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mercredi 16 novembre 2011

Panafrique :

14 novembre 2011Juliette Abandokwe


« Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a mis en garde vendredi les hommes politiques de la RD Congo (RDC) contre les actes de violence électorale, annonce un communiqué publié vendredi à Nairobi, la capitale du Kenya. Il a affirmé qu'il était en train de suivre "avec la plus grande vigilance" le processus électoral en RDC qui doit aboutir à des élections présidentielle et législatives prévues le 28 novembre. » Panapress, 13 novembre 2011.

L’Occident tremble pour ses intérêts en RDC

A part l’affaire Charles Taylor, et le tapage médiatique autour de lui, il est justifié de se demander ce que la CPI a fait de concret en Afrique.  Jean-Pierre Bemba est en prison pour laisser politiquement le champ libre à Joseph Kabila, et les co-responsables des exactions dont il est accusé n’ont jamais été inquiétés. Aujourd’hui la « communauté internationale » n'est pas en faveur de Tshikesedi à la tête de la RDC, pourtant favori dans son pays, et les déclarations d’Ocampo, porte-parole d'un organisme servant de toute évidence les intérêts de l'Occident, doivent interpeller l’opinion publique. Depuis quand la CPI se préoccupe-t-elle de façon aussi claironnante des  violences péri-électorales en Afrique? 

«Nous veillons à ce que le processus ne conduise pas à des actes de violence ou à des attaques contre la population civile. »

Nous… 

Où sont les déclarations apitoyantes dans d’autres situations similaires?

Au Cameroun, toute opposition menaçant le régime de Biya – toute opposition n’étant pas suffisamment menaçante - est systématiquement réprimée par le tabassage, l'emprisonnement, la torture et l’exécution depuis 30 ans. Les manifestations de février 2008 lors du bidouillage de la Constitution camerounaise, du 23 février 2011, ainsi que la répression de toute activité d’expression de désaccord envers le « candidat naturel à sa succession » ressentie comme nuisible pour le pouvoir, en vue des élections du 9 octobre dernier, en sont les preuves vivantes. Où sont les déclarations de la CPI ? Pourtant, une liste détaillée de personnes tombées sous les balles et les tortures des autorités camerounaises pendant les 30 ans du pouvoir de Paul Biya, existe bel et bien. Quelle mort de violence étatique ou exécution extrajudiciaire au Cameroun  a été une fois questionnée par la CPI sur les devants de la scène internationale?

En République Centrafricaine, des assassins notoires de populations civiles, à l’instar notamment d’Eugène Ngaïkosset, capitaine dans la garde présidentielle de son état, et surnommé officiellement « le boucher de Paoua », se baladent tranquillement dans les rues de Bangui depuis des années. La CPI a fait quoi? Toute la « communauté internationale » est pourtant présente à Bangui, et sait parfaitement et en détail ce qui se passe. En lieu et place, les bailleurs de fonds occidentaux ont continué à verser des millions dans les poches sans fond d’un régime profondément anti-démocratique et sanguinaire, qui détourne systématiquement tous les fonds qu’il empoche. Il est en outre de notoriété publique que les affaires diamantifères intéressent beaucoup de monde sur place. Une sorte d’activité accessoire de week-end, comme les colons dans le temps qui allaient à la chasse au lion. Un sport colonial moderne en somme.

Joseph Kony et sa LRA dans ses promenades de plaisir dans les forêts équatoriales d'Afrique centrale, on lui a déjà fait quoi? Depuis qu’il est visé par un mandat d’arrêt de la CPI en 2005, le manque de volonté politique pour son arrestation effective est évident. En attendant, c’est un bon petit agitateur de poche qui peut toujours servir le cas échéant.

Laurent Nkunda, auteur bien connu de nombreux massacres dans le Kivu à l’est de la RDC, interpelé par la CPI, arrêté en janvier 2009, soi-disant en résidence surveillée au Rwanda, et dont on avait encore brandi le spectre quand Kabila s’était mis à flirter avec des contrats avec  les Chinois, se promène en réalité en toute liberté dans les rues de Kigali. Et El-Bechir? Son mandat d’arrêt par la CPI a été de toute évidence monnayée contre l'accès facilité de l'Occident au pétrole du Sud-Soudan. Hissène Habré se prélasse au Sénégal, pendant qu’Idriss Deby, son ancien chef d'Etat-major, continue à terroriser le peuple Tchadien.

Joseph Kabila, candidat de l'Occident, n'est pas en bonne posture aujourd’hui à la veille de l’élection du 28 novembre prochain. Que vont donc encore inventer ses souteneurs pour le couvrir et le maintenir de gré ou de force ? Où la violence étatique de Kabila en quatorze ans de pouvoir figure-t-elle dans les annales de la CPI? Et les 6 millions de morts à l’Est du Congo… qu’en a fait la communauté internationale? Où sont les coupables? Pourtant Kabila est le chef des armées dont sont issus de nombreux tortionnaires. Et surtout, qu’a-t-il fait pour le peuple qui l’a soi-disant librement et démocratiquement élu il y a dix ans? Il est évident que le sort de son peuple l’intéresse bien moins que les immenses bénéfices qu’il retire de son emploi de guignol de l’Occident. Le peuple n’est pas dupe, et n’en veut plus. 

La CPI se fait bien petite dans certains contextes

Le mépris institutionnalisé contre le peuple africain est incommensurable. La CPI n'est finalement qu'une justice occidentale à deux vitesses, qui pour le cas de la République Démocratique du Congo, cherche à travers les déclarations de son porte-parole, à se prémunir contre une potentielle prise de pouvoir par un candidat très populaire en RDC, même s’il n’est pas parfait, mais qui est définitivement impopulaire et très imparfait dans les chambres noires de la "communauté internationale". Les tentatives de diabolisation de Tshikesedi à travers les médias occidentaux parlent à elles seules.

Qu’on se le dise clairement. La CPI n’est qu’une entreprise de plus pour soutenir l'écrasement mental des populations, sous couvert d’une promotion très sélective de la défense des droits de l’homme, et cautionnant des pouvoirs fantoches abusifs à l'extrême ; des serviteurs pur et simple des « partenaires »  économiques occidentaux, dont les activités « commerciales » ne sont rien d’autre qu’un vaste réseau de recel et de pillage systématisé.

Le premier crime contre l’Humanité est pourtant celui des autorités transnationales occidentales qui promeuvent activement la confiscation systématique du droit à l’autodétermination d’un peuple soi-disant souverain depuis 1960, par les manigances péri-électorales et la validation de fraudes électorales massives. Les magouilles médiatiques en tout genre, comme celle de la CPI avec cette prise de position,  ainsi que la main mise sur le pouvoir par des gouvernements fantoche mis en place et soutenus contre vents et marée par les puissances intéressées, sont là pour continuer la prédation sur les ressources naturelles africaines. Le scandale géologique du bassin du Congo, c’est à très peu près tout ce qui intéresse l’Occident dans cette région du monde, dont les habitants sont très grossièrement victimes de leurs richesses.  

Pour une organisation chargée de promouvoir le droit international telle que la CPI, officiellement investie contre les crimes contre l’humanité et les crimes d’agression, il est d’ailleurs intéressant de constater que le crime économique, indirectement crime contre l’humanité, n’est pas du tout abordé par les « protecteurs de l’humanité contre le crime» dans le cadre des exactions institutionnelles massives dans le quotidien du peuple africain. Un président peut donc impunément, selon la « communauté internationale », boire du champagne et manger du caviar à l’ombre d’un parasol, ou d’un hôtel de luxe, pendant que les prix des denrées de première nécessité dans le pays augmentent  dangereusement, et que son peuple se meurt dans la misère, la maladie, opprimée par une répression sanglante et une propagande outrancière. Les médias d’Etat noyées dans les millions, gavent les populations, les désinforment en profondeur, formatant les esprits, entretenant une désillusion intrinsèque abyssale et une soumission équivalente aux flèches de curare que le chasseur utilise pour paralyser ses proies.

La CPI fait partie de ces institutions transnationales, au même titre que l’ONU, l’OTAN, l’Union Africaine, le FMI et la Banque Mondiale, et consort, dont les objectifs prioritaires sont tout sauf la promotion des droits de l’homme en Afrique, la protection des populations civiles et le développement humain sur le continent. Ces arguments ne constituent qu’une vaste couverture. Les sociétés civiles sont plutôt maintenues dans leur faiblesse et leur impuissance savamment entretenue par toute une panoplie de moyens sophistiqués dans le cadre d’un concept de démocratie qui ne fait plaisir qu’aux oreilles des bien-pensants, et qui n’est en réalité qu’une monumentale tromperie et un leurre des plus machiavéliques.

La loi est faite par les puissants.  Et nous ne pourront pas transgresser les lois qu’ils ont eux-mêmes créées. Nous ne pourrons les battre que par le biais de lois que nous mettrons nous-mêmes en place, et qui seront à la mesure de nos besoins.

Unissons donc nos forces, car nous en avons, et nous ne le savons pas. Mais eux le savent, et font tout pour nous faire croire que nous n’en avons pas. Apprenons donc à nous connaitre, et surtout reprenons nos esprits enlevés pour le bien d’une intoxication méthodique et diabolique. Nous devons nous réapproprier nos compétences, ouvrir les yeux, reconnaitre l’ennemi commun, et ainsi nous concentrer sur le renforcement de nos capacités. Ce n’est qu’en nous remettant en question, individu par individu, que nous comprendront, que nous apprendront à ne compter que sur nous-mêmes, et à intégrer pleinement que nous ne devons rien attendre des autres. L’émancipation tout comme la liberté, ça s’arrache, malgré l’effroi environnant. L’émancipation de l’esprit est une affaire d’individu, même si la propagande massive et le spectre effroyable de la répression, du « désordre » et de la perte du peu qu’on a,  la mettent à rude épreuve.

Mais tout est possible, et surtout, rien n’est impossible. A vous de choisir. 

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