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vendredi 29 novembre 2013

Goma : Le réveil tardif du général Etumba

Goma : Le réveil tardif du général Etumba

 
 
A gauche, le général Didier Etumba. A droite : le général rwandais James Kabarebe, alors chef d’état-major de l’armée rwandaise (RDF) 


Chef d’état-major général, sans pouvoir, des Forces armées congolaises, le général Didier Etumba Longila vient de lancer un "ultimatum" aux bandes armées tant nationales qu’internationales à "déposer les armes". On se demande bien d’où "Joseph Kabila" a pu trouver la volonté d’éradiquer ces bandits armés qui narguent les pouvoirs publics depuis bientôt deux décennies. C’est l’occasion pour le très indolent Didier Etumba de sortir de son sommeil.

Dans un communiqué autant laconique qu’obséquieux, daté du 20 novembre 2013, depuis Goma, Didier Etumba qui s’abrite derrière "Joseph Kabila" écrit que "conformément à la volonté et à la détermination du président de la République, chef de l’Etat, commandant suprême des forces armées de la République démocratique du Congo, de restaurer la sécurité et l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national, l’état-major général des Forces armées (...) exhorte tous les groupes armés tant nationaux qu’étrangers qui hésitent encore à déposer les armes avant qu’il ne soit tard et cesser toute activité d’incivisme". 

C’est tout simplement inimaginable d’entendre Etumba - dont le nom signifie "combat" ou "lutte" en lingala - inviter des hors-la-loi à faire preuve de civisme. De fil en aiguille, il annonce que "les structures des forces armées" seraient disposées non seulement à accueillir les ex-combattants mais aussi à assurer leur encadrement. Il en est de même de la démobilisation, du rapatriement, de la réinsertion sociale et, "éventuellement de leur intégration au sein des forces armées" congolaises "pour ceux qui le souhaiteraient et rempliraient les conditions requises".

Etumba de conclure son communiqué en promettant des bosses et des plaies aux "groupes armés qui ne répondront pas à cet appel", qu’il qualifie de "patriotique". Ceux-là "se verront appliquer la rigueur de la loi et la force partout où ils se trouveraient sur le territoire national".

Les Congolais ne sont pas dupes. Ils savent que Didier Etumba et le "commandant suprême" des FARDC n’ont aucune volonté de rétablir la paix civile et l’autorité de l’Etat à l’Est. L’insécurité dans cette partie du pays arrangeait et arrange encore pas mal de monde. Nombreux sont les cadres civils et militaires qui ont bâti des fortunes grâce à la "guerre". Des millions en dollar US ont été sortis des caisses de l’Etat sous la rubrique passe-partout dite "dépenses de souveraineté".

L’opinion congolaise est consciente des "relations troubles" existant entre "Joseph" et certains chefs miliciens d’une part et des officiers supérieurs de l’autre. En février 2008, un officier des FARDC confiait déjà sa colère sur les agissements du "raïs" en Ituri : «Joseph Kabila mène une politique vicieuse à l’égard des milices de l’Ituri. Il conclut des accords avec les chefs tout en les faisant venir à Kinshasa pendant que les combattants, eux, sont abandonnés à eux-mêmes. Alors que l’idéal aurait été de démanteler le groupe armé par l’envoi des combattants vers les centres de brassage notamment à Kitona». Notre interlocuteur ajoutait : «Dès qu’un chef milicien est appelé dans la capitale, un autre prend la direction du groupe. C’est un cercle vicieux qui pousse à croire qu’il n’existe pas de réelle volonté politique à Kinshasa pour mettre fin à ce phénomène». Pour mémoire, Thomas Lubanga, Mathieu Ngudjolo et Germain Katanga ont été arrêtés et transférés à La Haye au moment où ils attendaient une nomination dans une palace de la capitale.

Début janvier de l’année en cours, le général François Olenga, chef d’état-major ad interim des forces terrestres a surpris lors d’une visite en Ituri. Il a promis d’anéantir le chef milicien "Morgan" tout en invitant l’autre chef milicien en l’occurrence «le chef de la Force républicaine patriotique de l’Ituri (FRPI)», le nommé «Cobra Matata», un déserteur des FARDC, "à reprendre sa place au sein de l’armée nationale". "Que mon officier Cobra Matata profite de ma présence ici, déclarait Olenga. Je vais le recevoir personnellement. Qu’il vienne avec tous ses militaires pour que nous puissions faire front contre le Rwanda".

Revenons à Didier Etumba. L’homme a été accusé d’être le chef militaire qui donnait des ordres contradictoires aux troupes engagées aux combats au Nord Kivu. Ces accusations très précises ont été articulées par un certain colonel Fabien Dunia dans un entretien au "Soir" de Bruxelles. «Alors que les forces gouvernementales étaient à deux doigts d’arrêter Bosco Ntaganda, écrivait Colette Braeckman, un ordre émanant du général Etumba, commandant en chef de l’armée, les surprit : il fallait observer cinq jours de cessez-le-feu. Un délai qui permit à Bosco Ntaganda et à ses acolytes de fuir en direction de la frontière rwandaise en traversant le parc des Virunga". Ces "révélations" n’ont donné lieu à aucune enquête. Et si ces ordres venaient du "raïs" himself? L’avenir le dira que le "réveil tardif" d’Etumba n’est qu’un écran de fumée.

Issa Djema 
© Congoindépendant 2003-2013

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