Plusieurs interlocuteurs, depuis le centre de Goma, signalent la proximité de tirs dans la ville de l'est du Congo. Après une matinée d'accalmie, il semble que des combats se soient rapprochés du centre-ville. Une source fait même état de tirs de l'armée congolaise en direction du Rwanda voisin (la frontière se trouve à la sortie est de la ville). Le matin, des chars congolais avaient été rassemblés dans Goma, sans doute avec des renforts venus du Sud-Kivu, si ce qu'affirment certaines sources locales bien informées est vrai.
Mais la nuit précédente, un avocat influent de la ville qui rentrait chez lui était tombé nez à nez avec des groupes de soldats qui n'appartenaient de toute évidence pas à l'armée régulière. En clair, un détachement de rebelles qui s'infiltraient dans la ville, ou l'une des unités d'ex-rebelles qui ont été intégrées dans l'armée, n'a pas rejoint la rébellion, mais est resté pour cette raison cantonné dans Goma, fortement suspecté d'attendre une occasion comme celle-ci pour "révéler" ses intentions et unir ses forces à celles du M23.
L'étendue de ces infiltrations est impossible à estimer, mais les premiers tirs montrent que la bataille de Goma pourrait finalement avoir lieu.
Déjouant tous les pronostics, balayant l'armée congolaise, indifférents aux tirs des hélicoptères de l'ONU, les forces rebelles du M23 sont arrivées aux portes de Goma, à moins de 3 kilomètres de l'aéroport. Dans la journée de dimanche, les nouvelles se sont succédé au fil de l'avancée des troupes de la rébellion née d'une mutinerie en avril, et qui avait gelé ses positions dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis le mois d'août.
Dans les dernières semaines, des tensions avaient été notées, mais les tacticiens du M23 avaient subtilement donné l'impression que leur mouvement, qui tient des positions dans la région de Rutshuru, allaient essayer de s'étendre vers le Masisi voisin.
En réalité, une opération pour enfoncer toutes les lignes vers Goma a été déclenchée jeudi, et en trois jours, sans doute avec de lourdes pertes dans les deux camps, les hommes du colonel Sultani Makenga sont dans les faubourgs de la ville.
Et l'armée congolaise ? Les unités entraînées au cours de l'année précédente par des pays étrangers (de la Belgique à la Chine en passant par les Etats-Unis) ont été déployées en brousse, sur les "lignes de fronts" restées à peu près inertes pendant des mois. Or, les détournements de soldes, les difficultés logistiques de toutes sortes ont eu raison d'une partie de leur combativité.
Tandis que les éléments de l'armée régulière reculaient, les hélicoptères ukrainiens des Nations Unies sont venues en appui tirer des roquettes sur les colonnes rebelles, en pure perte.
Dimanche, les rebelles sont arrivés tout prés de l'aéroport. Selon des habitants joints au téléphone dans différents quartiers, une partie des soldats de l'armée régulière, les FARDC (Forces armées de la RDC), étaient alors en
"débandade" et
"sont en train d'enlever leurs uniformes pour se changer en civils".
Au dessus de Goma, par exemple, un camp avec des casques bleus sud-africains équipés de véhicules blindés devait constituer un verrou. Cela n'a pas été le cas. C'est même là, pratiquement devant son portail, que les rebelles ont installé un centre de commandement. La Monusco (Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC) en revanche est présente dans les rues de la ville, notamment à la sortie nord, en direction de l'aéroport, où sont déployés des casques bleus qu'on voit ici.
A la sortie de Goma, des casques bleus sur la route de l'aéroport
La personne - qui souhaite rester anonyme- qui nous fait parvenir cette photo signale que depuis cette sortie de la ville,
"on entend des coups de feu dans les hauteurs immédiates de la ville". Aucun pillage n'a été signalé jusqu'à présent, mais l'état d'esprit des militaires congolais pourrait changer au fil des heures. Les déplacés du camp de Kanyarucinya (environ 80 000 personnes) et les militaires en déroute continuent d'affluer vers Goma, et une foule s'est constituée à la "barrière", le poste frontière avec le Rwanda, pour essayer de s'y réfugier.
soldats de l'armée régulière quittant le front/DR
Mais un nouveau développement pourrait donner une nouvelle tournure à la situation. Selon une source politique de haut niveau à Goma,
"des négociations sont en cours", avec l'aide des Nations unies pour
"essayer de faire stopper les combats" et éviter d'autres violences. A plusieurs reprises, des responsables du M23 ont affirmé que leur mouvement ne souhaitait pas entrer dans Goma. Les principales autorités de la ville ont quitté la capitale du Nord Kivu et pris la direction essentiellement de Bukavu, la capitale du Sud Kivu, à l'autre bout du lac Kivu, qu'il n'est pratiquement possible de rejoindre qu'en bateau. Si elle est suivie d'effets, l'offre du M23 d'entrer dans des négociations avancées se ferait en position de force après cette percée militaire qui a non seulement montré la faiblesse de l'armée congolaise, mais aussi l'incapacité de la Monusco - dont le mandat n'envisage l'usage de la force que dans la cadre de la protection des civils - à assurer la défense d'une ville à forte portée symbolique si les FARDC n'assurent pas leur part de la tâche.
Le silence des autorités congolaises, pendant ces journées d'effondrement militaire, laisse aussi imaginer la gêne ressentie à Kinshasa face à cette humiliation.