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jeudi 3 avril 2014

Nouvelle invasion ougandaise en RDC

Nouvelle invasion ougandaise en RDC



Au moment où les Nations unies votent pour la poursuite du mandat de leur mission de paix en RDC, des troupes ougandaises sont signalées à nouveau sur les collines de Rutshuru dans la province du Nord-Kivu. Cette énième invasion augure de mauvaises perspectives quand on sait que c’est de cette manière que naissent les rebellions dans l’Est, mettant en péril la paix et la sécurité non seulement en RDC mais aussi dans les Grands Lacs.



Jusqu’où iront les fossoyeurs de la RDC ? Difficile à dire pour l’instant. Toutefois, ils ne s’offusquent pas de planter le décor pour exprimer leurs intentions et afficher leurs ambitions macabres. Ils se sont arrangés pour que les frontières congolaises soient poreuses de manière à permettre à tout le monde d’aller se balader en RDC sans jamais être inquiété.

La province du Nord-Kivu a longtemps souffert de cette faiblesse créée de toutes pièces par ceux qui convoitent les ressources naturelles de la RDC. C’est vers le milieu des années 1990 que cette province, considérée à raison comme ventre mou du pays, connaît un cycle de violences. D’ici sont nés et organisés différents groupes rebelles avant leur irradiation sur le reste du territoire national. Le modus operandi est resté le même depuis l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) jusqu’au Mouvement du 23 mars (M23).

Comme la communauté internationale a eu à le démontrer à la suite des rapports pertinents des experts de l’Onu et autres Organisations non gouvernementales, la déstabilisation de la RDC est l’œuvre de ses voisins rwandais et ougandais. Le processus est archiconnu. Tout part généralement d’une petite incursion des troupes étrangères qui, au fil du temps, se mue en rébellion, plongeant à nouveau la région dans le désastre.

L’histoire serait en voie de se répéter dans le Nord-Kivu. Selon Jules Hakizimwami, président de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu, des troupes ougandaises sont signalées depuis quelque temps sur les collines du Nord-Kivu. La révélation a été faite le lundi 31 mars 2014 à Goma à l’ouverture de la session ordinaire de cet organe délibérant du Nord-Kivu.

La Monusco, qui a confirmé l’information, a tenté de relativiser. Selon son porte-parole militaire, cité par Radio Okapi, l’incursion des militaires ougandais « n’aurait pas duré longtemps ». C’est du déjà entendu. Et c’est toujours de cette manière que l’on distrait aussi bien l’opinion que les autorités à tous les niveaux.

Raison pour laquelle, Jules Hakizimwami a persisté et signé : « Les hommes des troupes de l’UPDF [armée ougandaise] occupent d’importantes collines de villages Karambwe et Kisharo dans le groupement de Binza. Les collines déjà occupées sont notamment Kazingiro, Kabumba, Risura et Kanyabusanane, à plus ou moins 20 kilomètres de la frontière congolo-ougandaise ».

Dans leur démarche d’anticipation sur les mobiles de leurs manœuvres, ils ont préparé des gens et mis dans leur bouche des trucs à répéter automatiquement à tout curieux. Radio Okapi est tombée dans le panneau. Des sources locales contactées par la radio onusienne rapportent que les militaires ougandais ont dit avoir traversé la frontière pour « sécuriser leurs compatriotes, qui les ont précédés pour faire des champs à Sarambwe ». C’est tellement simpliste que cela ne peut pas faire bander.

Le président de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu n’a pas tardé à rejeter cette bulle en précisant que « Sarambwe est une partie du territoire congolais » et non une localité ougandaise. Et même, s’il faut raisonner par l’absurde, les Ougandais qui ont traversé la frontière pour venir faire les champs en RDC ont-ils été identifiés et enregistrés par les services compétents ? Rien n’est moins sûr.

Limité dans ses moyens d’action, Jules Hakizimwami n’a trouvé mieux que d’alerter les autorités à tous les niveaux pour faire la lumière sur cette nouvelle incursion des troupes ougandaises en RDC, rappelant que « cette situation crée la psychose au sein de la population locale ».

Si Kinshasa est resté muet sur le sujet, sur place à Rutshuru, souligne Radio Okapi, les FARDC et la Police nationale congolaise (PNC) basées dans région n’ont pas bougé d’un iota, évitant même tout contact avec ces militaires ougandais. On dirait que ces corps seraient dans l’attente des instructions de leurs hiérarchies. Mais, pour combien de temps ?

Et dire que ce n’est pas la première fois que des troupes ougandaises traversent la frontière congolaise en toute aise. Des sources renseignent que des militaires ougandais ont souvent multiplié des incursions à Mahagi, tout en faisant savoir aux populations locales que ce territoire de la province Orientale appartiendrait à l’Ouganda.

Il nous revient aussi que chaque fois que pareil incident se produisait à la frontière congolo-ougandaise, les deux parties activaient le mécanisme prévu dans le cadre de la commission mixte de vérification des limites frontalières RDC/Ouganda. Même si, après échange, c’est la RDC qui avait gain de cause, le voisin ougandais ne s’empêchait pas de récidiver.

Le plus inquiétant dans la nouvelle incursion des troupes ougandaises, c’est le fait qu’elle a pour zone de prédilection les collines de Rutshuru, espace jadis sous contrôle des ex-rebelles du M23. Faut-il parler de coïncidence ou d’acte prémédité ? Un brouillard s’insère et assombrit les rapprochements. Mais de rapprochements en coïncidences, des observateurs avisés constatent que cette incursion des troupes ougandaises intervient au moment où le Conseil de sécurité vient d’adopter, le vendredi 28 mars 2014 à New-York, la résolution prorogeant le mandat de la Monusco et de la Brigade d’intervention des Nations unies.

Il n’est pas exclu de faire des extrapolations dans ce cas. Car l’on est en droit de se demander si ceci ne peut pas expliquer cela. L’invasion ougandaise, une énième, du territoire congolais mérite d’être élucidée sans tarder.

Que veut Kampala en ce moment précis ? Est-il tenté, comme autrefois Kigali, de faire chanter les Nations unies en étalant sa capacité de nuisance au cas où ses protégés du M23 seraient traduits en justice en RDC ou à la CPI ? Ou alors, comme c’est devenu la coutume, ce serait une provocation pour pousser Kinshasa à la faute et ouvrir un nouveau front qui anéantirait tous les acquis de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba? Le flou artistique est à son comble.

Tentative de décryptage

Que des troupes ougandaises passent la frontière pour sécuriser leurs compatriotes qui sont vénus faire les champs, il y a véritablement anguille sous roche. C’est que les paysans ougandais ne font pas la différence entre leur territoire et le sol congolais ? Et même s’ils devaient le faire dans le cadre sous régional, à quoi rimerait l’intervention ougandaise ? L’argument est tellement facile qu’il mérite un décryptage à fond.

Le retour de la paix en RDC est vu d’un mauvais œil par ses voisins qui se sont toujours approvisionnés par le biais des groupes armés. Ce qu’ils tiraient par le moyen de la guerre, ils veulent désormais l’obtenir par l’intégration des rebelles dans les institutions de la RDC.

En accord avec l’Onu, l’Ouganda présenterait à Kinshasa une alternative, à savoir : soit, il réintègre le M23 et fait fi de poursuites judiciaires, soit il doit se préparer à une nouvelle guerre. Martin Kobler, le chef de la Monusco, n’a-t-il pas rappelé récemment que « l'usage de la force est insuffisant sans être complété par un cadre politique, et le succès militaire des opérations contre le M23 ne sera pas durable sans la mise en œuvre des déclarations de Nairobi et sans la réintégration des ex-combattants en Ouganda et au Rwanda » ?

Les Ougandais ont certainement saisi la balle à bond. Kampala cherche vraisemblablement à mettre Kinshasa devant un fait accompli. Il s’agit de lui faire voir que la paix dans l’Est passe inévitablement par le schéma tracé à Nairobi en déversant en RDC le trop plein des ex-rebelles M23 présents en Ouganda et au Rwanda.

Kinshasa se laissera-t-il facilement entraîner dans ce jeu ? Tout dépend de sa capacité à réagir avec efficience. Un vrai test.






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