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mardi 6 septembre 2011

Affaire Bemba: Le Belge Van Den Bogaert chahute une audience de la CPI


L’Anversois Ronald Van Den Bogaert, «RVDB» pour ses amis, a provoqué un incident lors de l’audience du vendredi 2 septembre dans le cadre du procès «le procureur contre Jean-Pierre Bemba Gombo».

Quarante mois après son interpellation à Bruxelles et son transfert dans une cellule de la Cour pénale internationale à La Haye, le sénateur congolais Jean-Pierre Bemba Gombo attend toujours de connaître son sort. Face à lui, il y a le procureur Luis Moreno-Ocampo. Le magistrat paraît plus décidé à faire expier un «gros poisson» - un bouc émissaire? - plutôt qu’à rechercher la vérité sur ce qui s’est réellement passé lors du déploiement des troupes du MLC à Bangui, fin 2002 et début 2003. Des troupes envoyées au secours du chef d’Etat centrafricain de l’époque, Ange-Félix Patassé.

Vendredi 2 septembre. Salle n°4. Dès 9h30, l’audience du jour a commencé. Jean-Pierre Bemba est assis à sa place habituelle d’accusé. Plusieurs Congolais sont dans l’assistance. Un des avocats des «victimes» prend la parole. C’est en ce moment que l’Anversois Ronald Van Den Bogaert se lève. «Nous avons subitement vu un homme de race blanche déployer une banderole et un drapeau de la République démocratique du Congo», rapporte un témoin joint dimanche matin au téléphone. Sur le calicot, il était écrit «This is a big joke !». Traduction : «Ce procès est une vaste blague!». Maîtrisé et évacué par des agents de sécurité, «Ronald» a pu lancer : «Cet homme {Ndlr : Jean-Pierre Bemba} n’a rien à faire ici. Sa place se trouve au Congo où l’attendent des millions de gens.»

«Manipulation politico-judiciaire»

Ouvrons la parenthèse pour rappeler que lors d’un point de presse tenu le 3 mars dernier à Bruxelles, la sénatrice MLC Eve Bazaïba Masudi, qui est juriste de formation, avait fustigé le maintien en détention de Bemba Gombo poursuivi pour «crimes de guerre» imputés aux troupes du Mouvement de libération du Congo. La parlementaire n’a pas caché son étonnement de voir le chef rebelle du Darfour, Bahr Idriss Abu Garda, comparaître depuis 2009 «en homme libre» alors qu’il est accusé de «crimes de guerre» imputés à ses hommes lors d’une attaque dirigée contre des casques bleus en septembre 2007. Bazaïba de martéler : «Jean-Pierre Bemba avait envoyé des troupes à Bangui à la demande d’Ange-Félix Patassé, alors chef d’Etat centrafricain, qui faisait face à une insurrection menée par le général François Bozizé qui n’est autre que l’actuel président. Au lieu de poursuivre Bozizé et Patassé, le procureur prend plaisir à s’acharner sur Bemba». Et d’ajouter que «le procureur Moreno doit prouver que Jean-Pierre Bemba avait le commandement et le contrôle effectif sur les troupes du MLC déployées à Bangui.»

En attendant, Bazaïba considère que le procès mené contre le leader du MLC "n’est qu’une manipulation politico-judiciaire". Pour étayer cette thèse, elle cite les propos tenus notamment par le témoin à charge «n°73» selon lesquels «ce sont les enquêteurs de la CPI qui ont rempli les formulaires avec les biens pillés». «Les enquêteurs de la CPI ont propagé la nouvelle selon laquelle M. Bemba a été arrêté. Il va rembourser tout ce qui vous a été pris», aurait ajouté ce témoin. Pour cette sénatrice, les «témoignages à charge» présentés par le procureur près la CPI relèvent d’un «montage». Et de souligner qu’on semble éluder le fait que «Bemba a pris les armes fin 1998 pour inciter le président Laurent-Désiré Kabila à poursuivre le processus de démocratisation et que malgré les irrégularités constatées lors de l’élection présidentielle de 2006, le leader du MLC a accepté les résultats des urnes. Il a été élu sénateur et s’apprêtait à servir son pays.» Fermons la parenthèse.

«Activiste politique»

Qui est "RVDB"? Ronald Van Den Bogaert est ce qu’on peut appeler un «activiste politique». Militant de la gauche flamande (Socialistische Partij) dans les années 80 et 90, «RVDB» était également un sympathisant de l’UDPS à l’époque où cette formation politique évoluait dans la clandestinité. Le 18 juillet 1985, l’homme est arrêté à sa descente d’avion à l’aéroport de Ndjili. Il était porteur d’un dossier contenant des «coupures de presse» sur la situation générale au Zaïre de Mobutu Sese Seko. Il portait également des cassettes destinées à l’UDPS. Des cassettes contenant des messages du professeur Dikonda wa Lumanyisha. Au moment de cette interpellation, ce dernier représentait ce parti en Belgique. Condamné à une peine de dix ans, «Ronald » retrouve la liberté après six mois de détention à la prison de Makala. Et ce, sur intervention personnelle du roi Baudouin 1er.

«Tshisekediste» pur sucre, RVDB s’est illustré à la fin des années 90 par deux actes politiques dignes d’un «baroudeur». Premier acte. Août 1998. C’est la rupture entre LD Kabila et ses ex-parrains rwandais et ougandais. Un nouveau «mouvement rebelle» est né à Goma. A Bruxelles, Emile Kanyengele, nommé chargé d’affaires ad intérim, est à la recherche d’un «bailleur de fonds» pour permettre au Mzee de financer «l’effort de guerre». Imprudent, Kanengele confie cette mission à un certain Jeff Kilombo, un ancien militant du MNC-Lumumba. Quelle est la contrepartie ? «En contrepartie, explique le diplomate à Kilombo, la RD Congo est disposée à donner des concessions minières, du bois etc.». "Jeff" se lance donc à la recherche d’un homme d’affaires flamand capable de mobiliser 500 millions $US. Il se confie à un de ses amis qui s’appelle…Ronald Van Den Bogaert. Un premier rendez-vous a lieu entre RVDB et le diplomate. Un autre rendez-vous est pris. Lors de cette deuxième entrevue, l’Anversois enregistra les propos de Kanengele grâce à un stylo-espion. Kanengele n’a pu «démasquer» son interlocuteur que bien après l’entretien. Van Den Bogaert convoqua une conférence de presse au cours de laquelle il révéla son «coup». Deuxième acte. En novembre 1998, le président LD Kabila est attendu à Bruxelles pour sa première «visite de travail». En compagnie d’un groupe de militants du MNC-L (dont un certain Jean-Claude Ndjakanyi), RVDB s’introduit dans la cour du palais royal où se trouve les bureaux du Roi. Devant des caméras, les militants du MNC-L constitués en «commando» ont le temps de déployer des banderoles portant des slogans hostiles à la visite de «Papa Kabila». Selon certaines sources, Van Den Bogaert a apporté jadis un «soutien appréciable» à l’association de défense des droits humains «La Voix des Sans-Voix pour les droits de l’Homme».

Joint au téléphone samedi soir par l’auteur de ces lignes, Van Den Bogaert a laissé entendre qu’il n’y a "aucune motivation politique" derrière son geste. Et d’ajouter : «J’ai agi pour des raisons d’ordre personnel…». 
A Bruxelles, certaines voix se sont élevées pour relativiser la portée de l’action de l’activiste politique anversois : «Au lieu de se limiter à cette action spectaculaire aux effets limités, Ronald Van Den Bogaert aurait dû se constituer témoin à décharge en faveur de l’accusé Bemba...»

B.A.W
© Congoindépendant 2003-2011

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