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vendredi 2 septembre 2011

Tshisekedi réclame le serveur central


Dans une interview accordée à Jeuneafrique.com mise en ligne le 30 août dernier, le leader de l'UDPS explique le sens de la pression que son parti met sur la CENI pour que le fichier électoral soit publié et mis à la disposition de tous les acteurs en compétition.
Alors que Joseph kabila vient de se faire investir candidat à sa propre succession par la Majorité présidentielle MP- pour le scrutin de novembre en RD-Congo, son principal opposant, Etienne Tshisekedi, mobilise des stades pleins à craquer. Et fustige avec sa verve habituelle le bilan du président sortant. Interview.

Selon vous, les conditions sont-elles réunies pour que l'élection présidentielle de novembre soit transparente et juste en RDC?

Non, sinon il n'y aurait pas tant de remous au sein de l'opposition. Nous pensons toujours qu'il y a anguille sous roche. Le problème le plus important reste l'accès au serveur central -de compilation informatique des données électorales, NDLR. Nous devons avoir un oeil là-dessus parce que c'est à ce niveau que s'organisent les tripatouillages. Et l'autre problème, c'est la publication du fichier électoral. Il doit être affiché devant tous les bureaux de vote afin que chacun puisse voir si son nom est sur la liste, s'il n'y a pas d'électeurs fictifs et si tout le monde est en règle. La vraie transparence exige que le fichier électoral soit publié et mis à la disposition de tout le monde. Or la Commission électorale nationale indépendante -CENI- semble réticente à cela, particulièrement en ce qui concerne l'accès au serveur central. C'est pourquoi nous faisons pression sur elle, tant par le biais de la rue que par celui de la diplomatie, pour que le processus électoral soit réellement transparent.

Que feriez-vous si vous n'obteniez pas satisfaction ?

Quelle que soit la situation, il n'est pas question pour nous de boycotter ces élections. Nous allons y participer.

En tant que candidat, la présidentielle à un tour vous arrange-t-elle?

Cela me dérange dans la mesure où monsieur Kabila a eu cinq ans pour modifier la Constitution. Il a attendu l'année électorale pour le faire. Cela cache des intentions qui ne sont pas très bonnes. Mais comme c'est fait, c'est fait. Je ne suis pas inquiet parce que cette révision constitutionnelle n'empêchera pas l'opposition de remporter le scrutin.

Votre souhait est-il d'être le candidat de l'opposition? Je ne dis pas que je veux être le candidat de l'opposition. Je suis de l'opposition depuis trente ans et je suis candidat à la présidence de la République. Ce sont deux choses différentes.

Que est l'intérêt de l'opposition : présenter un seul ou plusieurs candidats ?

Rien ne me gêne. Je ne veux pas donner l'impression de forcer la main à certains pour qu'il y ait un candidat unique de l'opposition. En ce qui me concerne, ce n'est pas nécessaire pour que les élections se déroulent d'une façon normale.

Votre voyage au Katanga avait-il une signification particulière?

C'est à moi de vous demander pourquoi vous faites la distinction entre le Katanga et le Congo! Revenant de l'extérieur, n'ai-je pas le droit de rentrer dans mon pays et de m'y déplacer sans que cela ait une signification particulière? Je suis libre d'aller partout. Hier c'était le Katanga, demain ce sera la Province Orientale, et après demain le Kivu. Pourquoi me poser une question sur un fait aussi banal?

Ne serait-ce pas une façon de défier Joseph Kabila dans ce qui est considéré comme son fief ?

C'est vous qui le pensez. Pour ma part, je n'ai jamais considéré que quelqu'un ait un fief au Congo. Le Congo est le fief de tout le monde. N'importe qui a le droit d'aller battre campagne où il veut, sans aucune arrière-pensée.

Vos adversaires évoquent votre âge pour vous pousser à jeter l'éponge. Ce genre de propos vous irritent-ils?

Pas du tout! C'est de bonne guerre. Même si la campagne électorale n'a pas encore officiellement commencé, nous sommes déjà dedans. Chacun est libre d'utiliser le langage qu'il croit efficace pour l'emporter sur l'adversaire.

Est-ce que la communauté internationale doit jouer un rôle dans le processus électoral?

Le seul rôle à jouer est de laisser le peuple congolais choisir librement l'homme par qui il veut être dirigé. Elle ne doit pas se mêler des affaires congolaises comme elle l'a fait en 2006. C'est ce que je lui demande, en plus du financement du scrutin pour lequel elle s'est engagée dans le cadre de la solidarité internationale. Il ne faut pas qu'elle répète ce que j'appelle la bêtise de 2006, qui a consisté à se mêler de ce que les Congolais veulent ou ne veulent pas.

Regrettez-vous d'avoir boycotté les élections de 2006?

Pas le moins du monde! Je le referais encore s'il le fallait. Vous dites élections, moi je dis mascarade. Je ne regrette pas de n'avoir pas légitimé cette mascarade-là. Je n'aimerais pas que l'on dise demain que Tshisekedi a contribué à l'élection d'untel en 2006. Je suis content de n'y être pas allé.

Êtes-vous toujours radical?

D'abord, je ne sais pas ce que ce mot veut dire. Si vous pouvez me l'expliquer...

Vous ne lâchez rien.

Si c'est dans le sens de quelqu'un qui tient aux principes, oui, je suis radical. Quand je sais que ce que je fais est bon, je m'y attache sans varier, sans hésiter. Dans ce que je défends, il y a des valeurs qui font la fierté de tous les pays du monde. Des valeurs de liberté, de transparence, de bonne gouvernance, de lutte contre l'impunité et la corruption. Voilà les valeurs auxquelles je suis attaché. Sans oublier la création d'un Etat de droit au Congo.

Le régime de Kabila n'est-il pas différent de celui de Mobutu?

Je ne vois aucune différence. Au contraire, le Congo a cinquante-et-un ans de recul. L'avancée c'est dans le vol et le détournement des deniers publics. Si on compare les deux régimes, celui de Mobutu a moins volé que celui qui est en place.

Si vous étiez président, quelles seraient vos priorités?

Les priorités, c'est d'abord la création d'une véritable armée nationale, d'une vraie police nationale. Nous allons mettre particulièrement l'accent sur les problèmes qui touchent la population: l'éducation, la santé, l'accès à l'eau potable et à l'électricité. La plus grande richesse du Congo ce ne sont pas les minerais, comme on le dit, c'est plutôt l'agriculture. Nous allons appeler les Congolais à développer ce secteur. Vu l'immensité du pays, les voies de communication et les transports figurent parmi mes priorités. Il faudra aussi donner du travail aux chômeurs, qui représentent 90 % de la population.

Avec quels moyens?

Quand j'étais en Europe, j'ai fait de mon mieux pour rencontrer les dirigeants de grandes entreprises. Je leur ai dit que lorsqu'il y aura un Etat de droit qui assure la justice et la sécurité de tous, il faudra qu'ils viennent investir. Cela nous permettra de créer des emplois. Nous espérons voir émerger une classe moyenne.

Propos recueillis à Kinshasa par TSHITENGE LUBABU M.K. 

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