168 circonscriptions sur 169 concernées … 340 candidats élus contestés sur 500
Par Le Potentiel
La Cour suprême de justice ayant enregistré tous les recours liés aux résultats provisoires des législatives du 28 novembre 2011, les premières audiences devraient démarrer dans les tout prochains jours. Lundi probablement. Aux termes de la Loi électorale, elle dispose d’un délai de «deux mois» pour épuiser tous les contentieux électoraux et publier les résultats définitifs. Mais les procès s’annoncent intéressants.
Des interrogations fusent autour des recours déposés auprès de la Cour suprême de justice. Si la principale porte sur la «confiance» à accorder aux prochains résultats définitifs, d’autres ont trait à la qualité des requérants, aux plaintes de certains candidats contestant l’élection des «camarades» du parti ou d’alliés de plate-forme politique.
Et c’est dans ce fourmillement politique que les juges doivent abstraire la «vérité des urnes», en se fondant sur tous les documents mis à leur disposition.
L’Article 75 de la Loi électorale stipule que «le délai d’examen du contentieux de l’élection présidentielle est de sept jours à compter de la date de saisine de la Cour constitutionnelle ; celui du contentieux des élections législatives, provinciales, urbaines, communales et locales est de deux mois à compter de la saisine des juridictions compétentes».
En outre, «si les recours sont déclarés irrecevables ou non fondés, la Cour constitutionnelle, la Cour administrative d’appel ou le Tribunal administratif, selon le cas, proclame les résultats définitifs des élections. Si la juridiction saisie admet un recours pour erreur matérielle, elle rectifie le résultat erroné. Elle communique la décision à la Commission électorale nationale indépendante. Dans tous les autres cas, elle peut annuler le vote en tout ou en partie lorsque les irrégularités retenues ont pu avoir une influence déterminante sur le résultat du scrutin. S’il n’y a pas appel, un nouveau scrutin est organisé dans les soixante jours de la notification», doit-on retenir.
Compte tenu des accusations de «fraudes», de «tricheries», de «manipulations» et de «falsifications» qui ont fusé de toutes les forces politiques et sociales durant et après les législatives, la classe politique dans son ensemble craint des «annulations de vote en tout ou en partie».
En y ajoutant les circonscriptions pour lesquelles le bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a réclamé l’annulation des scrutins ainsi que les poursuites judiciaires qu’elle a décidées d’initier à charge d’une quinzaine de députés «élus provisoirement» pour des actes répréhensibles, un bon nombre de nouveaux députés pourraient être disqualifiés.
Défis à relever
Hier jeudi 9 février, date limite du dépôt des recours pour la contestation de l’élection de certains candidats aux législatives, l’effervescence de premiers jours s’est estompée. Le personnel du greffe de la Cour suprême de justice chargé d’enregistrer les recours paraissait «désœuvré».
Dehors, le parvis était parsemé. Il n’y avait plus cette file des limousines des candidats «déçus» ou «heureux d’être élus», même s’ils sont «provisoirement élus mais contestés».
Dans la grande salle d’audience Marcel Lihau Eboa, à peine une vingtaine de gens occupaient les fauteuils. Difficile de savoir qui étaient parmi eux, requérants ou candidats dont l’élection est contestée, qui venaient déposer leurs mémoires en défense, tel qu’exigé par la loi. Etait-ce un signe de désintéressement ? Tous les concernés s’étaient déjà acquittés de leur tâche ? L’intérêt de ces questions, c’est le fait que les dépôts des recours se clôturaient à 17h00 pile. Des recours qui pourraient être déposés ce jour, le sont hors délai.
En effet, sur les cinq tables apprêtées pour la circonstance, trois étaient vides, seules les deux premières étaient occupées par des fonctionnaires qui tournaient les pouces. Un greffier taillait même bavette, car n’ayant pratiquement rien à faire en cette dernière journée.
Or, selon des sources proches de la Cour suprême de justice, les audiences publiques sur les contentieux électoraux pour les législatives démarrent bientôt. Lundi probablement. Et les hauts magistrats n’ont que deux mois pour statuer sur tous les cas leur soumis.
Mais, contrairement aux contentieux électoraux de 2006 où seuls les requérants se présentaient ainsi que les consultants de la Commission électorale indépendantes, la Loi électorale invite cette fois le candidat dont l’élection est contestée à déposer aussi son mémoire en défense. Ce qui veut dire que les joutes seront sans merci.
En effet, selon les premières évaluations, et sauf erreur de notre part, les contestations portent sur 168 des 169 circonscriptions électorales. Bien plus, 340 candidats élus, toutes tendances confondues, sur les 500 sont contestés. Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes autour des commentaires suscités sur le processus électoral.
Il est aussi à noter que cette fois, ce soit un candidat malheureux qui conteste l’élection d’un membre de son propre parti ou regroupement politique, soit encore un parti politique qui conteste des candidats présentés par d’autres partis politiques. A titre d’exemple, dans la circonscription de Kalemie, les candidats élus ont été contestés par l’UNADEF et le PPRD alors qu’ils ont été présentés par la liste du PPRD. A la circonscription électorale de la FUNA, les candidats élus sont contestés par les candidats indépendants, le parti politique ACO. Deux exemples pris à la volée.
Il faudrait alors s’attendre à ce que les choses ne soient pas toujours aisées pour toutes les parties en présence. Malheur aux candidats appartenant à des partis politiques, mais qui auront commis l’imprudence d’introduire des recours en solitaire, privilège réservé aux indépendants seuls. Ici, la réponse est connue, c’est à la sentence habituelle qu’il faudra s’attendre : «irrecevable, mais non fondé, pour défaut de qualité».
La même loi pourrait aussi surprendre ceux qui, bien qu’ayant raison, auraient déposé leurs recours hors délai.
Un autre défi est à relever. En effet, le greffier en chef recommande à tous ceux qui sont concernés par ces contentieux d’élire provisoirement domicile à Kinshasa. Ce qui pourrait devenir un casse-tête pour ceux qui habitent dans l’arrière-pays, et qui n’ont pas de famille biologique à Kinshasa.
Gare aux avocats qui se présenteront sans une procuration spéciale émanant de leurs clients. Etant juristes, ils doivent savoir qu’ils seront simplement déboutés.
Aussi, en parcourant les listes affichées à la valve de la Cour suprême de justice, il ressort que dans certaines circonscriptions, un seul candidat est parfois contesté par cinq ou dix requérants.
Comment un tel candidat va-t-il s’en sortir ? Va-t-on aligner contre lui tous ces requérants en un seul jour, ou aura-t-il l’obligation de répondre à cinq ou dix audiences à tour de rôle chaque fois qu’il sera notifié ?
Cela relève de la cuisine interne des hauts magistrats.