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jeudi 5 septembre 2013

Bemba-Kabila 3 heures d’entretien : Comment son rapport à l’argent a perdu Jean Pierre Bemba

Bemba-Kabila 3 heures d’entretien : Comment son rapport à l’argent a perdu Jean Pierre Bemba

Presidential candidates Joseph Kabila (L


La rédaction de “CONGONEWS” a mis des jours à percer le secret. Au terme de plusieurs recoupements entre proches bembistes et le Palais de la nation, il est certifié, aujourd’hui, avec une totale certitude que Jean-Pierre Bemba a dissimilé à ses lieutenants un entretien téléphonique de trois heures qu’il a eu avec Joseph Kabila. Le prévenu de la CPI qui parle avec celui qui est présenté comme son bourreau -en tout cas le metteur en scène de l’acte d’accusation monté en complicité avec François Bozizé, depuis Bangui- cela dépasse tout entendement. Certes qu’en politique, il n’y a pas d’inimitié éternelle mais que Bemba se laisse aller au syndrome de Stockholm -se prendre de la sympathie pour son bourreau- à la veille des Concertations nationales n’est pas à dissocier au soudain et inattendu revirement du MLC qui a cédé sur les tous les préalables dont il s’était pourtant fait l’ardent défenseur jusqu’à la clôture du Conclave de l’opposition, à la 15ème rue Limete industriel. Nul doute que le chairman a dû négocier pour qu’il trouve de l’intérêt à parler avec Kabila pendant de si longues heures. La question est de savoir pour quelle dividende dans l’immédiat ou pour quelle promesse en contrepartie? L’argent et/ou la perspective d’une vice-Primature pour le MLC dans le gouvernement d’union nationale annoncé! Pour qui connaît Bemba -son côté très vénal décrié même chez ses propres proches- rien n’est à exclure. Par le passé, il a fait pire. Il était allé jusqu’à négocier avec le même Kabila pour devenir son Premier ministre après l’élection présidentielle de 2006.


José Makila l’a appris, plus tard, à l’aéroport de Zaventem, à Bruxelles, au hasard d’une rencontre avec Louis Michel.
C’est un Louis Michel hors de lui qui lance à l’ancien bras droit de Bemba de transmettre à son chef que c’est la dernière fois, la dernière fois qu’il lui demande un service à lui Louis Michel. Et l’ancien ministre des Affaires étrangères belge de rapporter à Makila qu’au lendemain de la proclamation des résultats de la présidentielle, Bemba l’a sollicité pour une médiation avec Kabila, formulant le voeu qu’il était prêt à accepter de prendre la direction du gouvernement. Kabila avait dit oui sans hésiter mais à une condition, que Bemba assiste à son investiture pour lui donner la preuve de sa disposition -loyauté- à travailler avec lui. Avec une opinion publique qu’il avait chauffé lui-même à blanc contre le régime, Bemba l’a pris pour un coupe-gorge. A partir de ce jour là, il n’a plus jamais pris Louis Michel au téléphone. Lorsque Makila ébruite l’affaire, il est excedé des attaques sur sa dissidence du MLC et ne demande qu’à ce que les autres lui expliquent comment rester loyal à un chef passé maître dans l’art du double jeu. L’ex-inspecteur général du MLC s’est senti d’autant trahi qu’il était le tenant de la ligne dure et qu’il avait la nette impression de partager la même position avec Bemba pendant toute la période de vive tention jusqu’aux derniers affrontements entre les forces gouvernementales et la garde rapprochée de l’ex-seigneur de guerre de Gemena. Des risques pris pour rien pendant que le chef faisait des gosses dans le dos à tous. Du typiquement Bemba comme dans l’ouvrage d’Albert Camus intitulé “Les mains sales”. Delly Sesanga et Thomas Luhaka en savent aussi quelque chose. A trois avec le même Makila, ils sont reçus, quelque temps avant le déclenchement des hostilités post-élections, au Palais de la nation par un Joseph Kabila visiblement décidé à faire la paix avec Bemba. Celui-ci leur fait part de son souci d’éviter la guerre. A la fin de l’audience, aparté avec Makila à qui Kabila demande de porter à Bemba son intention de lui rendre visite le lendemain, à la résidence du vice-Président de la République, au bord du fleuve. Makila en parle à ses deux compagnons et le trio se met en route pour aller rendre compte à qui de droit. Le jour dit, tous les trois sont là en costume-cravatte à neuf heures comme convenu la veille.



Quelle sera leur surprise que Bemba sorte de ses appartements pour une poignée de mains timide avant de les congédier avec promesse de les revoir à dix-sept heures. Des intérêts personnels à mettre en avant, avant toute autre considération ont fait que Bemba n’a pas voulu s’embarrasser de la moindre présence d’un seul proche. Pourtant, il pouvait bien, quitte à demander aux autres de les laisser seul à seul après les mises en train protocolaires. Là-dessus, Kabila lui a donné une belle leçon avec un déplacement effectué en compagnie de Vital Kamerhe et Marcelin Cissambo. Bemba a un destin -un grand destin- mais ce sont ses rapports avec l’argent qui le perdent à chaque fois. Comme en 2003 quand il renonce à la rébellion pour siéger dans le 1+4. D’emblée, les Kinois dans leur majorité jettent leur dévolu sur lui. Il est le seul de l’espace présidentiel dont ils se sentent proches en raison de son passé aux côtés de Mobutu, outre que son discours anti-Kabila virulent compense l’absence d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Plutôt que de capitaliser, Bemba joue à se rapprocher de Kabila pour assouvir sa soif quasi inextinguible d’enrichissement personnel. Jules Mutebusi et Laurent Nkunda prennent Bukavu, il est le premier à monter au créneau.
Pas désintéressée du tout l’attitude de Bemba qui obtient de Kabila d’assurer toutes les rotations aériennes avec les avions de sa compagnie personnelle basée à Kampala. Les renforts envoyés sur place sont également de sa branche armée ALC. Des millions de dollars sont débloqués pour les équiper mais ces “guerriers” partiront de Gemena à Bukavu en guenilles avec des bottillons bons pour un musée des anciens combattants de la Deuxième guerre mondiale. L’argent que l’argent. Patron de l’Ecofin, la puissante commission où se décide le plan de trésorerie, aucune affaire ne peut passer sans Bemba.
Lorsqu’il en découvre une juteuse qui vient d’en haut, il a toute la latitude de s’imposer pour drainer une part du marché vers ses entreprises à lui, fictives ou réelles. Le seul verrou qui lui résiste s’appelle Marco Banguli, ministre des Finances 1+4.


En tant que tel, il lui revient le dernier mot dans la chaîne de dépenses. Il se fait que Banguli a, délibérément, la main lourde pour ordonnancer les paiements en faveur de Bemba. Ce dernier en avait tellement marre d’accumuler des créances en souffrance qu’il profite, un jour, de l’absence de Banguli en mission pour instruire le vice-ministre MLC Denis Kashoba de tout libérer avant le retour de son titulaire. Hélas, Banguli avait pris la précaution d’enfermer le cachet sec dans son bureau et son dircab jusqu’à ses conseillers instruits de ne remettre les pieds dans l’immeuble en verre qu’une fois l’argentier de la République revenu. Pour contourner le dispositif Banguli, Bemba imagina la plus barbare des idées d’envoyer Kashoba aller directement liquider tous les paiements à partir du serveur central à la DTO -Direction de la trésorerie et de l’ordonnancement. Au passage, Kashoba s’est octroyé personnellement un véritable butin de guerre avec lequel il a bâti un empire immobilier, notamment dans le quartier GB. Kabila qui avait compris la faiblesse de son adversaire dès le départ le laisse trop embrasser pour mal étreindre. Si bien que lorsque Tshisekedi menace, en 2005, le régime avec son fameux “Tout s’arrête le 30 juin”, à la place du maître de l’espace présidentiel Kabila, c’est Bemba qui prend le devant pour promettre le pire à ceux qui oseront descendre dans la rue. Heureusement qu’ils ont la mémoire courte ces Kinois qui ont offert un triomphe sans pareil à Bemba pour la clôture de sa campagne électorale. Mémoire courte ou plutôt l’anti-kabilisme légendaire de la capitale qui a entraîné une adhésion spontanée en faveur de celui qui était perçu comme le plus à même de combattre Joseph Kabila, à défaut de Tshisekedi résolument engagé dans un boycott comme aujourd’hui. Moralité: entre Kabila et Bemba, ça a été un peu comme la cigale et la fourmi. “La cigale ayant chanté tout l’été se trouva fort dépourvu quand la buse fut venue”, narre La Fontaine. Bemba ayant passé tout le mandat à imaginer des montages financiers à son propre profit n’eut pas le temps d’inverser la vapeur quand il a enfin compris qu’il pouvait battre Kabila.
Le schéma était bouclé depuis. Il eut montré sa ferveur de 2006 dès le départ, sitôt la transition engagée, que les choses auraient peut-être pris une autre tournure.


PAUL MULAND


http://www.voiceofcongo.net/bemba-kabila-3-heures-dentretien-comment-son-rapport-a-largent-a-perdu-jean-pierre-bemba

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