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lundi 27 février 2012

"Médiation" :


«Tshitshi» chez les «Germains»


L’ambassadeur d’Allemagne au Congo-Kinshasa, Peter Blomeyer. Photo ambassade d’Allemagne


Sur invitation de Peter Blomeyer, ambassadeur de l’Allemagne à Kinshasa, le couple Tshisekedi a dîné, vendredi 24 février, avec quelques diplomates européens. Ce repas, qui a eu lieu à la résidence du diplomate allemand, semble inaugurer la «médiation» que le leader de l’UDPS espérait voir la «communauté internationale» se charger pour sortir le Congo-Kinshasa de la crise politique née au lendemain de l’élection présidentielle et des législatives du 28 novembre dernier. Il avait exprimé ce vœu le vendredi 23 décembre après sa contre-prestation de serment. Certains milieux de l’opposition se mettent déjà à rêver d’un "compromis historique" sous la forme d’un "second tour" de la présidentielle en vue de départager Tshisekedi et «Kabila». Utopie ? 
Analyse

Dans une déclaration faite à l’issue du dîner de vendredi avec le couple Tshisekedi, l’ambassadeur d’Allemagne à Kinshasa, Peter Blomeyer, cité par radio Okapi, a semblé «relativiser» la portée de cette rencontre. Il l’a inséré dans le cadre des «contacts» qu’il a avec «tous les acteurs politiques». En diplomatie, il est archi-rare qu’un diplomate invite un citoyen du pays d’accueil - a fortiori un acteur politique de premier plan - juste pour partager une tasse de thé ou un repas pour parler de la pluie et du beau temps. L’art de résoudre les différends par la négociation, la diplomatie a besoin de dialogue mais aussi de discrétion.

L’ambassadeur Blomeyer a sans doute jugé prématuré de divulguer la teneur de son entrevue avec le leader de l’UDPS et principal rival du président sortant «Joseph Kabila» au scrutin récent présidentiel.

Ceux qui avaient «enterré», un peu trop tôt, Etienne Tshisekedi wa Mulumba se seraient-ils rendus compte finalement que, malgré les incohérences de sa communication, l’homme reste une partie de la solution à la crise grave que traverse le Congo-Kinshasa ? La démarche diplomatique allemande est perçue par certains membres de l’opposition pro-Tshisekedi comme l’amorce de la «médiation internationale» souhaitée par ce dernier pour décrisper l’atmosphère politique. Certains tshisekedistes n’hésitent pas affirmer que leur «champion» est disposé à mettre un peu d’eau dans son vin pour trouver une «solution». "Reste à savoir si Tshisekedi qui a passé plusieurs années de convalescence boit encore du vin", ricane un "kabiliste modéré".

Une puissance décomplexée 

Première puissance économique de l’Europe en général et des «Vingt-sept» en particulier, l’Allemagne exerce un leadership économique et financier incontesté au sein de l’Union européenne. Ayant perdu ses colonies de l’Afrique de l’Est
(Rwanda, Urundi et Tanganyika) au lendemain de la première guerre mondiale (1914-1918), l’Allemagne semble «décomplexée» dans ses rapports avec les Etats africains. Et ce, contrairement aux anciennes puissances coloniales telles que la France, la Belgique et la Grande Bretagne lesquelles s’impliquent un peu trop dans le débat politique interne dans leurs anciennes possessions. Ces puissances n’hésitent pas à clamer leur sympathie ou antipathie à l’égard de tel ou tel autre acteur politique africain. «Tshisekedi ne nous rassure pas». C’est une rengaine qui a été répétée aux opposants pro-Tshisekedi lors d’une récente tournée en Occident. L’Allemagne, elle, garde un brin de neutralité. Rares sont les pays africains qui représentent un intérêt vital pour elle.

A l’occasion de la «Journée allemande» le 1er octobre 2011, l’ambassadeur Blomeyer a prononcé une allocution qui confirme cette attitude. «La liberté, déclarait-il notamment, est un bien précieux qu’il faut préserver aussi à presque tout prix. Un principe dépend de l’autre : Les dictatures comme ennemi naturel de la liberté sont aussi ce qui met en danger la paix et le droit. Elles sont agressives vers l’extérieur et ils ne respectent pas le droit vers l’intérieur, vers leurs citoyens. Alors: paix, droit et liberté vont ensemble. Quel est l’impact de ces principes de notre politique extérieure sur l’Afrique et sur la RDC? Notre ministère des affaires étrangères a récemment essayé de les transformer dans une stratégie vers l’Afrique. Voilà les éléments clés de cette stratégie:Il nous faut une analyse réaliste du continent qui prend note des transformations profondes politiques, économiques et sociaux en Afrique sub-saharienne.»

On ne pourrait s’empêcher néanmoins de regretter une certaine duplicité de la part de la «communauté internationale». Pour honorer l’invitation lui adressée, le leader de l’UDPS a dû «négocier» une sorte de «libération conditionnelle» avec le commandement de la police. On le sait, depuis deux mois, «Tshitshi» est privé de liberté locomotrice par des miliciens kabilistes déguisés en policiers qui quadrillent le quartier de Limete où se trouve la résidence du leader de l’UDPS. D’aucuns parlent de «mercenaires étrangers». Cette situation antidémocratique laisse indifférents les ambassadeurs occidentaux en poste à Kinshasa.

Quel est le problème ?

Il s’agit aujourd’hui de préserver la paix civile en conciliant des exigences antinomiques. D’un côté, Tshisekedi qui clame avoir été dépossédé de sa victoire à la présidentielle. De l’autre, «Kabila» qui, par l’abus des moyens coercitifs de l’Etat, réplique : «J’y suis, j’y reste!». Qui va concéder quoi à qui? Les deux camps antagonistes sont-ils capables de compromis ? Ou vont-ils continuer à jouer la carte du «tout ou rien» aux conséquences imprévisibles?

Deux mois après l’élection présidentielle et les législatives du 28 novembre 2011, l’Etat congolais est comme pétrifié. Le pays est frappé d’immobilisme en dépit de l’apparente normalité des gens qui vaquent à leur occupation. Il n’y a ni paix de cœur ni paix d’esprit. En cause, les fraudes massives ayant émaillé tant la présidentielle que les législatives. Comme s’il se sentait mal dans sa peau de «vainqueur», «Joseph Kabila» est devenu invisible depuis sa prestation de serment le 20 décembre. Il ne préside plus les réunions du Conseil des ministres. Pire, il n’ose pas non plus déléguer cette tâche au Premier ministre. Depuis cette date, "Joseph" a déserté son lieu de "travail" au Palais de la nation. Il n’a été revu en public que le 13 février lors de la veillée mortuaire à la résidence d’Augustin Katumba Mwanke.

Un pouvoir illégitime

En fait «Kabila» a perdu toute légitimité faute d’incarner l’espérance. L’intérêt général. Rares sont les Congolais qui le croient encore capable d’améliorer les conditions sociales de la population et de redonner au Congo sa respectabilité à l’extérieur. L’homme a fait beaucoup de promesses. Il n’en a tenu aucune en matière de progrès économique et social. L’essentiel de l’énergie présidentielle a été investi dans les «infrastructures». Des "réalisations" sans impact direct sur le "social". Le 28 novembre dernier, les citoyens congolais ont rejeté le système Kabila. Ils l’ont fait savoir dans les urnes. Voilà pourquoi ce même peuple renaclent à s’incliner devant une prétendue victoire de "Kabila" et ses affidés, réputés pour leur arrogante incompétence.

Incorrigible, dans son «allocution inaugurale» du 20 décembre, «Kabila» a réitéré les mêmes promesses non-tenues. Il a clamé notamment sa «détermination» à «être réellement le garant de la nation congolaise dans toute sa diversité, à l’écoute et au service de toutes les Congolaises et de tous les Congolais. Sans distinction de race, d’origine, d’obédience politique ou de confession religieuse.» Une déclaration loufoque au regard du retour en force du tribalisme et du régionalisme. Depuis dix ans, l’homme s’est toujours appuyé sur un groupe des Congolais contre d’autres. Au lieu d’être l’arbitre, il se considère avant tout comme le chef - l’"autorité morale" - d’un clan politique dénommé la "Majorité présidentielle". L’Etat est devenu la "chose" du parti présidentiel le PPRD.

Dans son speech, « Kabila » a annoncé sa volonté de «poursuivre» et d’«accélérer la reconstruction» du pays. La preuve est ainsi faite que l’homme n’a jamais été à l’écoute de la population laquelle attend que les pouvoirs publics s’occupent enfin de ses besoins essentiels : logement, sécurité des personnes et des biens, emploi, eau courante, électricité, santé, éducation, transport en commun. «Parallèlement au développement des infrastructures, ajoutait, sans rire, «Kabila», le gouvernement se montrera particulièrement soucieux de la vie sociale du citoyen congolais.» «Une politique soucieuse de la parité, de la cohésion et de la paix sociale, et qui offre des opportunités à notre jeunesse, ainsi qu’à la femme congolaise. La République Démocratique du Congo doit donc être plus efficacement administrée. Elle a besoin d’une administration publique décentralisée, instance de régulation et force de proposition, au service de la population et des acteurs du développement. Notre diplomatie sera réorganisée et modernisée, de manière à en faire la vitrine d’un Congo qui rassure et qui gagne, source de fierté légitime».

Si personne ne croit sérieusement que Tshisekedi, devenu président de la République, serait muni d’une baguette magique pour changer la société congolaise, il reste que le 28 novembre dernier, les citoyens ont fait le choix du "Changement". Certains milieux de l’opposition se mettent à rêver de la réussite des «consultations» entamées par le diplomate allemand. D’autres évoquent l’idée de «neutralisation» des deux prétendants à la Présidence suivie par l’organisation d’une sorte de «deuxième tour» de l’élection présidentielle. Histoire, disent-ils, de sortir le Congo-Kinshasa d’une dangereuse inertie. L’invitation adressée à Tshisekedi à venir dîner chez l’ambassadeur de l’Allemagne d’Angela Merkel montre bien que «Tshitshi» reste, pour le moment, un acteur politique incontournable. Chacun est libre de l’aimer ou de ne pas l’aimer…


Baudouin Amba Wetshi 
© Congoindépendant 2003-2012

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