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samedi 18 janvier 2014

Un «plan machiavélique» pour «éliminer les chefs coutumiers»

Un «plan machiavélique» pour «éliminer les chefs coutumiers»




Assassinats en série des chefs coutumiers au nord-est de la RDC




Depuis juillet 2013, sept assassinats de chefs coutumiers ont été recensés dans le territoire de Watalinga, dans le nord-est de la République démocratique du Congo. Ces exécutions sont commises par une milice rebelle ougandaise, les ADF-Nalu. Elles paniquent et désorganisent les communautés locales.

ADF-Nalu est une rébellion ougandaise composée principalement de musulmans. Créée en 1990 par des opposants au président ougandais Yoweri Museveni, elle s’est radicalisée au fil des années et est placée depuis 2001 sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis. Elle est soupçonnée d’être soutenue par les islamistes shebab et de vouloir contrôler les ressources de la partie nord de la province du Nord-Kivu. Des réunions pour organiser la traque de ce groupe rebelle ont été tenues entre les états-majors congolais et ougandais en début de semaine à Béni.

Le dernier assassinat de chef coutumier s’est produit le 10 janvier dans le village de Kahondo, dans le nord-est du territoire de Béni. Depuis le début des affrontements durant l’été 2013, les sources policières de Béni estiment que près de 150 000 personnes ont fui les affrontements entre les éléments des Forces armées de la RDC (FARDC) et les ADF-Nalu. L’armée congolaise, appuyée par un contingent de la Monusco, a lancé vendredi 17 janvier une offensive contre les ADF-Nalu à Beni.



"On assassine les chefs qui refusent aux ADF-Nalu le contrôle des ressources"

Le pouvoir coutumier est officiellement reconnu par la Constitution de 2006 en République démocratique du Congo. En 2012, le pays comptait 259 chefferies dont la plupart sont situées dans le nord-est. David Muwazé est le président de la chefferie de Watalinga. Il est actuellement à Nobili, un des trois villages où les habitants ont trouvé refuge.


On avait déjà un problème de déplacement à cause des combats entre FARDC et ADF-Nalu dans la zone. Mais c’est devenu critique au fur et à mesure que des chefs coutumiers ont été assassinés [le premier assassinat remonte au 11 juillet 2013, NDLR]. Ceux qui ont été touchés avaient refusé de coopérer avec les ADF-Nalu, notamment dans le cadre du contrôle des ressources locales [la région est un grand pourvoyeur de bois, d’or et de café, NDLR]. Dans la chefferie, on a aujourd’hui 22 localités sur 25 qui sont totalement vides.

Dans cette zone, le chef, c’est l’incarnation de l’État et de la stabilité. Il fait respecter la loi, veille au bien être de la population, alerte les forces de sécurité s’il y a un problème… Les gens ont une confiance totale en son autorité et sa sagesse. S’il est tué, il n’y a plus de repères, plus de garantie de sécurité. La seule solution, c’est de partir.

"On attend qu’on nous libère"

Ces assassinats sont une manœuvre pour terroriser la population de Watalinga en touchant à la structure même de l’organisation coutumière congolaise. Aujourd’hui, il y a plusieurs dizaines de milliers personnes qui s’agglutinent à Nobili, mais aussi dans deux autres villages [Kukura et Mfunvu, NDLR]. Les autres ont traversé la frontière pour trouver refuge en Ouganda. Les conditions humanitaires sont déplorables, les gens traumatisés par les assassinats à répétition [au moins 50 personnes ont été tuées dans des attaques du groupe rebelle depuis décembre]. Beaucoup dorment à la belle étoile et n’ont même pas un repas par jour.

Je suis en contact permanent avec les chefs de la région pour l’instant épargnés. Ils se sentent complètement impuissants face à la situation et ont très peur pour leur vie et celle de leur communauté. Moi-même j’ai peur pour ma sécurité, malgré la présence de bataillons des FARDC autour de Nobili. La seule voie qui nous relie au territoire national, en direction de Béni, est fermée. On est dans une situation où on attend qu’on nous libère, où sortir de chez soi pour la moindre activité est problématique.

Notre plus grande peur, c’est que ces trois localités où les gens se sont réfugiés soient attaquées. On craint que l’assassinat de ces chefs soit en réalité une stratégie pour une extermination planifiée de plus grande ampleur.


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