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dimanche 25 novembre 2012

Kinshasa accepte pieds et mains liées de négocier avec le M23




Longtemps intransigeant sur le sujet
Les pressions militaires, ravivées avec la chute de Goma, et diplomatiques, activées au sein de la CIRGL, ont eu raison de l’intransigeance de Kinshasa, qui accepte finalement de mener des négociations directes avec le M23. En acceptant de négocier sous la pression des événements, Kinshasa part avec un sérieux handicap. Il s’y engage pieds et mains liées. Arrivera-t-il à le surmonter ? Difficile à prédire.
Intransigeant et accroché à la ligne dure qui excluait toute négociation avec le M23, le gouvernement de la RDC a finalement accepté de négocier directement avec les rebelles. « De toute façon, il ne pouvait pas en être autrement au regard de la situation sur le terrain militaire, totalement défavorable à Kinshasa », commente un observateur de la scène politique de la région des Grands Lacs.
Kinshasa a certes accepté de négocier avec le M23, mais il oublie jusqu’alors les revendications exactes du mouvement rebelle. Car, au fur et à mesure de ces conquêtes militaires, le M23 a profondément revu son cahier des charges qui ne limitent plus aux seuls accords du 23 mars 2009 (signés à Goma), lesquels justifiaient son action au départ.

Un autre son de cloche
Sur Afrikarabia, Christophe Rigaud tente de pénétrer ce mystère. Il pose une question pertinente : Que négociera le M23 avec Kabila ? Après sept (7) mois de conflits, le président Joseph Kabila a fini par accepter de négocier avec la rébellion du M23, écrit-il. « Pour négocier quoi ? », s’interroge-t-il.

« Que peut alors lâcher Kabila », se demande-t-il par la suite. « Difficile à dire », estime-t-il, « tant la situation militaire est versatile ». Il pense que « tant que le président Kabila n'arrive pas à reprendre la main sur le terrain militaire (et c'est actuellement le cas), il sera dans l'obligation de faire quelques concessions sur l'application des accords du 23 mars (localisation des soldats intégrés dans le Kivu, grades, versements des soldes…).

Au niveau politique, Joseph Kabila pourrait peut-être concéder une intégration politique au niveau provincial du M23 et, pourquoi pas, un poste au gouvernement. On parle également à Kinshasa de la possibilité de former un « gouvernement d'unité nationale » qui permettrait à Joseph Kabila de pratiquer une « ouverture politique » qui lui permettrait toutefois de se maintenir à la présidence ».

Après avoir parcouru de pistes probables qui pourraient guider les futures négociations avec le M23, l’analyste d’Afrikarabia termine son texte par une conclusion dont Kinshasa devait sans doute s’inspirer dans la nouvelle palabre avec le mouvement rebelle. Ce qui ne manquera pas d’influer sur ces négociations. Il conclut son analyse en ces termes : « Mais dans le jeu de poker menteur des négociations dans la région des Grands Lacs, seule la situation militaire donnera l'avantage à l'une des deux parties. Pour l'instant, l'avantage militaire tourne au M23, mais depuis samedi, des renforts de l'armée régulière sont annoncées dans la zone, notamment autour de Bukavu, la prochaine cible annoncée des rebelles ».

Pendant ce temps, à Kinshasa (lire le communiqué du gouvernement en encadré), l’on se félicite des conclusions du 5ème Sommet de Kampala, particulièrement avec la perspective du déploiement de la Force neutre internationale dont le commandement a été confié à la Tanzanie. Mais, pour la rendre véritablement opérationnelle, les pays de la CIRGL doivent réunir un montant de 100 millions. Certains dans la région, comme la Tanzanie, l’Ouganda et la RDC, ont annoncé de substantielles contributions financières et logistiques à l’appui du budget de cette force. En dehors de la CIRGL, l’Afrique du Sud est également prête à contribuer.

Encadré
Communiqué du gouvernement de la RDC sur Kampala V

Ce samedi 24 novembre 2012 s’est tenu un Sommet extraordinaire de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) à Kampala (Ouganda).
Parmi les points inscrits à l’ordre du jour, figurait l’examen de la Déclaration adoptée 48 heures plus tôt par les présidents Yoweri K. Museveni de l’Ouganda, Joseph Kabila de la RDC et Paul Kagame du Rwanda sur la situation sécuritaire et humanitaire à l’Est de la RDC.

Contrairement aux informations publiées par certains médias, seule la délégation gouvernementale conduite par le président Joseph Kabila a siégé au Sommet de la CIRGL pour la République démocratique du Congo. Les éléments du groupe M23 qui séjournaient dans la capitale ougandaise pour être notifiés des décisions de la Déclaration susvisée des trois chefs d’Etat n’ont pris aucune part aux discussions.

Après avoir délibéré sur les derniers développements des événements dans cette partie de la région des Grands Lacs africains, les chefs d’Etat et de gouvernement de la CIRGL ont pris les décisions suivantes :

1) Les éléments du M23 doivent mettre immédiatement fin à leur offensive sur terrain et cesser d’appeler au limogeage des autorités légitimes issues d’élections en RDC ;

2) Les éléments du M23 doivent se replier immédiatement de tout l’espace au-delà de la ville de Goma vers le Sud et se retirer de Goma jusqu’à une ligne située à 20 kilomètres vers le Nord dans 48 heures ;

3) La Force Monusco sera déployée pour sécuriser la zone de 20 km à partir des limites Nord de la ville de Goma jusqu’au bivouac autorisé aux éléments du M23 ;
4) Un bataillon des FARDC (forces gouvernementales congolaises) ainsi que des unités régulières de la PNC (Police nationale congolaise) seront basés à Goma pour sécuriser la ville et ses habitants ;

5) Une compagnie FARDC sera déployée à l’aéroport de Goma aux côtés d’une autre compagnie de la Force internationale neutre et d’une troisième compagnie composée d’éléments du M23. La présence d’éléments du M23 à cet endroit répond aux craintes exprimées par ce groupe de voir ce site servir de point de départ à une offensive majeure contre eux qui compromettrait tout le processus ;

6) Les armes confisquées par le M23 aux éléments de la Police nationale congolaise de Goma doivent leur être restituées pour leur permettre d’assurer la poursuite de leur mission de maintien de l’ordre public ;

7) Le président de la République démocratique du Congo s’est engagé à écouter le M23, évaluer le niveau de mise en œuvre des accords entre le gouvernement congolais et des groupes armés du Kivu de 2009 et répondre aux griefs jugés légitimes sur la base desdits accords de 2009 ;

8) La mise en œuvre des mesures susmentionnées a été confiée aux chefs d’états-majors généraux des FARDC (forces gouvernementales de la RDC) et des RDF (forces gouvernementales du Rwanda), sous la supervision de leur homologue ougandais ainsi que ceux des autres pays membres du dispositif de la Force internationale neutre.

Comme on peut s’en rendre compte, la CIRGL, qui a admis dans ses rangs un douzième membre, la République du Soudan du Sud, vient ainsi, à l’occasion de ce Sommet extraordinaire, de lancer les premières actions de sa Force internationale neutre en gestation.

Le commandement en a été confié à la Tanzanie, un des principaux contributeurs de troupes, tandis que l’Afrique du Sud et la RDC ont annoncé de substantielles contributions financières et logistiques à l’appui du budget de cette Force estimé globalement à 100 millions USD.
À l’issue des travaux, le président hôte du Sommet extraordinaire de la CIRGL, Yoweri Kaguta Museveni, a reçu son homologue congolais Joseph Kabila. En marge de cette rencontre, le président de l’Ouganda a présenté au chef d’Etat congolais une délégation d’éléments du M23 conviés par lui pour recevoir notification des décisions des instances régionales et qui seront appelés à une étape ultérieure du processus de pacification de l’Est de la RDC, à interagir avec les autorités gouvernementales de la RDC.

Fait à Kinshasa, la 24 Novembre 2012
Lambert Mende Omalanga
Ministre des Médias, chargé des Relations avec le Parlement et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté, Porte-parole du Gouvernement

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