Pages

mercredi 11 décembre 2013

Des « concertations nationales » à la « consternation nationale » Quelle piste pour une voie de sortie de la crise en RDC ?

Des « concertations nationales » à la « consternation nationale » Quelle piste pour une voie de sortie de la crise en RDC ?



Depuis la fin des concertations nationales, nombreux sont les acteurs et autres observateurs qui s’accordent à dire que le Congo traverse une crise qui, si on ne lui accorde pas l’attention voulue, risque de déstabiliser ce pays ainsi que toute l’Afrique Centrale et, sans doute, l’équilibre mondial. C’est ainsi que l’on observe un balai diplomatique des acteurs tant internes qu’externes qui, tous, n’ont qu’un seul objectif : trouver une voie de sortie de cette crise que des acteurs politiques congolais au pouvoir s’acharnent à ne pas reconnaître, convaincus qu’ils peuvent continuer à diriger le pays par défi.

Les propositions vont dans tous les sens, selon les intérêts des uns et des autres. Des responsables de diverses confessions religieuses dont Dieu seul connaît es vraies intentions de leurs démarches; des diplomates de carrière, en place en RDC et. de bonne guerre, soucieux de leurs promotions des officiels des gouvernements étrangers en quête qui, d’appuis financiers importants en ce moment de grands déficits budgétaires dans bon nombre de pays occidentaux des acteurs des milieux du pétrole, des mines, forêts et autres eaux douces, en quête de carrés à exploiter au détriment des populations congolaises, etc., tous, sans exception, invitent à un dialogue dont eux seuls connaissent les tenants et les aboutissants.

Ce qui frappe dans les diverses démarches de charité qui sont loin d’être de qualité, c’est l’insistance de leurs initiateurs pour une solution négociée qui, malheureusement semble se construire su la seule grande idée du partage du « gâteau Congo » entre acteurs politiques.

Ce qui frappe, ce sont les contradictions qui caractérisent ces démarches invitant au dialogue sur fond de déclarations souvent en bémol qui cachent mal l’hypocrisie des uns, la ruse des autres et le malaise des communautés tant nationales qu’internationales qui s’affichent comme œuvrant pour la promotion de la démocratie en RDC.

Fort de ce qui précède, je voudrais me livrer à un exercice, qui, je l’espère, intéressera d’autres Congolais afin qu’ensemble, nous puissions offrir à notre pays une voie de sortie de crise qui soit conforme à la vérité et à la justice ! C’est au nom de ces dernières, vertus que l’on doit réaliser que l’appel au dialogue s’inscrit dans une perspective qui recherche la cohésion nationale au-delà du théâtre de mauvais gout auquel nous avons eu droit à travers les « concertations nationales » et les affiches de remerciements post-concertations dont le coût aurait pu doter de bancs les salles de classes d’une de ces écoles où nos enfants apprennent à même le sol.

La démarche dans laquelle je propose de m’inscrire sera différente : 

1. De la démarche du « dernier espoir » de quelques leaders Katangais devenus orphelins du pouvoir depuis les étranges disparitions de Mzee Laurent Kabila et de Katumba Mwake sans oublier la mise en écart en douce du général Numbi. Les leaders Katangais encore en activité sentent le pouvoir échapper aux Katangais. Ils sont effarouchés à l’idée de voir ce pouvoir passer entre les mains des Mobutistes, leurs ennemis de tous les temps.

Conscients de ce qu’ils ont fait et continuent à faire endurer aux ténors du régime mobutiste, les leaders Katangais sont effrayés par le rapprochement «Kabila-Mobutistes». N’est-ce pas, sans doute, la raison d’être de la visite du révérend Pasteur de la maison civile à la 10ème rue, dans une tentative inavouée de se confier à la seule personne qui peut les aider à sauver leur peau en s’opposant au retour des Mobutistes au pouvoir?

Pour arriver à leurs fins et ne sachant plus où donner de la tête, les leaders katangais tentent, en vain, de convaincre le « frère luba » au nom des liens historiques souvent bafoués et auxquels les Katangais ont régulièrement donné une couleur « sang » et une odeur  « humiliation ».

2. De la démarche « politicienne » de Kabila qui, sous la pression de nombreux lobbies nationaux et étrangers, tente une manœuvre politique qui devrait lui permettre de se débarrasser de ses anciens collaborateurs. Hier, il a réussi à écarter les collaborateurs de son père en douce. La génération « Yerodia et Che Okitundu » s’est ainsi retrouvée à.la périphérie du pouvoir conquis avec l’AFDL.

Aujourd’hui, la démarche semble délicate. Car, il s’agit de se débarrasser de collaborateurs, anciens amis de maquis et de même génération. La manœuvre est délicate et dangereuse, car elle rompt un deal : celui du contrôle mono-ethnique du pouvoir de Kinshasa, par vague successive de rébellions (AFDL, CNDP et M23) et par occupation répétée et effective des espaces politiques, sécuritaires et fonciers.

Dans cette perspective, nul n’est censé abandonner les autres. C’est sans doute le sens de cet accord forcé que la RDC doit signer avec le M3 après sa défaite militaire. C’est ce qui explique l’embarras de Kabila dont le régime et sa propre personne se retrouvent entre le marteau et l’enclume constamment ballottés entre la signature d’un « accord » ou d’une « déclaration » de fin de guerre, guéguerre linguistique inutile qui cache mal un contenu rejeté par le peuple congolais tout entier, de l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord.

3. De la démarche « rusée » des Mobutistes en quête de revanche politique. Fort des soutiens de divers lobbies nationaux et étrangers, capitalisant les mauvais résultats la gouvernance Kabila, la déception du peuple et son rejet de la démocratie de façade, les Mobutistes en stratèges politiques rusés, ont, avec malice, réussi à étaler l’incompétence du régime en place dans tous les secteurs de la vie nationale en organisant les concertations nationales.

En fins limiers, les Mobutistes sortent seuls vainqueur des concertations nationales avec en prime, le maintien du Sénat et de son Président, successeur constitutionnel de Kabila. La fin des concertations et les longues et tortueuses négociations qui s’en suivent présentent des Mobutistes, « bêtes politiques » et joueurs expérimentés du x qui perd-gagne ». Latents, patients et surtout persévérants, ils ressemblent à des chasseurs qui, dans l’approche de leur proie, s’organisent pour ne pas trop l’effaroucher. Comme disent les anglophones : « wait and see »

Dans cette illusion du contrôle du pouvoir, les animateurs actuels des institutions annoncent un gouvernement de « cohésion nationale » différent métaphoriquement du gouvernement de « large union nationale » mais qui, sans s’en rendre compte réveille les appétits gloutons des Congolaises et Congolais avides de pouvoir. En effet, dans ce pays où chaque roitelet veut son roi, ne, faudra-t-il pas s’attendre à des gouvernements de cohésion provinciale à une territoriale de cohésion nationale et à des chefs d’entreprises de cohésion nationale ? N’est- ce pas qu’il nous faudra aller aux prochaines élections dans un esprit de cohésion nationale?

4. De la démarche « intransigeante et surréaliste » de l’UDPS qui, à L’horizon de 2016 continue à parler d’un « impérium » à venir et qui tombera du ciel comme une manne, en guise de remerciements pour les longues années de lutte dans l’opposition Avec tout le respect que je voue au leader de ce parti, un homme politique qui, on ne cessera de le dire aura marqué positivement la scène politique congolaise par son éthique et son engagement pour la nation : je pense qu’il est plus que temps de changer de stratégie d’accès au pouvoir et d’oser. N’est-ce pas le moment de se positionner de manière réfléchie, mais surtout audacieuse par rapport à 2016 ? Pourquoi ne pas se doter du statut-du parti qui conduira les Congolais aux prochaines élections en prenant les commandes d’un gouvernement de cohésion nationale ? Les pièges, en politique, il y en aura toujours surtout dans un pays à démocratie de façade comme le nôtre. Que du côté de Limeté on se souvienne de ce fameux proverbe Yaka : « kileefu kya nkua Booma, kikandakana mafu ko ! », entendez « la barbe de celui qui a peur n’est jamais couverte de sable ou mieux, de boue » et celui qui a constamment peur des pièges en politique, passe tout son temps et met toute son énergie à les éviter et non pour conquérir le pouvoir ! En politique comme dans tous les secteurs de la vie humaine, seuls ceux qui osent peuvent se tromper!

5. De la démarche en dents de scie d’une communauté internationale divisée par l’accès aux richesses de ce pays et l’hypocrisie des exigences de promotion des droits de la personne humaine vivant dans cet espace. Trahie par son consistance, la communauté internationale perd chaque jour sa crédibilité après avoir installé de manière frauduleuse au pouvoir un candidat qui, ils l’ont tous reconnu, n’avait pas gagné les élections. Dans une tentative désespérée de se donner bonne conscience, la communauté internationale continue à insister sur la nécessité des réformes de l’armée, de la police, des services de sécurité et autres alors qu’elle sait pertinemment bien qu’un régime militaire « civilianisé » par des élections truquées ne pourra pas s’inscrire dans cette dynamique. Engager des, réformes dans ces secteurs considérés « sensibles » par le régime serait suicidaire, car ceci aurait pour fâcheuse conséquence la perte du contrôle des instruments sur lesquels repose son pouvoir.

Au-delà de ces démarches quelle piste de sortie ?

Toutes les démarches évoquées ci-dessus ont en commun la ruse, le calcul et surtout l’égoïsme de leurs différents animateurs. Dans les lignes qui suivent, nous voulons proposer une approche congolaise simple de sortie de crise. Cette stratégie comprend quelques propositions en plusieurs petits points que les lecteurs et autres personnes qui s’inviteront au débat pourront enrichir :

* Annulation des élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2011.

Nous sommes tous unanimes pour reconnaître que ces élections de la honte sont loin d’être le socle sur lequel nous voulons bâtir une démocratie qui assurera le développement du Congo. Les années postélectorales et les conclusions des concertations nationales le confirment.

• Démission et restructuration de la CENI

Personne ne doute de la ‘nécessité de dissoudre la CENI dans sa composition actuelle. La réforme qui doit ramener le climat de confiance entre le peuple et les élections comme mode démocratique de désignation des animateurs des institutions publiques n’est manifestement pas celle qui a conduit à la nomination des actuels dirigeants de la CENI, plus particulièrement, à la tête de cette institution. Les irrégularités qui ont opposé Eglise catholique et pouvoir dans la désignation du Président de la CENI, sa gestion des premières élections qui se sont soldées par une guerre en plein Kinshasa n’autorisent pas le peuple congolais à lui faire confiance. Le prêtre catholique le sait pertinemment bien. Il n’inspire pas confiance.

* Suspension de l’actuelle constitution

Il est évident que la période dans laquelle nous allons entrer sera une période de transition dont il faudra déterminer la durée et la mission. Cette période ne saura pas être gérée par la constitution actuelle. Il faudra donc un nouveau cadre juridique que des’ juristes intelligents et surtout soucieux du pays peuvent élaborer et proposer.

Quelle architecture à la tête du pays?

Un président de la République avec des pouvoirs genre ceux du Président Allemand. Il sera le garant de la paix et œuvrera durant toute la transition en collaboration avec le Vice Président. L’actuel Président de la République garderait ainsi ses fonctions jusqu’à la fin de son mandat (2016), question d’apaiser les esprits des différents lobbies nationaux et internationaux qui l’ont placé à la tête du pays.
Un Vice-président avec des fonctions du genre Chancelier Allemand. Il aura son cabinet et sera chargé de la gestion au quotidien du gouvernement en collaboration avec les Ministres du Gouvernement. Dans le climat actuel et pour ramener la cohésion nationale, ce poste sera confié à la vraie opposition, entendez, l’UDPS d’Etienne Tshisekedi quitte à le convaincre à prendre ou à désigner l’animateur qui occupera ces fonctions au nom de ce parti.

La grande question restera celle de savoir si ces deux animateurs pourront s’élever au niveau de la nation et entrer ainsi dans l’histoire de ce pays. S’ils n’y arrivent pas par eux-mêmes, il faudra sans doute le leur imposer. Des pressions internes et externes peuvent y arriver, Il est question de restaurer une certaine légitimité au sommet de l’état et de mettre les Congolais en confiance et de les remettre au travail.

Quid de l’Assemblée Nationale, du Sénat, des Assemblées Provinciales, des Gouverneurs?

Toutes ces institutions tombent en attendant l’organisation des élections qui interviendront à la fin de la première et deuxième année de la transition : fin 2015 pour les élections provinciales, sénatoriale et des gouverneurs. L’organisation des élections locales dépendra des appréciations techniques de tous ceux qui sont concernés par le processus électoral. Il faut évaluer les conséquences des conflits communautaires que pourraient occasionner des électrons locales réalisées dans la précipitation pour consacrer une démocratie de façade qui créerait l’illusion d’un pouvoir rendu à la base.

D’ici là et surtout pour mettre fin aux pratiques de mauvaise gestion du trésor public qui ont élu domicile dans nos provinces, le Vice-président nommera des gouverneurs qui seront sélectionnés, en tenant compte d’un profil intellectuel et surtout moral rigoureux. Il en sera de même pour les animateurs de la petite territoriale et des entreprises.

• Durée de la transition

2 ans: de 2014 à 2016 (à ne pas prolonger). Ces deux ans devront suffire pour les opérations de recensement (début et fin 2015 : pourvu que l’on détermine clairement le genre de recensement auquel o fait allusion), pour commencer et conclure tout le cycle électoral (élections provinciales, sénatoriales et des gouverneurs : fin 2015 ; élections législative et présidentielle : fin 2016). Cette période de deux ans .devra permettre d’en finir avec les textes légaux des différentes réformes : armée police et autres services de renseignements (fin 2014) et d’entrer dans la période de mise en œuvre des réformes (2015- 2016).
Les animateurs de cette transition ne seront pas candidats aux prochaines élections. Ils passeront la main à une nouvelle génération d’acteurs et actrices politiques préparés aux diverses tâches et surtout à l’éthique nouvelle d’engagement au service de la nation.

• Missions prioritaires de la transition

Préparer les élections en respectant cette fois-ci toutes les étapes et procédures. On commencera par la restructuration de la CENI de manière consensuelle le recensement de la population, le rassemblement des fonds nécessaire pour toutes les étapes électorales l’organisation matérielle et logistique ; la tenue des élections en commençant par les locales, etc.

* Réforme de la justice, de l’Armée, Police et autres services de renseignements
* Relance de l’agriculture
* Assainissement du cadre des affaires
* Amélioration des infrastructures
* Lutte effective contre la corruption et fin de l’impunité’
* Promotion et protection des libertés citoyennes

• Profil des animateurs de la transition

En plus de son savoir et de son savoir faire, qualités que l’on retrouve chez un grand nombre de Congolais et Congolaises, il faudra impérieusement ajouter les qua lités morales. Des enquêtes devront être menées et des mécanismes de sanction devront être mises en place pour sélectionner et sanctionner même en cours d’exercice tout acteur politique dont la moralité serait douteuse.



(Hierry Nlandu Mayamba, professeur à la faculté des lettres/Université de Kinshasa, Consultant en développement organisationnel).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire