Une véritable douche froide pour l'investiture du «Président de la République», le 20 décembre, à la Cité de l'OUA. Joseph Kabila n'a été gratifié de l'assistance d'aucun chef d'Etat, ou de gouvernement, sauf la présence de l'un des chefs d'Etat les plus mal aimés de la planète, le Zimbabwéen Robert Mugabe. Lorsqu'un chef d'Etat infréquentable vole au secours d'un autre vraisemblablement en difficulté, c'est l'isolement total à la clé. En tout cas, une raison pour se faire balck-lister à Londres et dans les autres capitales occidentales. Même le voisin Denis Sassou N'Guesso n'a pas daigné faire le déplacement alors qu'il est à une minute de vol en hélicoptère de Kinshasa. Non seulement qu'il n'est pas venu, Sassou s'est fait représenter à un niveau inférieur par son ministre des Transports. Une façon de dire que la cérémonie ne valait pas le déplacement de son Premier ministre ou de son ministre des Affaires étrangères.
La veille, la RTNC -la télévision publique devenue la voix de son maître- avait annoncé la présence du
Gabonais Ali ben Bongo. Information aussitôt démentie par Libreville qui a prétexté un calendrier chargé du successeur d'Omar Bongo Odimba.
L'absence la plus remarquée est celle de Jacob Zuma donné pour pro Kabila. Le président sud-africain s'était même félicité du succès de l'organisation des élections en RD-Congo, se fondant sur le rapport de la mission d'observation de la SADC. Qu'il se soit abstenu de venir honorer Joseph Kabila laisse voir que le vent a tourné ou est entrain de tourner à Kinshasa.
Intrigante aussi l'absence de l'Angolais José Edouardo Dos Santos dont le pays a pourtant apporté avec le Congo-Brazzaville un appui logistique pour la tenue des élections avec une mise à disposition des hélicoptères.
Côté Occident, tous se sont fait représenter par, leurs ambassadeurs. La Belgique avait annoncé le voyage de son ministre des Affaires étrangères pour Kinshasa avant de se rétracter à la dernière minute. Une rétraction décidée, selon des sources diplomatiques, par le Premier ministre belge Elio di Rupo, au regard du rapport de la mission d'observation de l'Union européenne.
L'auditoire de la Cité de l'OUA a eu droit à un discours difficile à assimiler sur « la révolution de la modernité », un concept entrevu pour faire du Congo un pays émergent. Révolution de la modernité pour révolutionner quelle modernité là où les cinq chantiers se sont limités à quelques lambeaux de routes restaurés sans même parachever un seul ouvrage. L'avenue Mushie, dans la commuende Lingwala, a été abandonnée avec ses caniveaux non recouverts. Rien n'est dit sur le tronçon de la même avenue Mushie qui reste à construire entre l'avenue Itaga et l'avenue des Monts des arts. Non plus rien sur le pont à jeter entre Itaga et Monts des arts qui représente pourtant le plus dur à faire.
Dans la stratégie du tape à l'oeil, le régime a privilégié le plus facile à faire. Le boulevard du 30 juin n'est toujours pas achevé. Ses trottoirs et ses accotements risquent d'attendre encore tout un mandat d cinq ans pour s'ouvrir aux piétons. Encore quand il pleut, certains pans de ce boulevard ploient sous les volumineuses eaux stagnantes.
C'est le cas aussi sur le boulevard Triomphal au niveau du croisement avec l'avenue des Huileries. Ici, les eaux atteignent jusqu'à plus d'un mètre de hauteur.
Le boulevard Lumumba de même. Il donne l'image d'un programme mené sans aucune planification qui pense le développement comme un processus intégré.
Là où Joseph Kabila a le plus déçu, c'est sur la corruption ambiante généralisée. Pas un seul mot. C'est donc la continuité de l'hémorragie instauré depuis Mobutu et aggravée ces dernières années avec le détournement de 5,5 milliards de dollars des mines congolaises dénoncé par le député britannique Eric Joyce.
Pas un mot non plus sur les droits de l'homme. Cette note morose pour une investiture demande à Kabila de chercher une solution politique' pendant qu'il est encore temps. Sinon, d'ici les trois mois qui suivent l'Occident risque de passer à un autre schéma. Les Etats-Unis en ont donné le ton via la cellule africaine du Sénat qui exige un réexamen des résultats en présence d'une commission technique américaine. Quelques jours auparavant, le Département d'Etat avait estimé que les élections étaient gravement des irrégularités au point de les qualifier des plus mauvaises élections que l'Afrique ait connu ces dernières.
Paul Muland