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dimanche 12 juillet 2015

«Kabila»-Nkurunziza : liaisons inquiétantes



«Kabila»-Nkurunziza : liaisons inquiétantes













Il se raconte dans certains milieux diplomatiques africains que lors d’un sommet tenu à Luanda, en Angola, un dirigeant du continent aurait lancé la phrase suivante en direction de «Joseph Kabila» : «Cet homme sera le prochain Nkurunziza. Il est prêt à bouter le feu au Congo et dans la sous-région».

Comme pour confirmer cette «prédiction», le vendredi 26 juin dernier, le ministre congolais de la Communication et médias, Lambert Mende Omalanga, a reçu, à Kinshasa, un sénateur burundais. Son nom : Révérien Ndikuriyo.

Les deux hommes ont évoqué la «situation électorale mouvementée» qui prévaut au Burundi d’une part et de l’autre, le bras de fer qui oppose le chef d’Etat burundais Pierre Nkurunziza à la «communauté internationale». En cause, la volonté de ce dernier de briguer un troisième mandat en dépit de la prohibition constitutionnelle.

Qui est Révérien Ndikuriyo ? Peu instruit même s’il a assumé les fonctions de gouverneur de Makamba, Ndikuriyo est avant tout un baroudeur. L’homme fait partie des «super faucons» et autres «jusqu’au-boutistes» qui attisent l’égo de Nkurunziza. Les deux hommes ont guerroyé dans le maquis des ex-rebelles du CNDD-FDD.

Qu’est venu faire Ndikuriyo dans la capitale congolaise ? « On venait féliciter le gouvernement congolais pour sa position face à ce qui se passe au Burundi », a-t-il déclaré à la presse avant de demander aux autorités congolaises «de continuer d’apporter un soutien moral à un pays voisin et frère avec lequel nous sommes restés longtemps ensemble».

Il faut refuser de voir pour ne pas constater les «liaisons inquiétantes» qui existent entre les régimes dictatoriaux au pouvoir à Bujumbura et à Kinshasa. «(…), nous sommes restés longtemps ensemble», a dit « Révérien ». Quel aveu!

Inutile de rappeler la présence des forces burundaises signalées dès octobre 2012, par Radio France Internationale, dans la région d’Uvira, dans la province du Sud Kivu. Après des dénégations frisant le ridicule, les autorités congolaises finirent par admettre que les armées des deux pays menaient des "opérations conjointes en matière de renseignements". Faux ! En réalité, « Joseph Kabila » avait donné à « l’ami Nkurunziza » le droit de pourchasser les rebelles burundais des « FNL » (Forces nationales de libération) qui opéraient vers Kiliba.

Il est désormais clair qu’à quelques seize mois de la fin de son second et dernier mandat, «Joseph Kabila» a trouvé des «modèles de référence» sur lesquels il entend calquer son propre comportement tant vis-à-vis des représentants des forces politiques et sociales congolaises que de la « communauté internationale ».

Qui sont ces modèles ? Il y a le Rwandais Paul Kagame et naturellement le Burundais Nkurunziza. Les deux dirigeants incarnent pourtant des pouvoirs totalitaires. "Ceux qui se ressemblent s’assemblent", dit la sagesse populaire.

En dépit du fait que la Constitution rwandaise interdit un troisième mandat consécutif, Kagame a annoncé qu’il ne quittera son fauteuil que «le jour où le peuple rwandais le lui signifiera».

Bien que muselé, ce peuple frère aurait, dit-on, signé des pétitions demandant le maintien de Kagame. A la décharge de celui-ci, on ne peut nier des réalisations qui ont boosté, dans les grandes villes, l’indice du développement humain (IDH).

Nkurunziza tient, lui aussi, à briguer un troisième mandat. Il résiste contre vents et marée. Pas moins de 70 citoyens burundais ont déjà perdu la vie depuis le déclenchement de la crise actuelle. Certains analystes le voit dans un proche avenir à la Cour pénale internationale.

«Joseph Kabila» a tort de lorgner sur ce qui se passe au Rwanda et au Burundi.

D’abord, parce que bien qu’ayant été administrés par le même pouvoir colonial, le Rwanda et le Burundi ont leur histoire. Le Congo-Kinshasa en a la sienne.

Ensuite, contrairement à Kagame et Nkurunziza qui sont au Rwanda et au Burundi chez eux, «Joseph Kabila» reste un mystère pour la grande majorité des Congolais. Rares sont les ex-Zaïrois qui le considèrent comme un «compatriote».

Né à Hewa Bora (la seule localité qui n’existe pas dans la nomenclature des entités administratives congolaises) et grandi à l’étranger, «Joseph» n’a aucun fief naturel. Il n’a pas d’attaches psychologiques dans le pays. "Jaynet" et "Zoé", mêmement.

Enfin, la brutalité autant que la cruauté des réactions de «Joseph Kabila» (le double massacre des adeptes de Bundu dia Kongo en 2007 et 2008, affrontement à l’arme lourde, en 2007, en plein centre-ville, entre la garde présidentielle et des éléments de la garde de JP Bemba etc.), font dire aux uns et aux autres que l’actuel locataire du Palais de la nation n’aime pas le Congo et les Congolais. A preuve, l’homme a toujours affiché une indifférence certaine pendant que l’Angola et le Congo-Brazzaville expulsent les ex-Zaïrois dans des conditions inhumaines. Il reste tout aussi indifférent lorsque que les armées du Rwanda, de l’Ouganda ou de l’Angola opèrent des incursions sur le sol congolais.

Lors de l’accession de « Joseph Kabila » à la tête de l’Etat congolais, le 26 janvier 2001, les Nations Unies venaient, une année auparavant, de lancer les Objectifs du Millénaire dont le bilan devrait être dressé par 97 pays au cours de la toute prochaine assemblée générale de l’ONU.

Ces objectifs sont notamment : réduction de la pauvreté et de la faim ; assurer l’éducation primaire pour tous; promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes; réduire la mortalité des enfants; améliorer la santé maternelle; combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies etc.

Quel est le bilan au bout de quatorze années de pouvoir de « Joseph Kabila » ? Tous les voyants lumineux de l’IDH sont au rouge vif. Pire, l’eau et l’électricité sont devenues des denrées de luxe. Les pompes funèbres, elles, connaissent un véritable essor. Signe si besoin en était de la détérioration des conditions de vie.

Voilà autant des raisons qui poussent les Congolais à opter pour le progressisme en lieu et place du conservatisme. Pour les Congolais, c’est l’occasion de reprendre en mains leur avenir collectif. Un avenir confisqué depuis le 17 mai 1997. Ils sont prêts à payer le prix qu’exige l’alternance démocratique en dépit de l’axe "Kabila-Nkurunziza"...


Baudouin Amba Wetshi 
© Congoindépendant 2003-2015


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