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vendredi 26 août 2011

Présidentielle 2011 : «Joseph Kabila» et ses zélateurs





De gauche à droite E. Boshab et Emile Bongeli. Photo Tele50.com

Misère sociale, stagnation économique, dérive autoritaire, exécutions extrajudiciaires, insécurité pour les personnes et les biens, impuissance de l’Etat face aux bandes armées, corruption, impunité, retour en force du tribalisme et du régionalisme. En dépit de ce bilan globalement négatif, plusieurs individualités et autres organisations font assaut de leur soutien au président sortant «Joseph Kabila». L’appât du gain pour les uns, la préservation des privilèges et avantages acquis pour les autres, semblent être les principales motivations. L’intérêt de la grande majorité de la population n’est guère pris en compte.

Analyse

«Joseph Kabila doit être réélu. Son bilan est largement positif». C’est le discours que claironnent les zélateurs du «kabilisme». Dimanche 21 août, à l’issue de deux jours de congrès, les militants du parti présidentiel, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), ont investi le président sortant «Joseph Kabila» comme «candidat» à l’élection présidentielle du 28 novembre prochain. Selon Evariste Boshab, secrétaire général de cette formation politique, «la personnalité et les atouts politiques du candidat à la présidentielle sont déterminants pour le développement du pays.» Des congressistes ont souligné que «Joseph Kabila a fait preuve de vision et d’excellence dans la défense de la patrie et de l’intégrité du territoire national ainsi que dans la gestion de la chose publique». Quelle langue de bois!

Dans la déclaration finale du congrès, on apprenait que le choix exprimé découle notamment au fait que «Kabila» «a, en outre, toujours fait montre des qualités morales exceptionnelles en étant discipliné et constant dans ses promesses». Boshab n’a pas dit un mot sur le bilan du chef de l’Etat. Un homme qui est pourtant à la tête du pays depuis dix ans. Voilà une lacune incompréhensible de la part du parti majoritaire à trois mois de la fin de la législature. Comment peut-on demander à un peuple de reconduire l’homme qui le dirige depuis une décennie sans procéder au préalable à un inventaire de ce qui a été fait et ce qui est possible de faire pour l’avenir ? Devrait-on conclure que le PPRD demande à «Kabila» d’être candidat à sa propre succession juste pour conserver le pouvoir dans son giron?

Au cours de cette réunion politique, le gouverneur de la ville de Kinshasa, le PPRD André Kimbuta Yango, a pris la parole pour exprimer «la reconnaissance de la population kinoise» au président sortant «pour son programme de reconstruction et de développement de la capitale.» Kimbuta de promettre au «président-candidat» «le soutien des Kinois» «afin de lui permettre d’achever son programme des cinq chantiers qui contribue à la modernisation de la ville de Kinshasa.» Comme pour nuancer ce «serment de fidélité», les Kinois, mobilisés par l’association «SOS Kinshasa», ont manifesté leur mécontentement dans la soirée de ce même dimanche 21 août contre les coupures incessantes d’électricité. La veille, comme pour désamorcer ce mouvement citoyen, le chef de l’Etat nommait un nouveau conseil d’administration à la tête de la Société nationale d’électricité. «Cette décision du chef de l’Etat, note une dépêche de l’ACP, a été saluée par la population de la capitale confrontée à la recrudescence de la criminalité due au manque d’électricité dans de nombreux quartiers de Kinshasa.» Inutile de dire que pas d’électricité, pas d’eau courante.

Avant le PPRD, jeudi 18 août, le parti «La Convention des Congolais unis» (CCU) de l’actuel ministre de la Communication Lambert Mende Omalanga clôturait son congrès. Ici aussi, «Joseph Kabila» a été désigné «candidat à la présidentielle». Dans une petite allocution, Mende a justifié ce choix en relevant «les qualités de rassembleurs, d’homme pondéré et réfléchi» du président sortant. Pas une allusion sur le bilan du quinquennat.

Le monde associatif «au secours» de « Kabila» 

Pour les opportunistes, la période électorale est un moment propice pour se faire de l’argent facile. On assiste ainsi à un trop plein d’individualités et d’associations décidées à soutenir le «président-candidat». Ne dit-on pas que le flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ?

Dans une tribune intitulée «Le président Kabila, la force tranquille au service du grand changement au Congo», publiée le 29 juin dernier, sur le site Digitalcongo.net, un militant du PPRD-France écrit que «le grand chambardement que connaît le paysage urbain et rural étonne plus d’un dans un pays dont les populations ont été bercées pendant plus de trois décennies de discours ambitieux sur un prétendu devenir à la portée de la main.» Et d’ajouter : «Aujourd’hui, avec moins de moyens financiers comparativement aux années de lustre, le président Kabila insuffle une énergie inhabituelle après avoir mis fin à une guerre d’agression de cinq ans qui aurait pu démanteler tout l’édifice national.» Pour cet activiste potilique, le président sortant «est l’homme d’Etat qui incarne la renaissance du Congo. Il est et sera le père de la modernité au Congo.»

«Pourquoi Kabila fait peur ?», enchaîne un internaute nommé Junior Kalenga. Celui-ci commence par rappeler que «Joseph Kabila» a accédé à la magistrature suprême le 6 décembre 2006. Il s’était engagé «à pacifier complètement tout le territoire de la République, à rétablir l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national, à moderniser l’armée, la police et les services de sécurité, à assurer le fonctionnement harmonieux des institutions issues des élections de 2006, à redresser l’économie du pays, à améliorer le vécu quotidien des congolais, à protéger le patrimoine national culturel et écologique, à assurer au pays sa place dans le concert des Nations et à redonner à la jeunesse la fierté et l’espoir d’être et de demeurer congolais.» Kalenga de rappeler au passage que «le président de la République annonce sa vision et son programme ayant pour thème « les cinq chantiers pour changer le Congo».

Qu’en est-il du bilan ? "Junior" se contente de relever que «ce programme est en cours d’exécution». Selon lui, «les choses changent d’année en année». Pas un mot sur les réalisations accomplies. Sauf la modernisation «comme jamais auparavant» du boulevard du 30 juin, le boulevard Triomphal, le boulevard Lumumba, l’avenue du tourisme «et bien d’autres». La réfection d’une route relève-t-elle de la compétence d’un chef d’Etat ?

A en croire Kalenga, l’économie congolaise se porte bien. La «production» a repris, «le chef de l’Etat s’active à faire de l’économie congolaise, l’une des économies émergentes du monde.» En faisant quoi? Silence radio. Il poursuit : «Le climat des affaires» s’améliorant davantage, "des investisseurs n’hésitent plus à engager leurs capitaux dans l’économie congolaise. La floraison de banques et de structures de communication, le boom dans le secteur de l’immobilier, pour ne citer que ces secteurs, en sont des illustrations parlantes. En 2008, les investissements directs étrangers étaient estimés à plus de 2,5 milliards de dollars américains. Le secteur privé est devenu plus viable et plus compétitif.» Et de conclure que «ces nouveaux investissements permettent de résorber le chômage qui frappe de plein fouet la société congolaise en général et la jeunesse congolaise en particulier. Ceci permet de matérialiser le volet emploi du programme d’action du chef de l’Etat. C’est la preuve criante que le social n’est pas en reste.» Quelle confusion entre projet et réalisation?

«Ensemble pour Kabila», c’est la dénomination d’une association kinoise dirigée par un certain Brandon Midagu. Celui-ci se veut apolitique. Il est l’initiateur d’un projet de marketing qui «a pour objet d’offrir au candidat Joseph Kabila une plus grande flexibilité permettant de convaincre et de persuader davantage les électeurs au-delà des lignes traditionnelles pouvant lui offrir les organisations politiques classiques.» Midagu voudrait mobiliser les
«sympathisants» du président sortant lors de la présidentielle pour l’aider «à finir ce qu’il a commencé... ».

L’enjeu électoral

Plusieurs autres associations se bousculent au portillon pour offrir leur "soutien" à «Kabila». C’est le cas notamment de l’ONGD «Réseau solidarité laborieuse» (RESOL). Cette organisation est dirigée par Joséphine Kilonda Makiona. Le groupement «soutient la candidature de Joseph Kabila aux échéances électorales de 2011.» Selon la présidente Kilonda, «plusieurs raisons militent en faveur d’un second mandat pour Joseph Kabila, notamment, sa ferme détermination à vouloir reconstruire la RDC dont les actions sont remarquables à travers les cinq chantiers avant de saluer la paix retrouvée.»

Le dernier mot revient au ministre de l’Intérieur et de la sécurité, Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’sefu. En séjour dans son Kabinda natal, au Kasaïl Oriental, il a «invité» les populations de ce district «à renouveler leur confiance» au président «Joseph Kabila» lors du scrutin présidentiel de novembre prochain. Et ce «pour lui donner l’opportunité de parachever son projet de société défini dans le cadre des cinq chantiers de la République pour l’intérêt du pays en général et celui de la communauté Songye en particulier.» L’histoire ne dit pas si Lumanu avait commencé par expliquer aux «Kabindais» les réalisations déjà accomplies au Kasaï Oriental en général et au Kabinda en particulier.

On le voit, le 28 novembre prochain, l’enjeu électoral en RD Congo va tourner autour d’un "affrontement" entre d’une part une minorité d’opportunistes, soucieux de préserver des intérêts particuliers et de l’autre, la grande majorité de la population congolaise précarisée. Une population qui a soif du Changement. Une population qui ne se fait plus d’illusion sur l’aptitude du président sortant «Joseph Kabila» à lui redonner l’espérance. C’est un rendez-vous avec l’Histoire!

B.A.W 
© Congoindépendant 2003-2011

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