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SACREBOPOL

mercredi 15 février 2012

Vers la "lutte finale" entre le pouvoir kabiliste et l’Eglise catholique




Le "général" Charles Bisengimana de la "police nationale". Photo GLM


Le gouverneur de la ville de Kinshasa, le PPRD André Kimbuta Yango, a décidé mercredi 15 février l’interdiction de la Marche des chrétiens. Initiée par le CALCC (Conseil de l’apostolat des laïcs catholiques du Congo), cette manifestation prévue ce jeudi 16 février marque la commémoration du 20ème anniversaire de la «Marche des chrétiens» du 16 février 1992. Marche qui avait pour but d’obtenir la réouverture de la Conférence nationale souveraine et la poursuite du processus démocratique. La décision prise par Kimbuta ne pourrait qu’exacerber un climat socio-politique plus que chahuté. Une chose paraît sûre : le pouvoir kabiliste - habitué à régler tous les différends par la force brutale - aura désormais en face de lui un vrai contre-pouvoir : l’Eglise catholique.
Analyse

«La liberté de manifestation est garantie», «Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente». C’est en tout cas ce que stipulent le premier et le deuxième alinéa de l’article 26 de la Constitution congolaise.

Le gouverneur André Kimbuta a donc interdit la marche du 16 février. Un ukase aux conséquences imprévisibles. Selon lui, l’organisateur, en l’occurrence le «CALCC», «n’a pas respecté la procédure légale». Au motif que l’écrit destiné à «informer» les autorités provinciales est arrivé «en retard». Quel est le délai légal en la matière? Silence radio. En réalité, le retard invoqué par ce kabiliste pur et dur n’est qu’un subterfuge. Il s’agit d’empêcher des citoyens d’exercer un droit qui leur est reconnu par la Loi fondamentale en vigueur. Le droit de manifester ses opinions. Le gouverneur dont les mensonges sont cousus de fil gris n’a pas tarder d’égrener d’autres «problèmes». A savoir : le CALCC est une association «non répertoriée» par ses services ; l’organisateur n’a pas indiqué son adresse ni les coordonnées d’un «contact». Ce n’est pas tout. A en croire Kimbuta, l’"objet sollicité" est inacceptable «parce que la loi qui organise des manifestations donnent certains préalables. Et ceux-ci ne sont pas respectés par les organisateurs». Quel est cet objet? Quelles sont les dispositions légales qui n’ont pas été respectées? Motus.

«La Démission des membres du Bureau de la Ceni»

L’attitude affichée par Kimbuta est assez «compréhensible». La marche prévue ce jeudi 16 février 2012 a valeur de symbole. Elle intervient au moment où l’on assiste à un «duel» aux allures de "lutte finale" entre l’Etat-kabiliste et l’Eglise catholique. Le clergé a contesté la crédibilité des résultats de l’élection présidentielle du 28 novembre dernier. Le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya a été formel en déclarant, mi-décembre, que les résultats provisoires de ce scrutin - publiés le 9 décembre par la Ceni et confirmés le 16 du même mois par la Cour suprême de justice - n’étaient nullement conformes à la justice et à la vérité. Une prise de position qui a été relayée par l’ensemble du clergé.

Ouvrons la parenthèse pour relever que nombreux sont les juristes congolais qui reprochent à la Cour suprême de justice de n’avoir pas joué son rôle de "juge électoral" en se contentant de servir de "caisse de résonance" de la Ceni. Un constitutionnaliste d’expliquer : "Lorsque le bureau de vote se transforme en bureau de dépouillement, les procès-verbaux sont établis en cinq exemplaires. Un exemplaire est envoyé à la Cour suprême de justice". Selon ce juriste, cette haute juridiction ne pouvait en aucun cas confirmer les "résultats provisoires" annoncés par la Ceni sans avoir eu à examiner les 63.000 enveloppes scellées contenant les PV pour comparer les résultats de la Ceni et ceux contenus dans les PV signés. "La Cour suprême devait exiger la production des P.V", ajoute un autre juriste. Fermons la parenthèse.

Dans une déclaration lue le 12 janvier lors d’une messe à la cathédrale Notre-Dame du Congo, la Conférence épiscopale des évêques du Congo (Cenco) invitait la Ceni à «corriger les graves erreurs» constatées par des observateurs tant nationaux qu’internationaux lors de la présidentielle et des législatives ou à «démissionner». Le vote du 28 novembre a été émaillé par la fraude et le bourrage des urnes. « Nous ne nous lasserons pas de dénoncer tout ce qui met en péril l’édification d’un Etat démocratique. L’on ne construit pas un état de droit dans une culture de tricherie, de mensonge et de terreur», prévenaient les évêques.
La manifestation de ce jeudi a justement pour mot d’ordre «La démission des membres du Bureau de la Ceni».

Dans un document intitulé «Appel à tous les Congolais, Marche pacifique du 16 février 2012», publié le 8 février, le staff dirigeant du CALCC au nombre duquel Thierry Nlandu, le coordonnateur, explique le sens de la Marche du 16 février :
«La marche des chrétiens du 16 février 1992 ne s’est pas arrêtée. Elle se poursuit dans le respect de la mémoire de nos martyrs et dans la non-violence évangélique, jusqu’à l’avènement de l’Etat de droit dans notre pays (…)».

Pour les animateurs du CALCC, vingt ans après «le massacre des chrétiens», il s’agit de rester "fidèles à l’idéal" pour lequel ces concitoyens «ont sacrifié leurs vies». Le CALCC d’ajouter une phrase lourde de sens : «Cette démocratie pour laquelle de nombreux fils et filles de notre pays ont versé leur sang risque de rester lettre morte si nous laissons passer les graves irrégularités qui remettent en question la crédibilité des élections du 28 novembre 2011 ». « Les résultats des élections présidentielle et législatives publiés par la Ceni et le verdict de la Cour suprême de justice n’ayant pas été conforme ni à la vérité ni à la justice, nous appelons tout le peuple congolais à descendre dans la rue ce jeudi 16 février à partir de 8 heures pour exprimer « notre rejet » (…) et exiger la démission du Bureau de la Ceni».

Intimidations

Question : les organisateurs de la marche vont-ils courber l’échine devant la mesure pour le moins arbitraire voire inconstitutionnelle prise par le PPRD André Kimbuta ? Ou vont-ils accepter de croiser le fer avec un pouvoir illégitime auquel la grande majorité des Congolais précarisés ne se reconnaît pas?

Selon des sources diplomatiques, les responsables de la Monusco seraient disposés à assister la police nationale pour assurer un meilleur encadrement de cette "démonstration". Les initiateurs ont d’ailleurs proscrit la présence de tout emblème des partis politiques ou slogans provocateurs. Dans un communiqué daté mardi 14 février, l’Asadho a exhorté les autorités congolaises à «garantir la tenue de cette marche dans le respect de la constitution» tout en invitant «les organisateurs à la tolérance et au respect des valeurs républicaines et démocratiques». L’Ashado sera-telle entendue ? On peut en douter de la part d’un pouvoir qui a une phobie de la démocratie. Un pouvoir allergique au débat. Un pouvoir qui emprisonne les droits et libertés.

Des observateurs ont reproché au clergé catholique de contester les résultats des élections du 28 novembre sans divulguer les éléments de preuve dont il détiendrait pour confondre le pouvoir. Selon des sources, l’Eglise catholique pourrait publier ce jeudi 16 février le rapport rédigé à l’issue de la mission d’observation accomplie par les 30.000 observateurs déployés par ses soins lors de ces consultations politiques.

On apprenait dans la matinée de mercredi 15 février que le signal de plusieurs médias a été coupé. C’est le cas notamment de CCTV et de CKTV de Jean-Pierre Bemba et de la Radio Télévision Catholique «Elikya» (RTCE). « Selon les informations en notre possession, cette mesure serait prise dans le but de priver les organisateurs de la manifestation du 16 février 2012 de tout moyen de communication capable de les aider dans la mobilisation des manifestants», commente l’Asadho dans un communiqué.

Au moment de boucler ces lignes, on apprenait que le secrétaire général adjoint de l’UDPS, Raymon Kahungu, a été arrêté par des policiers à la 10ème rue à Limete. L’homme se rendait à la résidence du président de l’UDPS. «Il a été amené vers une destination inconnue», dit un SMS qui a circulé mercredi entre Kinshasa et Bruxelles. Son «titulaire», Jacquemain Shabani Lukoo a été interpellé et torturé le 7 février par des membres de la garde prétorienne de "Joseph Kabila". Contrairement à ce qui a été annoncé, Shabani va très mal.

Le pouvoir kabiliste multiplie des actes d’intimidation à l’égard des représentants de l’opposition. Inutile de rappeler qu’Etienne Tshisekedi wa Mulumba est depuis bientôt deux mois assigné à résidence. L’opposition paraît désemparée. Un
«laïc» joint au téléphone de marteler : «Les Congolais doivent soutenir l’Eglise catholique. L’Eglise constitue désormais l’unique contre-pouvoir, l’unique espoir pour libérer le Congo du régime maffieux incarné par Joseph Kabila…».


Baudouin Amba Wetshi 
© Congoindépendant 2003-2012

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