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mardi 6 mars 2012

RDC : Qui succédera à Muzito ?



Sur la sortie, le Premier ministre de République démocratique du Congo (RDC), Adolphe Muzito devrait prochainement passer la main. Après des élections "chaotiques" et très contestées, le nom du futur Premier ministre est particulièrement attendu à Kinshasa. Ouverture à l'opposition ou non, le prochain Premier ministre donnera le ton de la seconde mandature Kabila.Evariste Boshab part favori, mais une surprise est toujours possible.

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"Fantomatique", "transparent", les qualificatifs peu flatteurs sont nombreux pour décrire l'actuel Premier ministre congolais, Adolphe Muzito, qui a annoncé sa démission à la suite d'une série d'élections (présidentielle et législatives) en novembre 2011. Le passage d'Adolphe Muzito à la primature aura essentiellement été marqué par un immobilisme politique hors pair. Il faut dire que très rapidement après sa nomination en 2008, Muzito est soupçonné de n'être qu'un "bouc émissaire". On parle rapidement de "gouvernement parallèle" dirigé par le conseiller spécial de Joseph Kabila, Augustin Katumba Mwanke, décédé brutalement il y a quelques semaines.

Au bilan du gouvernement Muzito : peu de réalisation et beaucoup d'échecs. Côté positif : la bonne tenue du cadre macro-économique du pays, avec notamment l'atteinte du fameux "point d'achèvement de l'initiative PPTE" et l'effacement de la dette extérieure de la RD Congo. Côté négatif : son recalage constitutionnel sur le passage de 11 à 26 provinces qui ne verra jamais le jour ; l'échec de la décentralisation ; son train de vie dispendieux en période de crise et surtout l'incapacité de son gouvernement à améliorer (un minimum) la vie quotidienne des Congolais dans ses besoins prioritaires (eau, électricité, accès à la santé ou à l'éducation...).

Pour remplacer Adolphe Muzito et entamer sa mandature sous un nouveau jour, Joseph Kabila n'a que deux options : "muscler" son gouvernement avec un Premier ministre issu du PPRD, le parti présidentiel ou faire un geste d'ouverture et confier la primature à un membre de l'opposition.

Boshab en tête

Avec un Premier ministre PPRD, Kabila resterait cohérent avec les résultats "officiels" de la présidentielle et des législatives donnés par la CENI. Pour la président Congolais, le choix est simple : il a gagné la présidentielle et le PPRD est le premier parti à l'Assemblée. Le Premier ministre doit donc être issu du parti présidentiel. Cette fois-ci, Joseph Kabila ne semble plus se résoudre à devenir l'otage de ses alliés, comme ce fut le cas avec le Palu d'Antoine Gizenga et … d'Adolphe Muzito.

Au PPRD, l'avantage est donné à Evariste Boshab, le patron du parti qui sort renforcer des législatives avec 141 députés. L'ex-président de l'Assemblée nationale a l'oreille du président Kabila et le vent en poupe. Mais deux événements malheureux pourraient remettre en cause son accession à la primature : l'accident causé par son fils dans les rues de Kinshasa (5 morts !) et l'accusation de détournement des primes du personnel de l'Assemblée nationale. Sur cette dernière affaire, l'entourage de Boshab crie au complot et déclare que ces accusations sont l’œuvre d’«un syndicaliste instrumentalisé » par ses détracteurs politiques. La guerre pour la primature est donc sans merci.

Dans le camp présidentiel, deux autres personnalités pourraient disputer la primature à Evariste Boshab. Pierre Lumbi, qui est aujourd'hui, le très puissant ministre d’Etat en charge des Infrastructures et de la Reconstruction du gouvernement Gizenga  est aussi le très influent conseiller spécial du Chef de l’Etat en charge de la sécurité. Il a notamment mis en place les fameux contrats de partenariat entre la Chine et la RDC. Et avec ses 27 sièges aux législatives de novembre, Pierre Lumbi a réussi à rendre son parti, le Mouvement social pour le renouveau (MSR), incontournable à la Majorité présidentielle… et au Président Kabila.

Un autre nom court les couloirs du palais présidentiel. Il s'agit de l'actuel ministre des finances, Matata Ponyo. Rescapé du crash de Bukavu, le 12 février dernier, qui coûté la vie à Katumba Mwanke, le plus influent conseiller de Joseph Kabila, Matata Ponyo fait office de miraculé. Ce technocrate "bon teint", moins politique et moins controversé que les deux autres prétendants, pourrait constituer une bonne alternative pour Joseph Kabila. Une chose est sûre : le nouveau Premier ministre aura les coudées franches à la tête du nouveau gouvernement avec la disparition de Katumba Mwanke.

"Ouverture" à l'opposition ou gesticulation ?

L'autre choix de Joseph Kabila pourrait être de "faire un geste" vers l'opposition. La réélection du président Kabila est jusqu’à présent contestée par l’opposition qui estime qu’Etienne Tshisekedi est le président légitime de la République démocratique du Congo. Les missions d'observation internationale ont également émis de nombreux doutes sur la crédibilité des résultats de l'élection présidentielle, puis des législatives. La communauté internationale presse donc (timidement) le président Kabila de résoudre la crise politique qui couve à Kinshasa et de tendre la main à l'opposition. Trois noms s'offrent à Joseph Kabila : Etienne Tshisekedi, Léon Kengo et Vital Kamerhe. L'irréductible Etienne Tshisekedi a peu de chance d'accepter : il ne reconnaît pas l'élection de Kabila. Vital Kamerhe, ex -allié du président Kabila, a tout intérêt à ne pas se "salir" au pouvoir et à attendre la prochaine présidentielle de 2017, où ses chances seront plus importantes. Reste Léon Kengo qui serait le plus "Kabila-compatible" des "opposants" (Kengo à déjà été deux fois Premier ministre !). Seul hic dans cette (peu probable) "ouverture" : Joseph Kabila est persuadé d'avoir gagné les élections et n'a donc aucune envie de partager le pouvoir.

Les rumeurs proposant la primature à l'opposition ressemblent donc davantage à un "enfumage" du camp présidentiel qu'à un véritable désir d'apaiser les tensions politiques en formant un gouvernement de coalition. Kinshasa semble juste vouloir envoyer un signal à destination de ses partenaires occidentaux : "on a tout essayer"… mais le Premier ministre sera issu de la majorité.

Christophe RIGAUD

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