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vendredi 8 avril 2016

RDC : scandale des Panama Papers, le clan Kabila éclaboussé



RDC : scandale des Panama Papers, le clan Kabila éclaboussé


Alors que le monde entier est frappé par l’onde de choc des "Panama Papers", la RDC n’est pas épargnée. Au centre du scandale, Jaynet Kabila, la sœur jumelle du chef de l’Etat, Joseph Kabila, soupçonnée de détenir des participations dans plusieurs sociétés offshore domiciliées dans des paradis fiscaux. A Kinshasa, comme dans le reste du pays, nombreux sont ceux à réclamer des comptes « au clan Kabila », soupçonné de s’être enrichi sur le dos de l’Etat.

Plus de cent médias répartis dans 77 pays, regroupés au sein du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dévoilent, depuis dimanche 3 avril 2016, le résultat d’une enquête de neuf mois. Intitulée "Panama Papers", elle dévoile l’identité des clients de Mossack Fonseca, une firme panaméenne chargée de créer et domicilier des sociétés basées dans des paradis fiscaux.
Parmi les quelques 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan, plusieurs responsables africains sont cités. Parmi eux, Jaynet Kabila, la sœur jumelle du Président de la RDC, Joseph Kabila, qui manifestement possède indirectement une partie du capital de la filiale congolaise de la société Vodacom, l’un des principaux opérateurs de téléphonie au Congo, ce qui lui aurait permis d’accumuler une fortune colossale, selon l’agence de presse Bloomberg.

Jaynet Kabila, actionnaire de Vodacom

Jaynet Kabila, élue députée en 2011, serait en effet propriétaire de la moitié des parts sociales d’une société dénommée Keratsu Holding Limited qui, selon l’enquête, a été immatriculée à Niue, une petite île du Pacifique, le 19 juin 2001, quelques mois seulement après l’entrée en fonction de son frère au poste de Président du Congo-Kinshasa. Cette société détient indirectement 19,6 % du capital de Vodacom Congo, selon des documents datant de décembre 2011 auxquels Bloomberg a eu accès. « Jaynet Désirée Kabila Kyungu en a été co-administratrice aux côtés de l’homme d’affaires congolais Kalume Nyembwe Feruzi », relèvent les enquêteurs des Panama Papers.

Vodacom Congo ne serait toutefois, selon Bloomberg, que la toute petite partie visible d’un énorme iceberg. Le clan Kabila aurait en effet accumulé une véritable fortune depuis que Laurent-Désiré, le père de l’actuel Président Joseph Kabila, assassiné en 2001, s’est emparé du pouvoir en 1997. « Les parts de Jaynet Kabila dans Vodacom donnent un petit aperçu de ce que beaucoup présument être une série d’actifs diversifiés très importante, détenue par la famille du Président », a déclaré à Bloomberg Jason Stearns, spécialiste du Congo-Kinshasa à l’Université de New York. « Les membres de la famille Kabila ont accumulé une immense fortune, incluant des parts dans de nombreuses sociétés offshore domiciliées dans des paradis fiscaux », indique pour sa part Martin Fayulu, l’une des figures éminentes de l’UNC, l’un des principaux partis d’opposition au Congo, qui réclame l’ouverture d’une enquête et le rapatriement au Congo des fonds évaporés.

Un permis d’exploitation pétrolier attribué à Clive Zuma, suite à une visite à Joseph Kabila

Au-delà de Jaynet et de Vodacom Congo, le nom de Kabila apparaît dans une autre affaire, en lien cette fois-ci avec la famille Zuma. Selon le quotidien anglais The Guardian, le sulfureux Clive Zuma, neveu de l’actuel Président sud-africain Jacob Zuma, « magnat » du secteur minier, est mis en cause dans l’acquisition frauduleuse d’un gisement pétrolier au Congo. Des faits qui remontent à 2010 lorsque Caprikat Limited, société basée dans les îles Vierges britanniques et dont il est le représentant, obtient la gestion du site pétrolier précité. Le journal britannique The Guardian n’hésite pas à faire le lien avec l’actuel président sud-africain, son oncle Jacob Zuma, qui avait rendu visite à Joseph Kabila cette même année. Une rencontre qui aurait été décisive dans l’attribution du contrat. Et ce, avec la bénédiction du Président Kabila.

A Kinshasa, comme dans le reste du pays, cette affaire est très mal perçue. D’autant que le pouvoir tire argument de l’impécuniosité de l’Etat pour repousser sine die la date des élections. « L’opposition, à travers Moïse Katumbi, a proposé d’organiser une table-ronde afin d’identifier l’origine de la fortune de tous les décideurs publics congolais. Proposition naturellement refusé par le Président et son clan », constate sous couvert d’anonymat, et non sans ironie, un observateur attentif de la vie politique kinoise. « Moïse Katumbi propose d’ailleurs dans son programme un code de bonne conduite, ainsi que l’obligation d’une déclaration publique de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers détenus par tous les dirigeants congolais (Président, ministres, députés, sénateurs, etc.) ». Une mesure de nature à freiner sensiblement les pulsions prédatrices à l’égard de l’argent public, selon notre interlocuteur.

« Ni Joseph, ni Jaynet, ni Zoé n’ont travaillé de leur vie »

« Ni Joseph, ni Jaynet, ni Zoé (leur frère cadet, devenu riche homme d’affaires) n’ont travaillé de leur vie. Comment ont-ils pu amasser autant d’argent. Ils sont arrivés avec des bottes en plastique, il y a moins de vingt ans, à Kinshasa ! », déclare, amer, un ancien compagnon du Mzee, surnom de feu le Président Laurent-Désiré Kabila. « Impossible d’y parvenir à moins de privatiser une partie de l’Etat et du Trésor Public », conclut-il, dépité.

Interrogé sur le scandale mettant en cause Jaynet Kabila, Lambert Mende, a affirmé qu’il s’agissait d’une affaire privée sans lien avec le Gouvernement. Un peu court, pour beaucoup de Congolais. Interrogé par AFRIK.COM, le député Juvenal Munubo a répliqué en ces termes au porte-parole du Gouvernement congolais : « une affaire d’évasion fiscale, en l’occurrence les Panama Papers, dans laquelle des personnalités publiques sont citées et qui fait l’actualité, sort absolument du domaine privé. Elle n’est pas à banaliser par le Gouvernement car la moralité publique en dépend », a-t-il conclu.
Incontestablement, ces révélations interviennent à un très mauvais moment pour le Président Kabila qui cherche, selon l’opposition, à repousser la date de l’élection présidentielle afin de se maintenir au pouvoir. Pour des raisons politiques ou économiques ? Au vu des révélations contenues dans les Panama Papers, les Congolais sont en droit de s’interroger."

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