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dimanche 6 novembre 2011

Dérives électorales :

 La police a-t-elle choisi son camp ?


Jean de Dieu Oleko, Inspecteur provincial de la police à Kinshasa.

La campagne électorale pour la présidentielle du 28 novembre prochain a enregistré hier mercredi 02 novembre son énième bavure. Cette fois-ci, les « belligérants » ne se recrutaient pas parmi les partisans des candidats à la magistrature suprême. C’est plutôt la police qui s’est affichée sur la Place Victoire, au quartier Matonge, dans la commune de Kalamu, comme protectrice des intérêts du candidat Joseph Kabila.

L’attitude de la police est d’autant surprenante que le périmètre querellé avec les combattants de l’UDPS est une place publique ouverte à tous les candidats, si l’on s’en tient aux dispositions de la Loi Electorale, du Code de bonne conduite de la CENI et de la Directive du CSAC réglementant le déploiement des calicots, pancartes, panneaux, portraits, posters. On aurait pu comprendre que l’obstruction à l’installation du panneau du portrait d’Etienne Tshisekedi provienne des «Pomba », «Kuluna» et « Shegue » du PPRD ou d’un autre parti de la Majorité Présidentielle, dans un environnement électoral dominé par l’intolérance politique.

Mais que des éléments de la Police Nationale Congolaise, censés travailler sous le sceau de l’apolitisme, et de la neutralité, particulièrement en cette période sensible du marketing des candidats en direction de l’électorat, s’illustrent dans des actes de nature à empêcher certains d’entre eux de battre campagne, il y a d quoi s’inquiéter sérieusement. Ces craintes sont d’autant fondées que c’est à la police que la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) a donné mission de sécuriser les prétendants à la présidentielle, en les dotant chacun de 25 éléments.

Quel est ce présidentiable qui aurait encore confiance en des policiers ayant interdit, sans raison plausible, l’installation de son portrait dans un carrefour, le passage de sa caravane publicitaire sur une voie publique, la distribution des dépliants contenant son projet de société ? La police congolaise a-t-elle déjà choisi son camp? De nombreux observateurs n’hésitent pas à répondre par l’affirmative. On ne serait pas étonné, à cette allure, de voir un policier monter au créneau pour prendre part au débat politique sur un plateau de télévision ou passer à l’antenne d’une radio pour contredire un candidat.

En tout cas, l’attitude partisane des membres de ce corps ayant en charge la sécurité des candidats et des électeurs, au regard de l’incident d’hier à la Place Victoire et d’autres bavures déjà enregistrées en périodes préélectorale et électorale, est perçue comme un cinglant démenti aux assurances données par le ministre de l’Intérieur, son collègue des Affaires Etrangères ainsi que le président de la CENI aux partis politiques, aux ambassadeurs ainsi qu’à diverses personnalités et structures étrangères intéressés par le processus électoral congolais.

La promesse d’organiser des élections libres, transparentes, indépendantes et apaisées est chaque jour sujette à caution à cause, notamment, de l’instrumentalisation de la police par des décideurs politiques ayant la double casquette de gestionnaires de la chose publique et de candidats aux mandats électifs. La situation des policiers congolais exige d’être clarifiée par leur hiérarchie, afin que les candidats dépourvus d’imperium sachent sur quel pied danser.

La République Démocratique du Congo serait-elle rentrée à l’époque du MPR (Mouvement Populaire de la Révolution), qui revendiquait avec arrogance et suffisance le statut de Parti-Etat?

Les nostalgiques de la triste époque du monopartisme se souviennent que l’émergence d’une candidature parallèle à celle, unique, du « Président- Fondateur », du «Timonier », du « Guide éclairé » et du « Père de la Nation », du « Bâtisseur », du « Pacificateur »... était assimilée à un crime de lèse-majesté. Un des rares ex-Zaïrois à avoir osé se présenter à là présidentielle contre le Maréchal Mobutu, nous avons cité le premier sociologue Ngoma Ngambu d’heureuse mémoire, en avait eu pour son compte. Sa carrière professorale en avait pâti jusqu’à son départ à la retraite. La RDC de 2011 serait-elle sur les traces du Zaïre des années ‘70 et ‘80?

In Le Phare 03.11.2011 
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