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lundi 27 juillet 2015

Les dictateurs en Afrique



Les dictateurs en Afrique



Pourquoi des dictateurs en Afrique en ce moment ? La réponse à cette question est à trouver à travers l’histoire, la philosophie, la psychologie et même la médecine. Sur le plan de l’histoire, je dis que l’Afrique n’a pas inventé les dictatures, les despotismes et les tyrannismes. Le fait totalitaire est millénaire et, a sillonné toute l’aventure humaine. Les exemples sont nombreux qui montrent que les hommes sont fascinés par le pouvoir que peut détenir un homme. Certains autres vont jusqu’à diviniser l’homme au pouvoir.
L’histoire africaine d’après les indépendances n’a pas échappé à l’histoire humaine. Sur le plan philosophique, j’ose dire que c’est tout le système de l’univers qui peut paraître concerné. A voir de près, comment les Africains ont été colonisés et vu les conséquences néfastes de la traite esclavagiste, je peux affirmer que les Africains ne pouvaient pas échapper au syndrome de la dictature après l’indépendance. La colonisation a fait d’eux des sujets qui se sont agrippés à son pouvoir monolithique. Etant rendus ainsi, ils ont renoncé à leur propre être. Ils sont devenus muets et aveugles sous les bottes et les ailes des dictateurs, leurs bourreaux. Vampirisés, endoctrinés et victimisés, ils se sont facilement identifiés à la vision du monde de leurs dictateurs. Alors, ils ont ainsi perdu leur humanité. Ils étaient des hommes bien sûr, mais des hommes amenés à l’état des cochons à l’engrais ou d’oies gavées; hommes réduits à l’état d’objets utilitaires, cloitrés et condamnés à mourir de l’inauthentique.
Les démagogues de tous les temps ont toujours su, et ils savent aujourd’hui encore, que les idéaux dont l’homme se sert le mieux sont ceux qu’il a fait siens au moyen, par exemple, de la propagande politique qui l’enthousiasme et qui lui implique un « frisson sacré». D’ailleurs, le terme enthousiasme vient du grec et exprime le fait qu’un dieu a pris possession de l’homme.
L’expérience me prouve que le dictateur considère son peuple comme un ennemi potentiel. Et il sait mieux que personne que l’image d’un ennemi, fût-elle imaginaire, lui convient parfaitement. Il sait bien que la démagogie politique et l’embrigadement politique du peuple miséreux, paralysent absolument l’activité de la réflexion de celui-ci. Je sais bien que se trouver hors de soi, hors de son être, donne à un individu un sentiment de liberté personnelle. Je veux dire que, par le phénomène du gavage de l’esprit, la victime s’identifie à coup sûr avec l’idéal que le doctrinaire dictateur lui a présenté. Le sujet complètement endoctriné ne s’aperçoit absolument pas qu’il a perdu un des caractères constitutifs de la véritable humanité : la liberté de pensée.
Rendus à cet état, les « hommes peuples dictatorisés », ne peuvent que considérer leurs «Princes» comme des «dieux vivants» qui se calquent au présent sur l’ordre de Dieu le créateur. De tels personnages ne peuvent, à leur tour, que souffrir du « solipsisme individuel » s’identifiant au «solipsisme collectif». Mais, on sait que le solipsisme idéalise l’individu tout en lui faisant croire qu’en dehors de lui, point de salut. A ce niveau, le dictateur croit que contrôler le présent, c’est contrôler le passé et en même temps contrôler l’avenir et pourquoi pas!
Les dictateurs, sur le plan du comportement langagé, utilisent le mode d’expression double: le langage du réel et le langage de commande; le langage pour l’extérieur. Ainsi, les voit-on faire apprendre les slogans tout fait en forme de catéchisme et de vieux mots puisés dans l’histoire des peuples, et de leurs mythes. Cette pratique a, à coup sûr, étouffé toute pensée originale des peuples. C’est bien terrible tout cela! Les dictateurs africains ont commandé des peuples abrutis enfermés sur et en eux-mêmes: des peuples qui aiment la servitude. Des peuples qui, pour montrer leur fidélité au chef, assistent à des manifestations des foules sans forme sur lesquelles on peut tout écrire. Les psychanalystes et les psychologues appellent cela, l’expérience à forte dose du sadisme et du masochisme. Il s’agit d’un plaisir malsain et pervers qui consiste à faire souffrir autrui tout en ayant du plaisir en ses douleurs. On persécute pour la persécution. On torture pour la torture. On est au pouvoir pour le pouvoir. Non! Le dictateur est un drogué totalitaire, un possédé au sens le plus violent du mot. Le sadique humilie et le masochiste sophistique en fustigeant. Le pouvoir, c’est infliger les souffrances et les humiliations; c’est déchirer l’esprit humain en morceaux. .. C’est un monde de craintes, de trahisons, de tourments; un monde impitoyable où l’on trouve d’un côté les écraseurs et d’autre, les écrasés.
Les dictateurs africains des indépendances à nos jours ont, avec leurs bottes, piétiné le visage de leur peuple pendant longtemps. Ce sont ces Malades qui nous gouvernent. Ces malades qui se méfient de tout le monde, même de leurs épouses ; traqués de tous côtés, ils ont un sommeil toujours troublé. Ils ont peur à tout moment d’être assassinés. Ils vivent eux-mêmes comme leur peuple, dans l’angoisse permanente. Tous deux sont visiblement résignés. Ils sont pessimistes.
Les dictateurs, pour féconder leur imagination, lisent avec attention, le petit livre de Nicolas Machiavel: Le Prince. Ce livre est en quelque sorte, leur« directionnaire » de la conscience politique. Ce sont de gros messieurs qui ont compris, et ils ont peut-être raison, qu’un peuple au creux de la misère, du marasme et du désespoir cherche souvent un géant qui s’impose comme le candidat de l’espoir ou le « héros du bien-être social» de tous. On le voit, par moment, s’afficher comme religieux de toute obédience spirituelle. Ils sont parfaits humanistes, mécènes et protecteurs des arts, des sciences et de belles lettres. Ils se considèrent au-dessus de la mêlée, aux allures d’excellents niveleurs des consciences et sauveurs incontestés de l’ordre chaotique.
Pendant ce temps, les dictateurs eux-mêmes vivent dans la peur de succomber dans des cages geôlières au terrible traitement qu’ils ont eux-mêmes inventés pour leurs propres prisonniers. Conscients ‘de cet état de choses, ils sont tombés dans la tentation trop forte d’organiser d’organes d’oppression cruelle. Tout cela est bien pathologique. C’est pour cette raison, que leurs concitoyens les voient comme les « voleurs du pouvoir », ou encore comme « les héros du hasard ». Fauves infernaux et en même temps énigmatiques génies, provenant des couches sociales modestes, douteuses et mal définies, ils veulent, d’une manière ou d’une autre, devenir des héros des événements qu’ils qualifient déjà eux-mêmes d’historiques. Pour eux, la vraie maladie de la politique, c’est la démocratie. Ils souffrent énormément de régime démocratique. C’est pour cela qu’ils deviennent téméraires, voulant gouverner par défi. Rustes, les dictateurs africains sont démagogues et habiles harangueurs des foules. Quelle vulgaire vanité?
Prof. Kambayi Bwatshia

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