Avant d’être enlevé, il dénonçait des exactions
de soldats de Kabila
"Nous avons pu mettre la main sur un document sonore exclusif provenant du Congo. Il s’agit de la dernière conversation téléphonique de Christopher Ngoy, un défenseur des droits de l’homme. C’était le 21 janvier dernier. Aux tous premiers jours des manifestations à Kinshasa contre la modification de la loi électorale, qui aurait pu permettre à Joseph Kabila de se maintenir artificiellement au pouvoir."
Christopher Ngoy était enlevé quelques minutes après avoir passé ce coup de fil. Depuis, il ne donne plus de nouvelles.
Au moment de la conversation, il se trouve à l’intérieur de l’hôpital Mama Yemo à Kinshasa. Il témoigne d’exactions très embarrassantes pour le pouvoir en place: « Nous étions en cours de route. On nous appelle pour dire qu’ici, à Mama Yemo, cela tire de partout. Ils sont en train de tirer à bout portant sur tous ceux qui bougent. Tout le monde est couché par terre, à Mama Yemo, à l’intérieur de l’hôpital. Deux femmes enceintes qui étaient venus pour visiter une autre maman, ont été tellement choquées qu’elles en ont perdu les eaux. Elles sont prises en charge maintenant pour provoquer l’avortement ».
Christopher Ngoy explique que les hommes qui tirent sont des membres de la garde présidentielle : « C’était douze personnes de la garde présidentielle en tenue civile. Ils sont à l’intérieur de Mama Yemo. C’est eux qui s’occupent des blessés que nous avons déposé là-bas. Soit ils les achèvent soit ils les menacent. Ils sont là, ils font pression sur le personnel médical, on les a vu. Lorsqu’il y a eu l’altercation avec eux, ils ont appelé les renforts. C’est une jeep qui est venue avec des éléments, cette fois-ci, en uniforme. Dès leur descente, ils ont commencé à tirer. Ils sont entrés à l’intérieur de l’hôpital en tirant, tout le monde était paniqué par terre. Dans les hôpitaux publics, nous pouvons dire que Mr Kabila a réussi à placer les gens de sa garde présidentielle. Ils sont partout là-bas et ils ont achevé même certains blessés. Ils sont en train d’intimider le personnel médical pour que ceux qui sont là ne reçoivent pas de traitement. C’est vraiment incroyable ! Ce sont des crimes de guerre. A la morgue là-bas, il y a 39 corps depuis le début des manifestations ».
Peu après cette interview, Christopher Ngoy sera enlevé en plein centre de Kinshasa. Ses proches craignent qu’il subisse le même sort que Floribert Chebeya. Le directeur de l’ONG « La Voix des Sans-Voix » et son chauffeur avaient été retrouvés assassinés en juin 2010. Ils sortaient d’un rendez-vous avec le patron de la police nationale de l’époque.
LA DERNIÈRE CONVERSATION TÉLÉPHONIQUE DE CHRISTOPHER NGOY
RTBF
Voici ci-dessous la transcription intégrale de la dernière interview de Christopher Ngoy:
« Brusquement surgit un groupe de 12 éléments, en civil eux aussi. Ils sont venus, ils ont libéré la dame et l’ont emmenées de l’autre côté et ils ont commencé à l’insulter, à nous insulter. Nous avons dit ‘Bon, on ne s’occupe pas d’eux’ et on a décidé de partir parce qu’on avait fini ce qu’on devait faire là-bas. C’est ainsi que moi j’évoluais derrière, j’ai entendu qu’ils ont appelé au Motorola, au ??? une Jeep et ont dit ‘venez vite avec les armes, venez vite’ et ‘pour ça, nous sommes en altercation avec les députés ici, venez vite avec les armes’, ‘ils sont ici, courez rapidement’.
Nous, nous avons évolué vers la sortie, ils ont même envoyé un des leurs pour dire au policier qui était à la porte là-bas de ne pas nous laisser sortir, qu’il bloque la porte. Heureusement pour nous, nous sommes arrivés et le policier n’a pas obéit, au contraire, il nous a dit de partir. Il dit ‘ces gens-là, il ne faut pas discuter avec, ce sont des mauvais.’
Dès que nous sommes sortis, nous nous sommes avancés vers les véhicules et je les ai vus en train de menacer le policier qui est à la porte d’entrée, et même le gifler. Nous avons démarré. Dès que nous avons démarré, 5 minutes après, on nous appelle, par ??radio ?, vers l’avenue croix rouge, au quartier de la croix rouge, dans la commune de Kinshasa, où il y avait d’autres blessés. Des gens qui voulaient assister à la manifestation, au meeting de Gimuta qui a voulu organisé sur la place ??? et qui ont été molestés par la population. Nous étions en cours de route et on nous appelle pour dire qu’ici à Mama Yemo, ça tire de partout, les gens sont venus nous chercher et ils tirent à bout portant sur tous ceux qui bougent, tout le monde est couché par terre. A Mama Yemo, à l’intérieur de l’hôpital. Ils ont blessé trois personnes dont le ??? Ils ont blessé Mr Motombo ??. Il a deux balles qui lui ont transpercé l’abdomen et on l’a transféré à ??? pour une opération. Ils ont blessé Mme Lobidi qui est garde-malade, elle était au chevet de Mr Gerard Kouasi ?, celui qui a une bande à la jambe au niveau du mollet droit.
Ils ont tirés sur les gens qui gardaient les malades et sur les autres qui étaient là et ne gardaient pas les malades, mais il y a quand même Mme Lobidi qui était garde-malade de Mr Gerard Kouasi, celui qui a la balle dans le mollet droit et a subi une opération. Il a attrapé aussi une balle. Il y a monsieur Kongo et puis il y a deux dames qui étaient enceintes et étaient venues pour une autre mère dont l’émotion a entraîné l’éclatement des poches d’eau et elles ont commencé à couler, l’eau a commencé à couler et elles sont prises en charge maintenant pour provoquer l’avortement. Donc c’est sûr sous émotion ?? Et un docteur dont la balle a frôlé la jambe gauche et a troué même ses habits, et même malheureusement il a juste une égratignure. Ça c’est à l’intérieur de Mama Yemo.
Donc si nous avions commis un retard d’au moins 5 minutes on ne serait pas en vie au moment où je vous parle.
C’était 12 personnes (de la garde présidentielle) en tenues civiles, qui n’étaient pas armés. Ils sont à l’intérieur de Mama Yemo. C’est eux qui s’occupent des blessés que nous déposons là-bas. Soit ils les achèvent, soit ils les menacent. Ils sont là, ils font pression sur le personnel médical et on les a vus. Lorsqu’il y a eu altercation avec eux, ils ont appelés les renforts. C’est une Jeep qui est venue, avec des éléments, cette fois-ci en uniforme. Dès leur descente, ils ont commencé à tirer, ils sont entrés à l’intérieur de l’hôpital en tirant, en nous cherchant. Heureusement nous n’étions plus là. On leur a dit qu’on n’était pas là mais c’était trop tard, ils étaient déjà en train de tirer. Tout le monde était paniqué par terre.
DANS LES HÔPITAUX PUBLICS, NOUS POUVONS DIRE QUE MR KABILA A RÉUSSI À PLACER LES GENS DE SA GARDE PRÉSIDENTIELLE PARTOUT LÀ-BAS. ON NE PEUT PAS NOUS LE DIRE MAIS ILS SONT PARTOUT LÀ-BAS ET SONT EN TRAIN D’ACHEVER MÊME CERTAINS BLESSÉS. ILS SONT EN TRAIN D’INTIMIDER LE PERSONNEL MÉDICAL POUR QUE CEUX QUI SONT LÀ NE REÇOIVENT PAS LE TRAITEMENT.
Voilà ce qu’on nous a rapporté. C’est vraiment incroyable. C’est des crimes de guerre.
J’ai appelé sur place à Mama Yemo le personnel médical et celui que nous avons contacté nous a dit qu’à la morgue là-bas il y a 39 corps depuis le début des manifestations, il y a déjà 39 morts, sur place à Mama Yemo. C’est les événements d’aujourd’hui. On a atteint 39 morts, à Mama Yemo, sans compter les morts qu’il y a par-ci, par-là. »
LA DERNIÈRE CONVERSATION TÉLÉPHONIQUE DE CHRISTOPHER NGOY (L’INTÉGRALE)
http://www.rtbf.be/info/monde/detail_avant-d-etre-enleve-il-denoncait-des-exactions-de-soldats-de-kabila?id=8877941
http://democratiechretienne.org/2015/02/01/avant-detre-enleve-il-denoncait-des-exactions-de-soldats-de-kabilartbf/