Soudan du Sud : la situation, déjà horrible, est désormais « bien, bien pire »
Les intenses combats au Soudan du Sud plongent le plus jeune pays du monde dans une crise humanitaire plus dramatique de jours en jours. Les affrontements, qui ont repris ces derniers jours, opposent les forces loyalistes au président Salva Kiir à celles de l'ancien vice-président Riek Machar. Ils ont provoqué une « catastrophe » pour les civils, a dénoncé l'ONU vendredi, ajoutant que le gouvernement et les rebelles avaient« réussi à rendre une situation horrible encore bien, bien pire ».
- Des combats pour le contrôle des réserves pétrolières
Après quelques mois d'accalmie relative, l'armée a lancé fin avril une des plus importantes et violentes offensives en 17 mois de guerre civile, violant, tuant, brûlant et pillant l'aide humanitaire sur son passage et poussant à fuir plus de 650 000 personne.
La semaine dernière, les rebelles ont lancé une contre-attaque toute aussi violente, prenant d'assaut Malakal, capitale en ruine de l'État du Haut-Nil (au nord-est du pays) et porte d'accès aux derniers puits de pétrole encore en activité.
La télévision d'Etat a annoncé vendredi que l'armée avait repoussé les rebelles de la ville proche de Melut (dans le même Etat). Dans un communiqué publié vendredi soir, la présidence sud-soudanaise a affirmé que cet État du Haut-Nil, avec « ses citoyens et ses champs pétroliers », avait été « libéré des rebelles et de leur allié local Johnson Olony ».
- Une « catastrophe entièrement créée par l'homme »
Les images des combats montrent des hommes armés de lance-roquettes juchés sur des pick-ups, applaudissant lorsque les mitrailleuses lourdes installées à l'arrière lâchent une rafale. Au moins trois barges blindées équipées de canons anti-aériens, utilisées pour le transport de troupes sur le Nil, apparaissent en flammes, tandis que des soldats sur la rive les arrosent de balles et d'obus.
La guerre civile a éclaté en décembre 2013 dans le pays, lorsque le président Salva Kiir a accusé son ancien vice-président Riek Machar, aujourd'hui chef de la rébellion, de fomenter un coup d'État. Le conflit a depuis été marqué par des exactions à grande échelle dans les deux camps.
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Le responsable des droits de l'Homme pour les Nations unies Zeid Ra'ad Al Hussein déplore que les Sud-Soudanais « souffrent absurdement dans une catastrophe entièrement créée par l'homme ». Les combats dans le pays, qui a obtenu son indépendance du Soudan en 2011, ont fait des dizaines de milliers de morts et plus de deux millions de déplacés.
- Des camps de l'ONU visés
L'ONG Médecins sans frontières (MSF) a fait savoir vendredi que « la recrudescence des combats au Soudan du Sud s'accompagne de violences contre les populations civiles et entrave le déploiement de l'aide humanitaire dont la population a pourtant désespérément besoin » dans les trois États où se concentrent les combats (Unité, Haut-Nil et Jonglei).
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Dans l'État d'Unité (au nord), MSF a dû abandonner son hôpital de la ville de Leer, tenue par les rebelles jusqu'à cette semaine, pour se replier sur les bases des Nations unies à Malakal et Melut, qui abritent des dizaines de milliers de civils en fuite. Vendredi, l'ONU a accusé l'armée et les rebelles d'avoir tiré sur sa base et exigé que les responsables soient sanctionnés.
Vingt-deux obus sont tombés en deux jours, tuant huit civils, a indiqué à des journalistes Edmond Mulet, un haut responsable des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Il a indiqué avoir contacté le gouvernement sud-soudanais et les partisans de l'ex-vice président Riek Machar pour leur demander de « cesser de cibler les locaux de l'ONU et les sites de protection » des civils et leur rappeler que de telles pratiques sont contraires aux lois humanitaires internationales. Les commandants des deux camps« savent où se trouvent ces sites de protection », a-t-il souligné.
- Problèmes alimentaires graves
Comme d'autres ONG avant elle, Amnesty International a dévoilé vendredi une enquête faisant état de violences extrêmes au Soudan du Sud. « Les personnes interrogées ont fourni des récits effrayants sur les forces gouvernementales incendiant des villages entiers, tuant et frappant les habitants, pillant le bétail et d'autres biens, commettant des actes de violences sexuelles et enlevant femmes et enfants », selon Amnesty.
Les civils parvenant à échapper aux combattants restent néanmoins en grand danger, arrachés à leurs foyers et privés de tout. Plus de la moitié des 12 millions de Sud-Soudanais dépendent aujourd'hui de l'aide humanitaire, dont 2,5 millions souffrent de problèmes alimentaires graves.
Aucun camp ne voulant faire de compromis — tous les cessez-le-feu ont rapidement volé en éclat —, le meilleur espoir de cessation des combats réside dans l'arrivée de la saison des pluies, qui dure en principe d'avril à octobre et rend généralement les routes impraticables aux véhicules militaires. « Maigre consolation », grogne Paul Critchley de MSF, « la pluie ne se mange pas ».
Le Monde.fr avec AFP •