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jeudi 13 décembre 2012

Aidez la république démocratique du Congo !



Par AUGUSTIN MATATA PONYO Premier ministre de la république démocratique du Congo

http://www.liberation.fr/monde/2012/12/11/aidez-la-republique-democratique-du-congo_866831

Et si chacun admettait, une bonne fois pour toutes, que la république démocratique du Congo (la RDC) est un pays traversé par des dynamiques éventuellement antagonistes et des rapports de force occasionnellement régressifs ? Bref, un pays comme tous les autres, à ceci près qu’il est une nouvelle fois victime d’ingérence. Les observateurs toujours aussi intransigeants lorsqu’ils étudient le cas congolais peuvent signaler les faiblesses de notre armée. Nous leur demandons seulement d’ajouter à leurs savantes équations que nous sommes régulièrement attaqués au nom d’obscurs intérêts qui relèvent avant tout du pillage. La rébellion du M23 n’est pas une créature congolaise, mais rwandaise. Les experts des Nations unies l’ont démontré. La RDC mérite donc un peu d’égard.

Nous parlons, en effet, d’un géant de 72 millions d’habitants (dont plus de la moitié a moins de 20 ans), grand comme quatre fois la France, ravagé par vingt années de gabegie économique puis sapé dans ses fondements par une décennie de guerres et de crises politico-militaires dont les origines étaient, pour certaines, exogènes. Dans ces conditions, à quoi sert-il d’avoir un jugement univoque sur un pays et ses dirigeants ? A pas grand-chose, si ce n’est à satisfaire des opinions publiques internationales guère au fait de la redoutable complexité congolaise. L’obligation de vérité incombe à tous. Faisons ensemble ce nécessaire travail d’introspection. Les accords de paix signés au début des années 2000 ont certes mis un terme aux affrontements meurtriers, mais ils ont converti des miliciens en militaires qu’il faut encore aujourd’hui démobiliser ou discipliner. Ils ont conduit à transformer des groupes armés en partis politiques, mais pour certains entrepreneurs politiciens, le logiciel mêlant violence et affairisme n’a malheureusement pas fondamentalement changé. Ils ont aussi ouvert la voie à la stabilité politique, mais l’organisation d’élections libres reste un défi dans un pays dépourvu de routes dans certaines régions et traumatisé dans son histoire par la culture du parti unique.

La démocratie ne peut être un diktat, elle ne repose que sur des valeurs partagées et des principes admis par tous. Voilà notre héritage. «Rome ne s’est pas faite en un jour.» Pourquoi faudrait-il que l’immense Congo se reconstruise en une demi-journée ! Sous l’autorité du chef de l’Etat, Joseph Kabila, le gouvernement congolais poursuit et accélère un processus de redressement entamé dès 2006, au sortir de la transition et du premier scrutin présidentiel pluraliste depuis l’indépendance. Admettons-le d’office, tout cela n’est pas allé sans heurts. La situation des droits de l’homme demeure insatisfaisante malgré la détermination des autorités et l’engagement d’une partie de la société civile. Le niveau de pauvreté reste trop élevé dans un pays présenté dans les manuels scolaires comme un «scandale géologique» du fait de ses abondantes réserves de minerais. La corruption constitue un frein au développement et à l’esprit d’entreprise. Ces défis sont identifiés. Ils sont notre priorité. D’ailleurs, les résultats économiques obtenus devraient convaincre les plus sceptiques que nous sommes sur la bonne voie. Entre 2009 et 2012, le taux de croissance annuel est passé de 2,8 % à 7,2 %, l’inflation a été ramenée de 46 % à 3 %, le franc congolais est resté stable, les investissements ont sensiblement augmenté, les recettes publiques - sanctuarisées malgré d’intenses pressions venues d’opérateurs privés, congolais et étrangers, peu scrupuleux - ont plus que doublé, tandis que la richesse nationale a été multipliée par deux. Une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été créée, en échange de quoi l’impôt sur les sociétés a été simplifié et adouci. La RDC a rejoint l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) pour sécuriser les investissements étrangers. Des zones spéciales d’activités accordant des allègements fiscaux ont vu le jour pour dynamiser le marché de l’emploi et le secteur économique formel. Le gouvernement a lancé une série de programmes afin d’améliorer les conditions de vie de la population. Le versement du traitement des fonctionnaires a été «bancarisé» pour sécuriser ce transfert d’argent et irriguer les circuits bancaires. Dernier exemple de ce redressement, la production minière renoue avec les niveaux historiques des années 1970-1980.

C’est cette mise en mouvement qu’il faut consolider, accélérer, mais aussi sauver à certains égards car la situation dans les Kivus est une nouvelle menace. Etait-ce voulu par certains de nos voisins désireux de nous maintenir en situation de faiblesse ? La chronologie des événements depuis le lancement du M23, en avril, fournit de précieuses indications. Nous le déplorons. Nous le dénonçons.

Nous demandons à chacun de se ressaisir au nom de la stabilité régionale. Mais nous sommes aussi prêts à discuter, et nous implorons la communauté internationale. Il n’est pas question de compassion, mais d’esprit de responsabilité. L’heure n’est pas aux anathèmes, contre-productifs et offensants, lancés loin de Kinshasa pour dénoncer à bon compte nos dysfonctionnements dans le système de gouvernance ; fustiger un procès avant même qu’il ne soit achevé ; exiger sans délai un retour à la sécurité dans un pays menacé dans son intégrité ; critiquer une armée affaiblie par des félonies sponsorisées depuis l’étranger ; ou bien encore fixer les termes de référence d’une transparence électorale que certaines nations du Nord ne parviennent même pas à satisfaire. La RDC a besoin de partenaires exigeants mais compréhensifs, présents mais respectueux, critiques mais lucides. «L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo», disait l’intellectuel Frantz Fanon. Que nos amis se souviennent de cette phrase avant de nous juger. La RDC regorge de minerais, certes, mais aussi d’hommes et de femmes de bonne volonté. Il serait dommage de ne pas leur faire confiance. Ils sont demandeurs d’un nouveau partenariat Nord-Sud, équilibré et débarrassé des scories du passé. S’ils sont soutenus, ils en seront les artisans.

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