"Après s’être appuyé sur les naïfs européens en 2006 et 2011, sur recommandation de Poutine, Kabila se tourne vers l’Egypte pour se maintenir en 2016"
L’Union Européenne, la faiseur du roi Kabila en RDC et son bras armé en 2006 et 2011
Il n’est un secret de Polichinelle que si Joseph Kabila s’est maintenu au pouvoir en 2006 puis en 2011, c’est parce qu’il a bénéficié d’un soutien inconditionnel de l’Union européenne au sein de laquelle la Belgique et la France ont joué un rôle de premier plan.
L’Union européenne espérait par ce soutien être rétribuée à la hauteur de son investissement militariste en RDC en voulant avoir le monopole de l’exploitation exclusive de l’eldorado congolais. Que nenni ! L’Homme de Kingakati-Buene a plutôt préféré servir grassement la Chine et d’autres prédateurs venus de partout. Or derrière les Européens se cachent naturellement leurs grands-frères anglo-saxons et canadiens. Depuis, les Etats-Unis ont levé la voix pour barrer la route à Kabila en 2016. Faiblards et désorientés car ne parlant pas d’une même voie, l’UE essaie d’emboîter timidement le pas aux américains mais sans fermeté.
La mission du Conseil de l’Union européenne de soutien à la réforme de la Police nationale congolaise (EUPOL-RDC) a été lancée le 12 avril 2005[1]. Celle-ci est la première opération civile conduite en Afrique dans le cadre de la Politique Européenne de Sécurité et de défense (PESD) de l’UE. Le but initial de la mission EUPOL-RDC était de soutenir l’Unité de la Police Intégrée (UPI), mise en place avec le soutien de l’Union européenne (UE) et la Police Nationale Congolaise (PNC) à Kinshasa. Selon le journaliste d’investigation camerounais, Charles Onana, progressivement, l’EUPOL devient par la suite la pièce maîtresse de service d’ordre et de sécurité durant la transition et surtout pour la sécurisation des élections de 2006[2]. Deux rapports internes du Conseil de ‘Union Européenne datés respectivement du 28 novembre 2004 et du 1er décembre 2004 définissent les missions de l’EUPOL à Kinshasa, parmi lesquelles : la prévention de l’instabilité à Kinshasa avant, pendant et après les élections ainsi que la coordination de toute action de sécurité avec la MONUC. EUPOL doit aussi superviser et contrôler l’action de l’UPI. EUPOL veille surtout, avec les autres acteurs du processus de sécurisation des élections de la capitale, à coordonner l’action de l’UPI avec les autres unités de maintien de la paix[3].
Dans ce cadre, écrit Onana « EUPOL décide d’étendre son action au conseil et à l’encadrement des autres composantes en charge du maintien de l’ordre dans la capitale et se dote d’un pouvoir régalien élargi de monopole légitime de la violence. Constituée d’une délégation permanente d’environ 30 personnes, cette institution devient de fait le pivot du pouvoir policier à Kinshasa[4] et la police politique au service de la Commission Européenne. Selon le journaliste d’investigation Charles Onana, son chef de mission, le portugais Adilio Ruivo Custodio rend régulièrement compte de la situation sécuritaire de la capitale congolaise à Bruxelles. Rien de ce qui se passe à Kinshasa n’est ignoré au siège de la Commission Européenne qui aurait en 2006 jeté son dévolu sur le candidat Kabila qui devrait être réélu à tout prix en lui assurant un soutien inconditionnel, sans chercher à pérenniser les conditions d’une véritable démocratie, tout en manifestant un laxisme à son égard[5] ».
De février à juin 2011, l’EUPOL-RDC a dispensé une formation spécialisée à l’intention de plus de 250 cadres de la Police Nationale Congolaise (PNC)… Selon le commissaire divisionnaire Hervé Flaut, chef de mission adjoint chargé des Opérations, les cadres bénéficiaires devront être en mesure de transmettre eux-mêmes les connaissances acquises aux plusieurs centaines de policiers qui composent chaque unité dans le cadre de la continuité et d’appropriation de la réforme au sein de la PNC. Ces formations s’inscrivent dans le cadre du soutien de la mission EUPOL-RDC à la réforme de la PNC et plus concrètement au renforcement des connaissances et des compétences des officiers de cette police[6].
C’est ainsi qu’en 2011, en prévision des élections et sur base du conseil des experts l’EUPOL, la Police d’intervention rapide (PIR) va subtilement devenir la Légion Nationale d’Intervention (LENI). Cette nouvelle terminologie (légion),qui peut sembler banale pour les profanes, revêt plein de sens pour les experts de DESC que nous sommes dont une partie a parachevé sa formation d’officier à l’Ecole d’application de la très redoutée Gendarmerie belge (actuellement démilitarisée depuis et devenue la Police Fédérale).
Pour la petite histoire, en Belgique, à mesure que ce petit royaume était confronté au début du 19ème siècle à des troubles sociaux de grande ampleur des « Métalos »(crise sociale résultant du déclin de la grande industrie minière du charbon et métallurgique belge), la nécessité d’accroitre le rôle de la gendarmerie se faisait pressante. D’autant que la Garde civique chargée de contenir les manifestations était dépassée par les événements. Il fallait alors disposer d’une force de maintien de l’ordre mobile et efficace qui exige une certaine qualification professionnelle adaptée à l’évolution sociale du pays, une certaine aptitude psychologique et surtout de la mobilité. C’est ainsi que naitront en 1913 trois « Forces Mobiles » à Bruxelles, Gand et Liège, qui côtoient la gendarmerie territoriale. Et plus tard, la structure de la Gendarmerie belge sera bicéphale : Une gendarmerie territoriale chargée principalement des missions de police de proximité. Une gendarmerie mobile, au sein de laquelle venait s’intégrer la légion mobile, chargée des missions de maintien et rétablissement de l’ordre public (MROP) lors des grandes manifestations. D’ailleurs c’est la même structuration qui sera copiée et collée pour la Force publique coloniale qui était plus une force de Gendarmerie qu’une véritable armée de défense du territoire congolais.
En effet, entre 1945 et 1960, la Belgique continua d’utiliser la Force publique comme un corps de police coupé du peuple[7]. Pour le chroniquer belge de la Libre Belgique, Christian Laporte : « En réalité, au départ en 1885 lors de la création de l’Etat Indépendant du Congo, la Force publique devait assurer le rôle d’une sorte de gendarmerie appelée à soutenir les explorations, à occuper le terrain et, bien entendu, chargée du maintien de l’ordre. »
Et Mobutu maintiendra également à son tour, à son accession à l’indépendance cette structuration bicéphale d’abord au sein de l’armée : L’Armée campée qui avait principalement pour rôle d’assurer la sécurité du pays contre les agressions extérieures. L’Armée mobile, celle des gendarmes, soumise à l’autorité civile et s’occupait des missions de maintien et de rétablissement de l’ordre public. Plus tard, à la création de la gendarmerie par Ordonnance présidentielle du 31 juillet 1972 en remplacement de la Police Nationale, celle-ci aura également deux composantes :
1) La Gendarmerie Territoriale, qui gardait les mêmes missions que l’ancienne Police Nationale.
2) La Gendarmerie Mobile, qui était une force paramilitaire et devrait appuyer les unités de la Gendarmerie territoriale en cas de situations majeures d’atteinte à l’ordre et la sécurité publiques.
C’est sur base de ce modèle belgo-zaïrois que la PIR s’est transformée en Légion nationale d’intervention (LENI). Le colonel katangais Ngoy Sengelwa Kyo est l’actuel commandant de la LENI.
Exercice de MROP avec l’ex-major Marc Dejongh et des officiers ex-FAZ (dont cquelques DESC : 1992) |
l n’est d’ailleurs pas étonnant que le point focal belge de l’EUPOL soit un ancien instructeur des experts de DESC que nous sommes. Un spécialiste de référence en maintien et rétablissement de l’ordre public (MROP) à l’Ecole d’application de la Gendarmerie belge durant les années 1990, l’ex-major de Gendarmerie Marc Dejongh, actuellement Commissaire divisionnaire et Coordinateur des projets police en Afrique centrale au sein de la Direction de la Coopération Policière Internationale de la Police fédérale belge.
C’est ainsi que, que le soutien de la mission EUPOL RD Congo à la PNC dans le domaine du MROP s’inscrit dans le cadre de l’appui de l’UE à la réforme du secteur de sécurité en RDC. Et dans ce cadre, près de 60 formateurs de la Légion nationale d’intervention (LENI) et des Groupes mobiles d’intervention (GMIs Est et Ouest-Kinshasa) de la PNC ont bénéficié, du 19 mai au 14 juin à Kinshasa, d’une session d’évaluation, de remise à niveau et de renforcement des capacités en matière de maintien et rétablissement de l’ordre public (MROP). Ces formations ont notamment été assurés par trois formateurs français des redoutables Compagnies républicaines de sécurité (CRS).
Kabila se débarrasse du torchon occidental qui lui a rendu des loyaux services en 2006 et 2011 au profit des égyptiens
C’est ce qu’on dit en lingala « Merci bapesa na mbwa » (Traduction : l’acte d’ingratitude d’un maître à l’égard de son chien qui a tenu la garde toute la nuit pour se voir jeter les os sous la table à titre de rétribution ou encore être payé en monnaie de singe).
Estimant que les Occidentaux auront du mal à justifier auprès de leur opinion publique et la diaspora congolaise qui ne cesse de faire la pression, un coup de force constitutionnel de Kabila en 2016, ce dernier anticipe la situation de 2016 et se tourne vers un allié africain redoutable qui a fait ses preuves.
C’est ainsi que des sources de renseignement militaire congolais (Démiap) nous ont fait état de la présence de 250 militaires égyptiens à Kinshasa et au Katanga dans le but de former les unités de la GR, décriées pour leur répression brutale en novembre 2011, dans les techniques de MROP.
« Le but de ces formations est d’apprendre aux éléments de la GR les techniques anti émeutes afin de gérer les foules et les neutraliser en milieux urbains de la même manière que l’armée égyptienne a procédé pour écraser et contenir les grands mouvements violents de contestations des partisans de l’ancien président égyptien renversé par l’armée,Mohamed Morsi, les frères musulmans. Ceci rentre dans la stratégie pratique du projet de maintien de Kabila au pouvoir en 2016 ». La source dit que pour la RDC, ce sera « un jeu d’enfants ».
« Ce sont des militaires de la Garde présidentielle égyptienne envoyés par le président égyptien, le maréchal Al Sissi sur base des accords d’assistance militaire signés entre la RDC et l’Égypte en 2010 lors de la visite de Kabila au Caire, à l’époque où Hosni Mubarak était encore président. » Ils sont logés à Kibomango et leurs officiers au Domaine présidentielle de la Nsele (DPN).
DESC s’est renseignée auprès d’une source de la MONUSCO pour vérifier l’information, cette dernière a bien confirmé la présence des égyptiens. Mais les autorités militaires leur ont fait croire que ce sont des instructeurs artillerie pour le nouveau matériel qui a défilé le 30 juin. Mais la MONUSCO ignore leur unité égyptienne de provenance, « mais ils font de l’instruction dans différentes matières ».
« Une autre source militaire congolaise de la GR informe que deux bataillons formés par les instructeurs égyptiens ne sont plus à Maluku mais bien au camp Kokolo ( !!!) et se promènent déjà en ville comme « garde privée » d’autorité, entre autre, pour l’escorte du CEM de l’armée de terre, le général Olenga. »
Pour notre source de la Démiap , parmi ces militaires de la Garde présidentielle égyptienne, « il y a en réalité des spécialistes en artillerie, en blindés, en défense anti-aérienne, des commandos anti-terroristes ainsi que de spécialistesanti-émeutes en maintien et rétablissement de l’ordre public (MROP). » « Le chef de ces unités égyptiennes s’appelle le général Fouazi Ali.
« Le programme prévu est de former dans un premier temps la GR puis les unités commandos des FARDC stationnés à Maluku à des missions d’ordre et de sécurité intérieure, en appui aux éléments la LENI de la PNC » qui eux sont déjà formés par les européens dans le cadre de l’EUPOL. « Cette formation se basera sur le modus operandi de ce qui se passe actuellement chez eux en Egypte en fonction d’éventuels débordements en 2016. Vous voyez déjà que JJ Whisky qu’on anticipe 2016 !, vous qui aimez l’anticipation dans vos analyses stratégiques »
Dans un futur proche, le nombre de ces instructeurs va augmenter à « 400 personnes qui vont sillonner l’ensemble des campements FARDC du pays pour former les troupes à ces techniques. »
L’Egypte comme réponse de soutien de Poutine à Kabila
Comme l’a mentionné DESC dans l’analyse L’offensive diplomatique discrète gagnante de Kabila aux USA?[8], Kabila s’est lancé dans une croisade diplomatique parallèle à Washington pour faire échec au souhait de Obama de le voir quitter le pouvoir en 2016. Le premier acte de manœuvre était de se tourner vers la Russie, ce pays émergent qui devient la puissance militaire régionale de la zone Eurasie. C’est ainsi que les conseillers russes ont rassuré Kabila que Obama est un président indécis et qu’avec Poutine, ils pourraient l’aider à se maintenir en 2016. Là, C’est alors que son bras droit militaire et affairiste, le général d’armée Olenga, chef de l’armée de terre, fort de son solide réseau établi dans cette partie de l’Europe depuis bientôt 50 ans, s’est retrouvé à Kremlin en fin juillet, manquant même le Conseil supérieur militaire au cours duquel Kabila a profité de son absence pour réhabiliter Amisi Tango Four. Le généralOlenga qui entretient entretemps des relations inamicales avec Amisi s’est fait à son tour avoir sans le savoir car manipulé par Kabila à cause de l’appât financier auquel il ne sait résister. Le but de sa mission était de séduire le tsar Poutine. Et les premiers fruits de ces incessantes navettes en Russie commencent à porter le fruit.
« Quand j’ai essayé de connaître auprès du major ‘Foxtrot’ de la Démiap les raisons qui poussent le nouveau président Egyptien, le maréchal Al-Sissi, à répondre positivement à toutes les demandes du boss, il me confirme que le boss lui a été recommandé par le président Poutine lors d’une visite officielle du maréchal Sissi au Kremlin. Et ils m’a aussi confirmé qu’il y a aussi d’énormes quantités d’armes égyptiennes qui ont été commandées pour les FARDC, dont des véhicules blindés et des pièces d’artillerie. Une partie de ces armes sont déjà livrées et d’autres sont en route. »
« Pour votre info Whisky, Al-Sissi a beaucoup rapproché l’Egypte de la Russie. En seulement 6 mois de pouvoir, le maréchal a effectué trois voyages à Moscou, mais bizarrement aucun aux USA, le premier allié militaire stratégique de la Russie en Afrique arabe. L’Egypte a d’ailleurs passé des commandes d’armes à la Russie pour une valeur de 3 milliards de dollars. Et Vladimir Poutine ne rate pas une seules occasion pour donner une gifle aux occidentaux, C’est dans ce contexte qu’ils faut voir la nouvelle coopération militaire entre la RDC et l’Egypte ».
Nous recommandons aus lecteurs de DESC de lire attentivement le lien suivant :http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/399852/russie-poutine-appuie-al-sissi-a-la-presidence-egyptienne.
Il s’agit là d’un changement de cap stratégique surprenant pour ces deux pays, autrefois bastions des Etats-Unis en Afrique. Et comme nous le mentionnons dans notre ouvrage Les Armées au Congo-Kinshasa : « En Afrique, outre le Zaïre de MOBUTU, seule l’Egypte sous MUBARAK a bénéficié jusqu’il y a peu et pour, encore, des raisons géostratégiques propres aux intérêts américains au Proche-Orient, des relations stratégiques avec le Département d’Etat américain et toutes les administrations qui se sont succédé à Washington. ». Des aides militaires s’élevant à des milliards de dollars.
Voilà le décor bien planté pour ceux qui doutent encore de la volonté de Kabila de se maintenir manu militari au pouvoir en 2016. Kabila distraie la classe politique congolaise et les diplomates occidentaux naïfs par des débats creux autour de la modification/changement de la constitution pour gagner du temps et mettre tout le monde devant le fait accompli et passer à l’acte (militaire).
Nous l’avons prévenu dans notre ouvrage en ces termes « Il n’y a pas l’ombre d’un doute que Joseph KABILA, ce ’léopard en miniature’ à l’apparence d’un chat timide qui se veut démocrate alors que tout son passé et ses hauts faits d’armes, inspirés par le modèle autocratique machiavélique de KAGAME, sont garnis de trahisons, de meurtres, de crimes d’Etat, de collusions d’intérêts en faveur de l’agresseur rwandais, n’aura pas d’autre choix que celui de s’éterniser au pouvoir… Il n’est dès lors pas exclu que M. Joseph KABILA aille de nouveau user et abuser de tous les subterfuges politiciens, (il)légaux, (anti)constitutionnels et armés pour se donner une nouvelle fausse légitimité (électorale ou non) »
Jean-Jacques Wondo Omanyundu – Exclusivité DESC
[1] European Police Mission.
[2]Onana, Charles, Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Duboiris, Paris, 2012, p.159.
[3]Onana, Charles, ibid , p.159.
[4][4]Onana, Charles, Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Duboiris, Paris, 2012, p.79.
[5] Onana, Charles, ibid. , pp.159 et suivants.
[6]Xinhua, 10/02/2011.
[7] Lire aussi à ce sujet : NDAYWEL è NZIEM, Isidore, Histoire du Zaïre : De l’héritage ancien à l’âge contemporain, Ed. Duculot,
Louvain-la-Neuve, 1997 ; NDJATE OMANYONDO N’koy, Alphonse, Gendarmerie et Reconstruction d’un Etat de droit au Congo- Kinshasa, L’Harmattan, Paris, 2007 ; MUBANGU, Amisi Bin, République démocratique du Congo, 1960-2010, De l’ANC aux FARDC et WONDO OMANYUNDU, JJ Les Armée au Congo-Kinshasa,2013)