Le député national Jean-Claude Vuemba a stigmatisé samedi 13 septembre 2014 à Kinshasa le fait que « les députés nationaux ne sont pas protégés » en République démocratique du Congo (RDC), à la suite de la condamnation à « 12 mois de prison ferme » du député Jean-Bertrand Ewanga pour « offense à un chef de l’Etat ».
Le secrétaire général de l'Union pour la nation congolaise (UNC), troisième force de l'opposition à l’Assemblée nationale, a été condamné dans la nuit du jeudi 11 septembre par la Cour suprême de justice siégeant en qualité de Cour de cassation pour « offense au chef de l'Etat, au président du Sénat, au président de l’Assemblée nationale et au Premier ministre ».
« Les députés nationaux ne sont pas protégés et c’est grave ! Et ne soyez pas surpris que le président de l’Assemblée nationale soit lui-même inquiété », a réagi devant la presse Vuemba, élu de Kasangulu (Bas-Congo) et président du Mouvement du peuple congolais pour la République (MPCR, opposition).
Affirmant que « M. Ewanga a déjà été condamné politiquement et il y a la main mise des politiques à ce procès », il a estimé qu’« il ne pouvait que s’attendre à ça ».
« Ewanga n’a pas voulu que la dictature marche sur lui. Il a tout refusé et a préféré aller purger ses 12 mois à Makala. Il est parti rencontrer l’archi bishop Kutino, Eugène Diomi Ndangala et tant d’autres combattants qui sont là et qui n’ont pas eu la chance d’être amnistiés », a insisté le président du MPCR qui a salué « la bravoure » de Jean-Bertrand Ewanga.
Dans son verdict, la Cour suprême de justice a acquitté Jean-Bertrand Ewanga, qui a été « arrêté et jugé sous régime de flagrance », de l’infraction de « discrimination tribale et raciale ».
« Offense à un chef de l’Etat, incitation à la haine tribale et raciale »
Le 6 août 2014, le procureur général de la République (PGR), Flory Kabange Numbi a expliqué à la presse que « M. Ewanga est poursuivi pour « offense à un chef de l’Etat, incitation à la haine tribale et raciale ».
« Nous poursuivons M. Bertrand Ewanga sur base de l’ordonnance loi n°78/001 du 28 février 1978 relative à la répression des infractions flagrantes pour offense à un chef de l’Etat. Ces faits sont définis et punis par l’article 1er de l’ordonnance loi n°300 du 16 décembre 1963. Nous poursuivons Ewanga aussi pour incitation à la haine tribale et raciale. Cela tel que défini et puni par l’article 1er de l’ordonnance loi n°66/342 du 7 juin 1966 », a-t-il déclaré.
Le PGR a circonscrit le dossier le dossier Ewanga en ces termes :
« Au cours d’un meeting organisé par l’Opposition, le lundi 4 août à la Place Sainte Thérèse à N’Djili, meeting du reste autorisé par l’autorité urbaine, beaucoup d’interventions ont été faites dans un sens ou dans un autre. Prenant la parole à son tour, M. Bertrand Ewanga a versé dans des propos outrageants à l’endroit du chef de l’Etat : « Kabila doit rentrer au Rwanda. Sa place est à la CPI (Ndlr : Cour pénale internationale). Sans m’immiscer dans les considérations politiciennes, ces propos ne pouvaient pas me laisser indifférent».
Déclaration de l’UNC/Belgique
Dns une « déclaration politique » signée le 12 septembre 2014 à Bruxelles par Christian Buhenqwa (1er secrétaire fédéral adjoint) et Michel Moto (2e secrétaire fédéral adjoint et porte-parole), l’UNC/Belgique qualifie de « politique » le procès du député Jean-Bertrand Ewanga.
« Par son arrêt avant-dire droit, la Cour a sursis à statuer face à l’exception d’inconstitutionnalité de l’Ordonnance-Loi n° 78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions flagrantes. Il sied de signaler qu’avant que la Cour n’en arrive là, elle avait dû, par un autre arrêt avant-dire droit, répondre elle-même à l’exception d’irrégularité de sa composition par rapport à la Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire », rappelle-t-elle.
Elle soutient que « cette disposition légale n’a pas été respectée dans la composition qui a jugé l’honorable Ewanga en ce que, d’abord, le Premier Président de la Cour suprême de justice, qui avait convoqué et composé les chambres réunies, ne les avait pas présidées pendant qu’il était présent dans son bureau et donc non empêché ; ensuite, un seul Président au lieu de tous les présidents comme dit la loi avait siégé ».
« Ces deux raisons suffisent pour attester de l’irrégularité de la composition. Mais curieusement, la Cour a balayé d’un revers de la main cette exception fondée. La Cour de cassation dans sa composition qui juge l’Honorable Ewanga n’a pas d’assises légales et est donc irrégulière. Et c’est dans ces conditions qu’elle procède », fait-elle remarquer.
Et de préciser : « Appelé à l’audience du 08 septembre 2014, l’Honorable Ewanga, par ses Conseils, a présenté les moyens imparables d’inconstitutionnalité de l’Ordonnance-Loi attaquée. Il a indiqué, preuve à l’appui (exhibition de tous les Moniteurs congolais de 1963 et 1964) que :
- l’Ordonnance 227 du 29 septembre 1963 du Président Joseph KASA-VUBU n’a jamais été publiée ; donc inopposable à EWANGA ;
- Il n’y a jamais eu une loi autorisant le Président KASA-VUBU à prendre son Ordonnance-Loi n° 300 du 16 décembre 1963. Car, aucune trace d’elle n’existe dans le Moniteur congolais ;
- Il n’y a jamais eu comme le voulait la Constitution de l’époque une loi d’approbation de cette Ordonnance-Loi dans les 6 mois qui ont suivi sa mise en vigueur. Elle était donc devenue caduque à la date du 17 juin 1964 ».
L’UNC/Belgique fait remarquer que « cette Cour composée des Hauts magistrats n’est pas celle à laquelle on doit apprendre qu’en droit procédural congolais, les exceptions d’ordre public, telle l’exception d’inconstitutionnalité, sont soulevées ad nutum, c’est-à-dire, à tout moment de l’instance, dès lors que le jugement sur le fond de l’affaire n’est pas rendu ».