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jeudi 4 août 2011

Lettre ouverte de l’opposition à "Joseph Kabila"

Lettre ouverte de l’opposition à "Joseph Kabila"
 
 
"Joseph Kabila"
Monsieur le Président de la République.

Nous avons I’honneur, en tant que patriotes, de Vous transmettre, ces observations en rapport avec la vie politique, économique et sociale du pays à la veille des élections pluralistes prévues pour le mois de novembre 2011.

De prime abord, nous aimerions Vous rappeler qu’aux termes de l’article 69 de la Constitution qui nous régit " le Président de la République est le chef de I’Etat. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution.

Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de I’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux ".

Aussi, conformément à I’article 74 alinéa de la même Constitution, Vous avez prêté devant la Cour suprême de Justice le serment ci-après :

" Moi, Joseph Kabila Kabange, élu président de la République démocratique du Congo, je jure solennellement devant Dieu et la nation :

D’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ;

De maintenir son indépendance et l’intégrité du territoire ;

De Sauvegarder I’unité nationale ;

De ne me laisser guider que par I’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine ;

De consacrer toutes mes forces à la promotion du bien commun et de la paix ;

De remplir loyalement et en fidèle serviteur du peuple, les hautes fonctions qui me sont confiées ".

Cet engagement solennel, exigence constitutionnelle du respect de la parole donnée, détermine les bornes symboliques et juridiques de la puissance et de la légitimité du dépositaire de la volonté du peuple que Vous êtes.

Ainsi, nos observations, dans la présente lettre ouverte, s’articulent autour de quelques points pour lesquels nous aimerions obtenir, de Votre part, des réponses claires en termes d’engagement sincère susceptible de conduire le pays vers un avenir meilleur :

1. La Constitution est sans cesse violée par Vous-même et par les acteurs de Votre famille politique et, ce, sans faire l’objet d’une quelconque sanction. La non promulgation des lois dans les délais constitutionnels, la tenue des réunions inter-institutionnelles, I’inféodation du pouvoir judiciaire et la révision constitutionnelle de janvier 2011 particulièrement nous paraissent être révélatrices de cette volonté de Vous mettre au-dessus de la Constitution et des lois de la République.

2. En tant que démocrates, la politisation à outrance de certains services et entreprises de I’Etat où ont été nommés des représentants de la majorité présidentielle dans I’optique d’y asseoir le label de cette mouvance politique au détriment de I’opposition politique, contre poids indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, nous écoeure.

En outre, I’adhésion au PPRD tend à devenir un impératif dans certains services étatiques et établissements publics auxquels on impose, ainsi qu’à leurs employés, de cotiser pour faire valoir leur qualité de membre et protéger leur emploi. Ce comportement antirépublicain viole à la fois I’article 193 de la Constitution et I’article 36 de la loi électorale qui stipulent respectivement :

- Article 193 : " L’administration publique est apolitique, neutre et impartiale. Nul ne peut la détourner à des fins personnelles ou partisanes. Elle comprend la Fonction publique ainsi que tous les organismes et services assimilés "

- Article 36 : " Est interdite, l’utilisation à des fins de propagande électorale des biens, des finances et du personnel de I’Etat, des entreprises, établissements et organismes publics et des sociétés d’économie mixte ".

Pourtant, l’argent de ces entreprises est souvent mis à contribution pour financer certains projets politiques de la majorité présidentielle, reléguant ainsi aux calendes grecques leurs priorités.

3. Nous nous insurgeons contre les nominations qui se poursuivent allègrement au sein de la petite territoriale au mépris de la loi électorale et de la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.

4. L’activisme qu’affichent vos affidés sur l’espace sociopolitique, sur fond d’exhibitionnisme en entretenant une atmosphère de précampagne électorale inquiète. La majorité présidentielle, dont Vous êtes le chef, s’investit précocement dans cette action à travers I’organisation des manifestations et rassemblements aux senteurs électoralistes relayés par les médias officiels dont l’accès est toujours difficile pour I’opposition. C’est une situation qui dessert les autres formations politiques dans un contexte d’absence de fait du Conseil Supérieur de I’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), censé garantir la libre expression de tous dans les médias et l’égal accès de tous les congolais à une information contradictoire et libérée de toute injonction.

Aux fins de sécuriser le processus électoral, I’opposition exige donc I’installation, sans délai, du Conseil Supérieur de I’Audiovisuel et de la Communication ainsi que la mise en place de la Cour Constitutionnelle et des ’ autres juridictions devant intervenir dans ledit processus.

5. Dans les grandes artères et sur les édifices publics tant à Kinshasa qu’à travers toute la République, de grands panneaux publicitaires, avec Votre effigie, sont érigés. Cela s’apparente à une campagne électorale permanente qui ne dit pas son nom. Et, dans un Etat démocratique, de telles pratiques, qui jettent une suspicion légitime sur la transparence et la crédibilité des élections, sont prohibés et par conséquent nous Vous prions de faire enlever tous ces panneaux géants.

6. En ce qui concerne le déroulement du processus électoral, non seulement la fixation des élections présidentielles et législatives au 28 novembre 2011 viole les prescrits de la Constitution en son article 73 mais, de surcroît, les assurances du président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) sont démenties par la réalité des faits sur terrain qui démontrent à suffisance qu’on est encore très loin du compte en termes de préalables liés à I’organisation de ce scrutin.

En effet, pour ne citer que quelques préalables, nous notons notamment I’absence de recensement et d’identification des nationaux, de I’audit du fichier électoral et le non accès à la gestion du serveur central par I’un des partenaires au processus qu’est I’opposition politique.

Par ailleurs, l’insécurité entretenue dans les territoires de l’Est où sévissent des groupes armés, les irrégularités flagrantes notamment I’enrôlement des mineurs, des hommes en uniforme, des étrangers, Ie déplacement massif des populations d’une circonscription vers celle où I’on est candidat portent à croire qu’il y a une volonté délibérée d’organiser des élections non transparentes.

Comment par exemple expliquer que la province du Katanga avec une superficie de 496.877 Km² et une population estimée à 9.255.514 (soit une densité de 18.6 habitants par Km²) en en 2010 puisse enrôler 1.400.000 électeurs de plus que Kinshasa qui a une population estimée à 9.71 0.804 (soit une densité de 974.5 habitants par Km²) et qui vit sur 9.965 Km² seulement ?

7. En matière de respect de droits de l’homme, notre pays continue à s’illustrer par des violations massives, et qui sont régulièrement dénoncées par Ies organisations nationales et internationales.

Pour ne citer que quelques cas notoires : le dénouement de l’affaire Florbert Cgebeya nous laisse perplexe étant entendu que la Cour n’est pas arrivée à faire toute la lumière sur I’assassinat de cet activiste des droits de l’homme assassiné le même jour que son chauffeur Fidèle Bazana dans des circonstances non encore élucidées totalement, Le colonel Daniel Mukalay et ses complices n’auront été que des simples exécutants.

Le blanchiment de l’inspecteur général de la police nationale, pourtant considéré comme le principal suspect dans cette affaire, jette le doute sur l’arrêt prononcé par l’instance judiciaire. Nous exigeons que le concerné soit effectivement jugé car beaucoup d’éléments, du reste détenus par les Ong des droits de l’homme, établissent clairement la responsabilité personnelle de cet officier général de la Police nationale congolaise.

Nous exigeons aussi que toute la lumière soit faite sur l’assassinat du député provincial Daniel Boteti, d’Armand Tungulu, de Madame Consolate Kanyere, Bukueba Kazire, Serge Lukusa et de tous les journalistes et autres activistes de droits de I’homme assassinés. Nous exigeons en outre la libération des compatriotes notamment Kutino, Mokia, Molabo. Me Firmin Yangambi, Jonathan Tshibasu, Elie Kapend, Etienne Ilunga, Roger Mayamba et consorts, tous, combattants de I’opposition. Prisonniers d’opinion qui croupissent injustement en prison.

L’opposition politique déplore en outre la non implication de Votre gouvernement dans le suivi du dossier judiciaire du Sénateur Jean-Pierre Bemba détenu par la Cour Pénale Internationale à La Haye.

Enfin, nous dénonçons la traque, par les agents de l’ANR, des Congolais de l’étranger particulièrement ceux provenant du Royaume-Uni, arrêtés arbitrairement à leur arrivée ou départ à Kinshasa ainsi que des journalistes et artistes musiciens, proches de l’opposition : les cas de Gérard Mavula Mapela, de Georges Ekofo Botamba et de Baby Balukuna et de I’ artiste musicien Marie-Paul.

Il en est de même de l’interdiction de sortie du territoire national imposée aux opposants, cas du professeur Gaston Dyndo

Le non agrément du parti politique Bundu dia Mayala, pourtant en règle avec les lois de la République, suscite beaucoup d’interrogations au sein de I’opinion. Et, ceci démontre à suffisance que la liberté d’expression en RD Congo est devenue une faveur résultant du " fait de prince ".

Partant, I’opposition exige que cette formation bénéficie de son droit de fonctionnement.

8. Nous Vous rappelons que lors de Votre discours à la nation du 07 décembre 2009, Vous avez proclamé 2010 " I’année du social " L’opposition politique note avec stupéfaction qu’aucune avancée significative n’a été enregistrée dans les domaines de la santé, de l’éducation, le I’emploi et dans l’amélioration de la desserte en eau et électricité.

9. En ce qui concerne la formation d’une armée et d’une police nationale et républicaines, nous constatons que Votre pouvoir n’a pas été capable de mettre en place une armée, une police et des services de sécurité professionnels et républicains à même de restaurer la paix, de sauvegarder et de préserver I’ intégrité du territoire national.

Quels sont, par exemple, ces critères de sélection pour les nominations des commandants dans I’armée et la police qui font que, dans le Nord et le Sud Kivu ainsi que dans la Province Orientale, il n’y ait que des commandants d’une même obédience ?

Par ailleurs, le silence coupable du gouvernement après la publication par les Nations Unies du " Rapport Mapping ", faisant état de crimes de génocides, crimes de guerre et de crimes contre I’humanité (notamment les viols massifs des femmes, des hommes et des enfants érigés en arme de guerre) commis sur le sol congolais nous laisse perplexe en ce que les auteurs nommément cités

(Bosco Tanganda) dans ledit rapport n’ont fait I’objet d’aucune poursuite judiciaire

10. En dépit des proclamations’ sur la " politique de tolérance zéro ", qui n’est un slogan creux, nous constatons malheureusement que le pillage des ressources naturelles et autres richesses nationales amplement dénoncé par le " Rapport du Panel des Experts des Nations Unies sur {’Exploitation illégale etle Pillage des Ressources Naturelles de la RD Congo ", la corruption érigée en système de gouvernement, l’opacité dans la procédure de passation des marchés publics, le système de prédation qui gangrène l’économie nationale, le blanchiment d’argent à origine douteuse, l’existence d’un gouvernement parallèle, le mauvais climat des affaires, la paupérisation de Ia population, le vol, I’incurie ainsi que le clientélisme et le népotisme, conduisent à la régression notoire de la République démocratique du Congo et minent son développement.

Tout ce qui précède démontre à suffisance que l’intérêt privé a pris le pas sur l’intérêt général et que le pays n’est pas géré pour le bien commun.

En définitive, pour avoir échoué sur tous les plans, politique, économique et social, et à cette heure tragique où la Nation est en danger, Votre pouvoir ne mérite plus la confiance du peuple. Ainsi, toutes les forces de l’opposition politique Vous invitent à en tirer toutes les conséquences qui s’imposent tout en Vous demandant de cesser de prendre en otage le processus électoral en cours.

Faute de quoi, Vous en porterez toute la responsabilité devant le peuple et I’histoire.

Recevez, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sincères salutations patriotiques.

© Congoindépendant 2003-2011

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