Francis Kalombo, député élu de la ville-province, membre de la mouvance présidentielle de Joseph Kabila, a quitté son pays en janvier dernier – après une semaine de manifestations et une coupure d’Internet décidée par le pouvoir pour limiter la
mobilisation de la rue contre un projet de modification d’une loi qui aurait permis de reporter la présidentielle de 2016.
Il s’est réfugié au siège de la Monusco, estimant sa sécurité menacée, avant de partir pour l’Ouganda puis la France.
Francis Kalombo, député à Kinshasa en exil en France (DR)
La raison ? Il s’est publiquement opposé aux manœuvres du président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, pour faire un troisième mandat en 2016. La Constitution de la RDC limite en effet à deux le nombre de mandats présidentiels successifs.
Cet ancien proche de Joseph Kabila, ex-responsable des jeunesses du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), au pouvoir, est surnommé « Solution » par les enfants de la rue à Kinshasa.
Il joue un rôle pivot, étant aussi l’ami de
Moïse Katumbi, 50 ans, l’un des plus sérieux challengers en RDC pour la présidentielle de 2016. Patron du Tout-Puissant Mazembe, une équipe de football qui gagne, Moïse Katumbi a démissionné le 30 septembre du PPRD et de son poste de gouverneur du Katanga. Cet ancien homme d’affaires se prépare à faire campagne, dans un contexte politique qui promet de devenir de plus en plus tendu en RDC.
Que pensez-vous de la démission de Moïse Katumbi du PPRD et de son poste de gouverneur ?
Francis Kalombo : C’est une très bonne chose. Voilà un moment que la majorité patauge. Le temps est venu de faire le choix entre la force de la loi et la loi de la force. C’est du jamais vu en RDC que des ministres puissent quitter leurs fonctions, de même qu’un conseiller spécial en matière de sécurité, le rapporteur du Sénat et des membres de l’Assemblée nationale, en plus d’un gouverneur.
Où allons-nous avec le régime ? Il n’y a pas de débat sur l’avenir, ni de vision sur ce qui peut arriver… Entretemps, des actes sont posés qui montrent que nous allons à l’encontre des accords de paix posés à Sun City et de ce que souhaite la population.
Un Congolais, Laurent-Désiré Kabila, est allé à pied jusqu’à Kinshasa, chaussé de bottes en caoutchouc, pour chasser en 1997 une dictature qui a duré près de 32 ans. Les Congolais l’ont aidé au cours de sa marche. Nous avons dit non à la dictature.
Tout se passe comme si nous devions revenir en arrière. Les mêmes personnes qui ont chanté le maréchal Mobutu, comme les ministres Tryphon Kin-Kiey Mulumba et Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, entonnent les mêmes refrains : « Kabila, sans toi le Congo ne peut pas avancer », « On a encore besoin de vous président ».
Le fait que la RDC soit entouré de pays où les présidents ont imposé comme au Burundi un troisième mandat en usant de la violence, ou cherchent à se maintenir comme en Ouganda, au Rwanda et au Congo-Brazzaville, va-t-il entraver votre opposition à Joseph Kabila ?
C’est un combat. Ceux qui veulent imposer la dictature sont une minorité. Le peuple dispose de l’arme la plus forte : sa volonté d’avoir la démocratie. Cette population est capable de se prendre en charge, et elle l’a déjà montré.
Laurent-Désiré Kabila avait le peuple derrière lui quand il a chassé Mobutu du pouvoir. Ce peuple n’acceptera pas qu’on lui impose une autre dictature. Les manifestations de janvier l’ont bien montré à Kinshasa. Une grève d’une semaine s’est produite, qui a contraint le pouvoir à faire marche arrière sur son projet de révision de la loi électorale.
La démission de Moïse Katumbi signale-t-elle un renouvellement de la classe politique ?
Laurent-Désiré Kabila a préconisé la « révolution pardon », et voulu un pouvoir inclusif, qui a même incité des cadres de la diaspora à rentrer au pays. Joseph Kabila ne pouvait que travailler avec l’ancienne classe politique, dont certains dirigeants avaient pris les armes, comme Jean-Pierre Bemba.
Le Congo a connu la guerre. Nous avons engagé un dialogue inter-congolais et négocié la paix, en avril 2002 à Sun City. C’est avec Moïse Katumbi qu’il y aura un vrai renouvellement de la classe politique, avec des hommes et des femmes qui vont travailler, et non s’imposer par les armes puis la négociation.
Une nouvelle guerre est-elle à craindre en RDC ?
Je suis désolé d’avoir entendu le mot « guerre » sortir récemment de la bouche du président Kabila. Il a dit qu’il fallait « être prêt pour la guerre ». A qui veut-il la faire ? A sa population ? C’est très dangereux ! Il est arrivé au pouvoir par les armes. Les Congolais n’ont plus besoin de la guerre, mais de la paix, pour mettre en place les structures qui vont leur permettre de s’en sortir.
Pourquoi vous et Moïse Katumbi êtes soupçonnés d’avoir passé un arrangement avec Joseph Kabila pour l’aider à se maintenir au pouvoir ?
Je suis la première personne à avoir monté des banderoles pour appeler à soutenir Joseph Kabila à son arrivée au pouvoir. Je l’ai accompagné partout dans le monde et je suis l’un des membres fondateurs de son parti politique.
J’ai toujours dit que je ne travaillais pas pour l’individu Joseph Kabila, mais pour le Congo. Je suis du PPRD, de la majorité. Cette majorité prend une ligne de conduite que je ne cautionne pas. Je suis avec Kabila, mais contre les idées qu’on avance.
Moïse Katumbi et moi avons toujours été avec Joseph Kabila. Nous l’avons accompagné pendant tout son mandat. Aujourd’hui, les motivations de Moïse Katumbi sont connues. Il a parlé du « troisième penalty » en s’opposant clairement au projet de troisième mandat de Joseph Kabila, puisque notre Constitution limite à deux le nombre de mandats successifs.
Moïse Katumbi a montré de quoi il est capable. Il a développé la région du Katanga, malgré tous les bâtons que le pouvoir central lui a mis dans les roues – lui retirant notamment la gestion d’une route à péage ou lui interdisant d’ériger une zone industrielle à Lubumbashi.
Nous ne sommes pas de connivence avec Joseph Kabila. Nous sommes du côté du peuple, et nous connaissons bien la maison ! S’ils veulent instaurer une nouvelle dictature en Afrique centrale, nous disons non… Ils le feront sans nous !