Ce cliché, pris au hasard à Kimpese, Bas-Congo, dans l’Ouest de la RDC sur la Route nationale numéro 1, vante les réalisations du président Joseph Kabila à Kananga, au Kasaï occidental, centre du pays, à plus 1 500 Km de là. Pour les habitants de la cité interrogés, il s’agit des immeubles que Joseph Kabila a construits à Kananga. En fait, l’affiche montre un immeuble imposant de quatre étages, ainsi qu’une banale école primaire. Le grand immeuble, c’est l’ISP, Institut supérieur pédagogique, et l’école primaire, c’est Demba II. Et c’est ainsi que les Congolais sont bernés. A ceux du Nord, on fait croire des réalisations au Sud, à ceux de l’Est on vante ce qu’on aurait fait à l’Ouest, et vice-versa. Même aux habitants de Kinshasa, on a fait croire en la construction de la route Kinshasda-Kikwit, et ils y ont cru, alors qu’ils habitent à un jet de pierre du Bandundu, et que la population constitutive de Kinshasa est composée à 35% des ressortissants de cette province.
En fait, Joseph Kabila et ses deux Premiers ministres Antoine Gizenga Funji et Adolphe Muzito Nfumuntshi, n’ont jamais construit une quelconque route -nationale n°1 entre Kinshasa et Kikwit. Cette route est la même qui a été construite par le gouvernement du maréchal Mobutu entre 1979 et 1980, lorsque Henry-Didier Takizal Luyan Mwis Mbingin, décidément l’homme d’Etat le plus valeureux que le Bandundu ait connu à ce jour, était ministre des Travaux publics. Elle a été réalisée par l’entreprise italienne Sadelmi Gogepi Milano.
Takizal l’avait faire, non pas parce que c’était dans sa province d’origine, mais à cause de son importance économique. On imagine ce que serait le Bandundu et Kinshasa sans cette route. Devenu gouverneur du Kasaï occidental, il se débrouilla on ne sait comment pour amener la sémoule de maïs américaine pour conjurer une famine qui s’annonçait suite à de mauvaises récoltes. Avec interdiction formelle aux provinces voisines de venir s’approvisionner, c’est-à-dire le Kasaï oriental et, c’est le comble, son Bandundu d’origine. C’est cela un homme d’Etat. Il était gouverneur du Kasaï occidental, il devait défendre les intérêts de son entité. En trois années passées au ministère des Travaux publics, il a fait pour le Bandundu ce que n’ont pu Gizenga et Muzito en 5 ans.
Tout ce que le gouvernement Kabila a fait, c’est de réhabiliter la partie de la route au niveau de Kenge, lourdement endommagée par des combats par des redoutables coalitions militaires en avril-mai 1997, avec d’un côté l’Armée patriotique rwandaise, l’Ugandan people’s defenses force et les Forces armées d’Angola encadrant les kadogos de l’AFDL, et de l’autre, les DSP soutenus par les commandos de l’UNITA. C’est tout ce qui a été fait. Le reste de la route, jusqu’à la frontière du Kasaï occidental, c’est celle de Mobutu et Takizal. Les deux Premiers ministres de Kabila, n’ont même pas eu l’intelligence de relier le centre de leur territoire de Gungu à cette route nationale, qui passe près de là. Au point pour que se rendre chez eux, il y a embourbement garanti.
Avec une rare boulimie, Jean- Marie Kasamba, chargé de la visibilité des 5 chantiers, a reçu des millions pour couvrir le pays tout entier de ses affiches menteuses. Dépenser autant des millions pour mentir le peuple, c’est du jamais vu. Sur le site que Kasamba fait confectionner - et qui a coûté combien ? - il n’y a rien de valable comme information. De toutes les façons, le site a cessé depuis longtemps d’être mis à jour. Difficile de connaître combien de chantiers ont été réalisés, par qui, et pour combien.
A la veille des élections de 2006, Joseph Kabila n’avait pas à proprement parler un vrai programme électoral. Juste un slogan : 100 propositions pour le Congo. Entre les deux tours, face au MLC qui, lui, avait élaboré le seul vrai programme électoral, il s’inventa autre chose les 5 chantiers. Mais là aussi, ce n’était qu’un vague slogan. Jean-Pierre Bemba sollicita le débat - constitutionnellement obligatoire - mais Kabila esquiva le rendez-vous avec la complicité d’une HAM aux ordres.
Après sa victoire, il fit alors concocter, par les soins d’une équipe dirigée par le journaliste Jean-Marie Kasamba, un contenu à son slogan électoral. Cela fit rire tous les connaisseurs de la chose économique, qui n’avaient jamais rien vu d’aussi farfelu. Au total, le coût dépasse les 140 milliards de dollars américains pour 5 ans de mandat! Et puis, pendant deux années entières, le gouvernement ne fit rien, se donnant des migraines pour savoir où trouver de l’argent. C’est dans ces conditions qu’arrivèrent les fameux contrats chinois. Un ensemble de clauses léonines hypothéquant dangereusement l’avenir du pays. Mais ils avaient une autre face : par des surfacturations inouïes, l’on réalise quelques infrastructures tape-à-l’oeil, et, au passage, on s’en met plein les poches. En monnaie lourde. Comparons le coût de certaines de ces réalisations grandiloquentes avec celui d’autres des pays qui sont gouvernés avec la règle de la bonne gouvernance.
Aristote KAJIBWAMI