REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Résolution adoptée par consensus par le Conseil directeur
à sa 191ème session (Québec, 24 octobre 2012)
CAS N° DRC/49 – Albert BIALUFU NGANDU
CAS N°
DRC/50 – André NDALA NGANDU
CAS N° DRC/51 – Justin KILUBA LONGO
CAS N°
DRC/52 – Shadrack MULUNDA NUMBI KABANGE
CAS N° DRC/53 – Héritier KATANDULA
KAWINISHA
CAS N° DRC/54 – Muamus MWAMBA MUSHIKONKE
CAS N° DRC/55 – Jean
Oscar KIZIAMINA KIBILA
CAS N° DRC/56 – Bonny-Serge WELO OMANYUNDU
CAS N°
DRC/57 – Jean MAKAMBO SIMOL’IMASA
CAS N° DRC/58 – Alexis LUWUNDJI
OKITASUMBO
CAS N° DRC/59 – Charles MBUTA MUNTU LWANGA
CAS N° DRC/60 –
Albert IFEFO BOMBI
CAS N° DRC/61 – Jacques DOME MOLOLIA
CAS N° DRC/62 –
René BOFAYA BOTAKA
CAS N° DRC/63 – Jean de Dieu MOLEKA LIAMBI
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CAS N° DRC/64 – Edouard KIAKU MBUTA KIVUILA
CAS
N° DRC/65 – Odette MWAMBA BANZA (Mme)
CAS N° DRC/66 – Georges KOMBO NTONGA
BOOKE
CAS N° DRC/67 – Mabuya RAMAZANI MASUDI KILELE
CAS N° DRC/68 –
Célestin BOLILI MOLA
CAS N° DRC/69 – Jérôme KAMATE
CAS N° DRC/70 – Colette
TSHOMBA (Mme)
CAS N° DRC/73 – Bobo BARAMOTO MACULO
CAS N° DRC/74 –
ANZULUNI BEMBE ISILONYONYI
CAS N° DRC/75 – Isidore KABWE MWEHU LONGO
CAS
N° DRC/76 – Michel KABEYA BIAYE
CAS N° DRC/77 – Jean Jacques MUTUALE
CAS
N° DRC/78 – Emmanuel NGOY MULUNDA
CAS N° DRC/79 – Eliane KABARE NSIMIRE (Mme)
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Résolution adoptée par consensus par le Conseil
directeur*
à sa 191ème
session (Québec, 24 octobre 2012)
Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,
saisi du cas de 29 anciens membres de l’Assemblée nationale de la
République démocratique du Congo invalidés par des arrêts du 25 avril 2012 de la
Cour suprême de justice, conformément à la Procédure d’examen et de
traitement, par l’Union interparlementaire, de communications relatives à des
violations des droits de l’homme dont sont victimes des parlementaires,
se référant aux informations fournies par le Président de l’Assemblée
nationale dans sa lettre du 16 octobre 2012 et par la délégation de l’Assemblée
nationale entendue par le Comité pendant la 127ème Assemblée de l’UIP à Québec,
ainsi qu’à la documentation importante et aux informations transmises par les
sources,
considérant les éléments ci-après versés au dossier :
à l’issue des élections législatives du 28 novembre 2011, la Commission
électorale nationale indépendante (CENI) a proclamé, début février 2012, les
résultats provisoires des candidats élus. Les partis politiques et les candidats
non élus ont alors introduit de nombreux recours devant la Cour suprême de
justice, siégeant à titre transitoire comme Cour constitutionnelle chargée du
contentieux électoral. Le 25 avril 2012, la Cour suprême de justice a rendu ses
arrêts sur ces recours et déclaré l’invalidation de 32 députés. Sur ces 32
députés, 30 ont contesté la décision de la Cour en introduisant des recours en
rectification d’erreurs matérielles, seule voie de recours autorisée par la
Constitution et la législation congolaise en matière de contentieux électoral.
Parmi eux, 29 députés ont saisi le Comité des droits de l’homme des
parlementaires de l’UIP du caractère arbitraire de ces arrêts en invoquant
principalement :
- leur absence ou insuffisance de motivation;
- des violations des droits de la défense, allant parfois jusqu’à
l’invalidation de députés non contestés et n’ayant pas participé au contentieux
électoral;
- un défaut ou une insuffisance d’instruction des dossiers;
- en particulier des irrégularités dans les opérations de recomptage des voix
auxquelles auraient procédé les juges de la Cour suprême à huis clos, sans en
informer les parties en cause, ni établir un procès-verbal des opérations
aboutissant, selon les sources, à la proclamation de résultats arbitraires par
la Cour, et à des violations des droits de la défense;
- la méconnaissance des règles de preuves;
- des violations de l’article 75 de la loi électorale;
- les sources allèguent également le caractère irrégulier et précipité de la
procédure suivie par l’Assemblée nationale pour voter en plénière, le 4 mai
2012, l’invalidation des députés en exécution des arrêts de la Cour suprême de
justice et la validation des mandats des nouveaux députés nationaux proclamés
élus par la Cour en remplacement, alors même que des recours étaient toujours en
instance devant la Cour suprême de justice;
- la Cour suprême a tenu des audiences publiques du 17 au 19 août sur les
recours en rectification d’erreurs matérielles introduits par 30 des 32 députés
invalidés; la Cour a rendu ses arrêts du 31 août au 6 septembre 2012 et rejeté
l’intégralité des requêtes des députés invalidés;
- les arrêts ont été notifiés pour la plupart plus d’un mois après leur
prononcé par la Cour et uniquement sur dispositif; sur les 27 arrêts transmis au
Comité par les sources, seuls huit sont motivés;
- le Président de l’Assemblée nationale a indiqué dans une lettre du 16
octobre 2012 que la Cour avait motivé le rejet des requêtes selon les cas
d’espèce, soit au motif de leur irrecevabilité pour celles introduites par les
candidats et non par leur parti, soit au motif que les requêtes n’étaient pas
fondées car les parties n’avaient pas apporté la preuve des erreurs matérielles
alléguées, ou encore au motif que les requêtes avaient soulevé des questions
relatives au fond du dossier et non la rectification d’erreurs matérielles,
considérant que Me Agboyibo, ancien premier ministre du Togo, a
été mandaté par le Comité pour se rendre à Kinshasa du 25 juillet au 2 août 2012
afin d’observer les audiences publiques prévues initialement du 27 au 29 juillet
2012; que les autorités parlementaires ont accueilli favorablement cette mission
et en ont facilité le bon déroulement; que le rapport de mission de Me Agboyibo
a été transmis aux autorités et aux sources le 13 septembre 2012; que
Me Agboyibo a souligné dans ses conclusions qu’il n’avait pas pu observer les
audiences car elles avaient été reportées à la dernière minute à la période du
17 au 19 août; que Me Agboyibo a néanmoins rencontré toutes les parties et
autorités concernées pour échanger sur le cas des députés invalidés; qu’il a
conclu dans son rapport de mission que "l’arbitraire invoqué à l’encontre des
arrêts rendus le 25 avril 2012 par la Cour suprême de justice était réel",
considérant également que, compte tenu de l’épuisement des voies de
recours interne et de la persistance de l’arbitraire des arrêts d’invalidation,
le collectif des députés invalidés a sollicité en septembre 2012 en dernier
ressort auprès du chef de l’Etat l’indemnisation des députés invalidés; dans le
cas particulier de M. Kiluba Longo (DRC/51), sénateur avant son élection à
l’Assemblée nationale, des démarches ont été entreprises pour obtenir sa
réintégration au Sénat, sans succès,
rappelant qu’en 2006, lors des premières élections présidentielles et
législatives en RDC, la Cour suprême de justice avait également procédé à
l’invalidation de députés lors de la proclamation des résultats définitifs des
élections législatives; que les députés invalidés avaient saisi le Comité des
droits de l’homme des parlementaires en alléguant le caractère arbitraire de ces
arrêts (cas du "Groupe des 18 (G18)" DRC/30-45 Tshibundi et al); qu’étant
donné les nombreuses critiques émises quant à la façon dont la Cour avait statué
sur les recours électoraux, l’Assemblée nationale avait mis en place une
"Commission spéciale chargée d’examiner la suite à donner aux arrêts de la Cour
suprême de justice en matière de contentieux électoral des députés nationaux";
que cette commission avait relevé de nombreuses irrégularités commises par la
Cour et que l’Assemblée nationale avait adopté en conséquence le 17 juillet 2007
une résolution dénonçant les arrêts de la Cour comme "entachés d’irrégularités
et d’abus de droit graves"; que l’Assemblée nationale avait joué un rôle
essentiel en s’engageant à réformer le système judiciaire, à prendre les mesures
nécessaires pour éviter que de tels cas ne se reproduisent et à trouver des
solutions pour réparer l’injustice faite aux parlementaires concernés,
considérant que, dans sa lettre du 16 octobre 2012, le Président de
l’Assemblée nationale a indiqué que, "à ce stade et par respect du principe
de la séparation des pouvoirs et du caractère obligatoire et exécutoire des
arrêts de la Cour constitutionnelle consacrés respectivement par les articles
151 et 168 de la Constitution de la RDC, l’Assemblée nationale ne peut que
prendre acte des arrêts rendus par la Haute juridiction sur les requêtes en
rectification des erreurs matérielles. Elle n’a aucun commentaire à faire
concernant les arrêts rendus par la Haute Cour";
que la délégation
congolaise entendue par le Comité au cours de la 127ème Assemblée de l’UIP a
indiqué qu’en 2007, l’Assemblée nationale avait méconnu le principe
constitutionnel de la séparation des pouvoirs en choisissant de critiquer les
arrêts de la Cour suprême de justice mais qu’en 2012, l’Assemblée nationale a
décidé par un vote en plénière de ne pas prendre position sur la question dans
le strict respect de la séparation des pouvoirs; en conséquence, il n’existe
actuellement aucune résolution de l’Assemblée nationale similaire à celle de
2007 susceptible de fournir un fondement juridique à une indemnisation des
députés invalidés,
notant l’absence notoire d’indépendance de la Cour suprême de justice
soulevée de longue date dans de nombreux rapports, y compris des rapports des
Nations Unies et de l’Union européenne relatifs au secteur de la justice en RDC,
et soulignée spécifiquement en matière de contentieux électoral dans le rapport
final de la Mission d’observation des élections de 2011 de l’Union européenne
qui note le double rôle joué par la Cour suprême de justice comme juge unique du
contentieux électoral et comme institution de confirmation des résultats du
scrutin,
considérant, que, dans sa résolution du 13 juin 2012 sur le suivi des
élections en RDC, le Parlement européen a estimé "qu’un système judiciaire (…)
indépendant est essentiel à la formation et à la régulation du processus
démocratique afin de renforcer l’Etat de droit, instaurer des institutions
démocratiques, notamment un parlement fonctionnel représentatif du pluralisme
politique (…)" et a souligné "qu’il importe de mettre en place une cour
constitutionnelle garantissant davantage de transparence dans le processus
électoral, en particulier pour ce qui est de la résolution des litiges
électoraux",
rappelant que la procédure en matière de contentieux électoral a été
modifiée en 2011 par les nouveaux articles 73 à 76 de la loi électorale; que,
dans l’ancienne procédure, le système était contradictoire, oral et transparent
mais a été transformé en un système inquisitoire, écrit et opaque, où un
magistrat mène l’instruction ex officio et collecte tous les éléments
nécessaires pour régler le contentieux afin de réduire la longueur de la
procédure; que dans le contentieux électoral de 2011, il appartenait au juge
d’instruire les dossiers pour statuer sur la sincérité des résultats électoraux
en menant toutes les enquêtes requises pour réunir tous les éléments nécessaires
susceptibles de motiver son arrêt (art. 74 quater de la loi électorale); que le
rapport final de la Mission d’observation des élections de 2011 de l’Union
européenne a rappelé que dans une situation comme celle de la RDC, où certains
acteurs politiques n’avaient pas confiance en l’indépendance du pouvoir
judiciaire et lui reprochaient déjà son manque de transparence, cette nouvelle
procédure a fait l’objet de vives critiques, ce d’autant plus que le rapport
final a conclu que, dans le contentieux des élections présidentielles de 2012
(la mission de l’UE n’ayant pas observé le contentieux électoral législatif), la
Cour suprême n’a pas mené toutes les enquêtes utiles à la vérification de la
sincérité et de la régularité des résultats provisoires comme le prévoyait la
nouvelle procédure,
rappelant que la République démocratique du Congo est partie au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, dont les articles 25 et
26 établissent respectivement le droit de voter et d'être élu au cours
d'élections assurant l’expression libre de la volonté des électeurs et le droit
à l’égalité devant la loi,
- constate avec une profonde préoccupation que les arrêts de la
Cour suprême de justice du 25 avril 2012 ayant proclamé l’invalidation de 32
députés sont entachés de graves irrégularités procédurales et de violations des
droits de la défense; que les recours en rectification d’erreurs matérielles
introduits par 30 des députés invalidés n’ont pas permis que les dossiers
fassent l’objet d’un nouvel examen au fond; et qu’il n’existe donc en pratique
aucune voie de recours possible en droit congolais à l’encontre des arrêts
rendus par la Cour suprême de justice en matière de contentieux électoral, ce
qui équivaut à un déni de justice;
- rappelle fermement que l’invalidation arbitraire de résultats
d’élections, en faussant la vérité des urnes, viole non seulement le droit des
intéressés d’exercer le mandat parlementaire qu’ils tiennent du peuple, mais
aussi le droit des électeurs de choisir leurs représentants; regrette
profondément que, malgré les résolutions adoptées par le Conseil directeur
dansle cas des 18 députés invalidés en 2007 par la Cour suprême dans des
circonstances similaires, une telle situation puisse se répéter;
- prie instamment les autorités compétentes de prendre toutes les
mesures nécessaires pour remédier à cette situation qui, après l’invalidation
arbitraire de députés de l’opposition en 2007, prive à nouveau arbitrairement de
mandat parlementaire des membres de l’opposition politique mais également de
nombreux membres de la majorité présidentielle, dont plusieurs auraient exprimé
des opinions discordantes de celles du Président de la République;
souligne que cette situation est extrêmement préjudiciable à la
démocratie, à l’état de droit et au respect des droits de l’homme;
- invite notammentles autorités à faire appel à des experts en matière
de procédure de contentieux électoral de manière à saisir l’opportunité de la
réforme de la loi électorale en cours pour garantir la transparence et l’équité
de cette procédure, mettre en place un double degré de juridiction ou une réelle
voie de recours en cas de graves irrégularités, et préciser les règles en
matière d’administration des preuves dans le cadre du contentieux électoral;
- est profondément troublé que, six ans après l’adoption de la
Constitution de 2006 qui prévoyait la suppression de la Cour suprême de justice
dont le manque d’indépendance était notoire et dénoncé de longue date, la Cour
suprême de justice continue à exercer à titre "ransitoire" sur la base de
l’article 223 de la Constitution les attributions dévolues aux trois nouvelles
hautes juridictions indépendantes qui auraient dû la remplacer, dont une Cour
constitutionnelle compétente en matière de contentieux électoral; souhaite
savoir pourquoi la loi organique portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle a été adoptée par les deux chambres du Parlement et
renvoyée au Président de la République à deux reprises pour promulgation mais
n’est toujours pas promulguée, ni publiée au journal officiel et tient
particulièrement à être informée de la date prévue pour l’installation
effective de cette juridiction;
- prie le Secrétaire général de communiquer la présente résolution au
Président de l’Assemblée nationale et à toutes les autorités compétentes, y
compris au chef de l’Etat;
- prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire
rapport en temps utile.
http://www.ipu.org/hr-f/191/drc49.htm