo-jean-bosco-kongolo/) grâce aux réseaux sociaux et autres moyens technologiques de la communication, les Congolais de la diaspora voient régulièrement des vidéos montrant certains de ces « honorables » s’ennuyer et passer leur temps à somnoler ou à se vendre chemises, bijoux et autres articles importés lors des débats sur des questions d’intérêt national. Comme ils n’attendent que la fin de leur mandat pour aller tromper encore leurs électeurs naïfs, ces députés se spécialisent dans la confection de faux rapports de vacances parlementaires grâce à leurs fanatiques et secrétaires occasionnels dépêchés sur les lieux. C’est pourquoi nous estimons que pour sauver la démocratie et bâtir un État de droit au Congo-Kinshasa, le moment est venu pour les intellectuels de sortir de leur réserve pour s’assumer comme leaders d’opinions. (…) « Un intellectuel est une personne dont l’activité repose sur l’exercice de l‘esprit, qui s’engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs, qui n’assume généralement pas de responsabilité directe dans les affaires pratiques[1], et qui dispose d’une forme d’autorité. »
Ce genre d’intellectuels, il en existe bien entendu au pays et dans la diaspora. Hostiles à la vérité, à la transparence et surtout à la contradiction, les « politiciens » congolais et leurs soutiens extérieurs ne supportent pas d’entendre leurs points de vue, de peur que leurs combines soient mises à nue et qu’ils perdent par conséquent leurs avantages. Peu importe leur petit nombre, ces intellectuels sont capables, par leur autorité et leur implication, d’éveiller la conscience du souverain primaire sur ses droits, notamment en ce qui concerne l’impact du choix électoral. En effet, aucun homme ni aucune arme ne sont plus puissants que le peuple, lorsque celui-ci comprend mieux son rôle et est déterminé à le jouer pleinement pour défendre ses intérêts, comme l’ont fait les Burkinabés (fin octobre 2014) et tout récemment les Congolais, lors de l’adoption du projet controversé de la nouvelle loi électorale.
Grâce aux réseaux sociaux, que le gouvernement de « Cohésion nationale » a honteusement écartés du slogan de la « Révolution de la modernité », les intellectuels congolais, pour autant qu’ils soient patriotes, doivent s’interconnecter pour élaborer, en marge et en complément à la loi électorale, un canevas des critères d’éligibilité adaptés aux besoins réels du souverain primaire afin de l’aider à se débarrasser, (…), de tous les opportunistes, seigneurs de guerre, vagabonds politiques, démagogues et auteurs ou complices des viols et de la prédation de nos ressources naturelles. Pour ce travail, il n’est nullement besoin de s’adresser à la nébuleuse « Communauté internationale », partenaire privilégiée des politiciens congolais.
Ce peuple abandonné à lui-même par ceux qui l’ont pris en otage, a surtout besoin de l’implication citoyenne de ses frères et sœurs de la diaspora, eux qui ne sont d’ailleurs pas épargnés par la mauvaise gouvernance et par les inégalités sociales de leur mère- patrie et qui sont obligés d’en atténuer, malgré eux, les effets par des transferts réguliers et onéreux de fonds, au détriment de leurs propres enfants.
3°) La troisième stratégie concerne l’attitude à adopter pendant les manifestations :
Il s’agit d’une double stratégie
a) La stratégie appliquée par les kinois de multiplier plusieurs foyers de contestations afin d’éviter de former une cible unique (facile à neutraliser et économie de moyens pour les services de sécurité) a porté ses fruits lors des manifestations du 19 au 21 janvier 2015. Les petits attroupements constitués un peu partout dans la capitale ont contraint les services de sécurité de Kabila à émietter leurs moyens dans une vaste étendue de la capitale peuplée de plus de 10 millions d’habitants. Cette stratégie résulte de l’analyse et du débriefing stratégiques des échecs des manifestations passées (30 juin 2005 et décembre 2011 et 12 janvier 2015) où les cortèges des manifestants formaient une cible unique facile à neutraliser assez rapidement. Et le résultat ne s’est pas fait attendre, la police a été vite débordée et le dispositif de sécurité mis en place, quadrillant principalement le centre-ville a été contourné (manœuvre de diversion). Lorsque la police et la GR ont tenté de descendre dans la partie périphérique, c’est face à une multitude de groupes isolés des manifestants rassemblés par centaines contre quelques dizaines de policiers qu’ils ont eu à affronter. Ayant trop étiré leurs lignes, la capitale est devenue poreuse et un vaste terrain de plusieurs champs de manifestations difficiles à contrôler. C’est à ce moment précis que le régime de Kabila a été secoué. Et le rapport de forces (humains, tactiques, psychologiques…) s’est penché en faveur de la population kinoise que l’on croyait molle, saoulé par la bière ou distrait par les prières (« Nzambe sala » ou Dieu agit à notre place par la danse chrétienne Dieu met moi au dos, je suis fatigué) des pasteurs à la solde de Mugalu. Et les kinois ont enfin redécouvert que le miracle ne vient qu’à celui qui va en son encontre en renouant aux vieilles recettes des journées villes mortes d’il y a plus de 20 ans qui sonnèrent le glas du régime Mobutu. Il en sera ainsi pour « Mobutu light »[31]. Dans les prochaines occasions, nous recommandons aux populations congolaises d’appliquer cette tactique imparable qui a montré son efficacité. Ça marchera à tous les coups !
b) Il faudrait aussi que les populations congolaises développent le réflexe de prendre des photos ou filmer tout acte et tout comportement illicite, illégal des autorités, surtout lors des manifestations. Elles doivent ensuite chercher à les publier sur les réseaux sociaux ou à les mettre à disposition des organisations des droits de l’Homme (ASADHO, FIDH, etc.), des médias sociaux, de DESC, etc. Cela permettrait de mettre au grand jour et en direct des exactions commises par le régime Kabila en plus d’être des éléments de preuve à leur charge dans des dossiers pénaux en cours de constitution contre le régime.
Conclusion
Il faudra beaucoup de temps pour guérir le traumatisme et l’humiliation de la pauvreté, de la guerre, des tentatives de la balkanisation, du colonialisme, de l’impérialisme et de l’exclusion politique, mais peut-être l’identité congolaise pourrait-elle se transformer en une énergie positive, nécessaire à la réinvention de l’Etat et au renforcement de la société congolaise[32].
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication bouleversent la relation entre le citoyen et le pouvoir. Elles permettent un accès à la connaissance et à la diffusion de l’information beaucoup plus répandu. Internet, le téléphone portable sont des facteurs de liberté et de mobilité. Ils permettent de créer des mobilisations sans grands moyens. Les téléphones portables sont à même de filmer des scènes de répression et de les faire connaître même s’il n’y a pas la présence initiale de journalistes étrangers. Les NTIC reposent sur la décentralisation de la décision, la responsabilité des individus. Elles sont difficilement compatibles avec des systèmes politiques qui se méfient de l’autonomie des citoyens et de leur liberté d’action. La Révolution de Jasmin de janvier 2011 en Tunisie a montré l’importance d’Internet et des réseaux sociaux dans la mobilisation politique. Dans un pays où la presse est soumise à une censure sévère, où la contestation politique était interdite, Internet a permis à la population de s’informer, d’échanger des idées, des stratégies et de se mobiliser [33]. Au cours des prochaines décennies, aidées par les nouvelles technologies de circulation de l’information, les peuples imposeront facilement leurs vues. [34] Les Etats, et surtout les régimes oppressifs, n’exerceront plus un contrôle total et hermétique sur leur territoire et leurs peuples du fait de la mondialisation (rapports entre la diaspora et les autochtones, des acteurs non étatiques) et de l’impossibilité de contrôler l’information et donc l’opinion publique.

L’hymne au réveil patriotique




Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC




° http://desc-wondo.org/inedit-comment-les-ntic-la-diaspora-et-la-population-congolaises-ont-mis-le-regime-kabila-a-genoux-jj-wondo/#sthash.PRUW9QFG.dpuf
Sacrebopol à 15:13:00 Aucun commentaire:
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