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Les 
derniers « succès » militaires de la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, 
dans l’Est de la République Démocratique du Congo, illustrent à merveille que ce 
vaste pays au cœur de l’Afrique tangue comme un vaisseau sans pilote. La ville 
de Goma, dans l’Est, est désormais considérée comme une ville perdue et, avec 
elle, toute la province riche en coltan du Nord-Kivu. Les errements dont les « 
dirigeants » de Kinshasa font étalage depuis des années ont atteint de telles 
proportions que la « énième » débâcle militaire en cours s’inscrivait dans 
l’ordre prévisible des choses. Dans la foule des fautes fondamentales de 
gouvernance, on peut en relever au moins trois, au hasard.
La première 
faute majeure des dirigeants congolais, le Président Kabila en premier, c’est de 
n’avoir pas doté le pays d’une véritable armée, ce qui est assez 
incompréhensible pour des gens parvenus au pouvoir par la guerre. Depuis des 
années, on déplore l’état lamentable de l’armée congolaise. Elle ne pouvait rien 
faire face à une armée aussi structurée que l’armée rwandaise. Puisqu’il s’agit 
bien de l’armée rwandaise. Le M23 n’est qu’une façade.
Tous les pays de 
la région, dont les dirigeants ont été confrontés à la guerre, ont entrepris de 
bâtir des armées nationales avant toute chose (Angola, Ouganda, Rwanda). Le 
Président Kabila est au pouvoir depuis janvier 2001. Il faisait déjà partie du 
premier cercle des décideurs du pays aux côtés de son père, Laurent-Désiré 
Kabila, dès 1997.
Joseph Kabila, ancien maquisard, aura donc mis plus de 
15 ans sans se rendre compte que le Congo a besoin d’une armée à la hauteur de 
ses défis ? C’est à n’y rien comprendre.
En tout cas, de nombreux 
Congolais soutiennent que la faiblesse de l’armée congolaise est sciemment 
entretenue dans le but de faciliter aux dirigeants rwandais l’annexion du Kivu. 
Difficile de leur donner tort lorsqu’on observe à la fois l’état chronique de 
l’armée congolaise, la « facilité » avec laquelle les « rebelles », soutenus par 
le Rwanda, progressent sur le terrain et le silence de Joseph Kabila. Il n’a pas 
dit « un mot » et ne semble pas concerné alors qu’une région stratégique de son 
pays (80% des réserves mondiales de coltan à téléphones portables) est en train 
de passer sous contrôle d’une puissance « ennemie ».
Ainsi, depuis 
l’arrivée des casques bleus en avril 2001, les Congolais, reposent tous leurs 
espoirs sur les épaules des soldats onusiens. Or tout le monde sait que les 
casques bleus sont tout au plus une force de maintien de la paix, pas une force 
de défense nationale. Les casques bleus ne se battent pas pour protéger un 
territoire national. D’ailleurs, d’ordinaire, ils ne se battent même pas. Ils se 
contentent d’assurer une simple présence dissuasive. C’est à l’armée nationale 
qu’il revient de défendre le « territoire national ».
Celle du Congo en 
est tellement loin qu’en août dernier, le ministre rwandais de la défense, James 
Kabarebe, pourtant honni par les Congolais[1], a dit une vérité que la plupart 
des Congolais n’ont pas pu contester : « cette armée-là ne peut même pas tuer un 
rat »[2]. Si la référence au « rat » est évidemment excessive, on sait au moins 
que l’armée congolaise n’a pas réussi à capturer « un seul homme », Bosco 
Ntaganda. D’ailleurs, toute la tragédie en cours vient de la tentative ratée de 
capturer ce criminel de guerre recherché par la Cour Pénale 
Internationale.
La deuxième erreur fondamentale des dirigeants congolais 
devrait s’appeler « la naïveté ». Ils donnent l’impression d’ignorer à qui ils 
ont affaire. Ils ont affaire aux « Rwandais »[3] qui ont la réputation de « ne 
rien lâcher ». Ils ont tenu quatre ans durant dans les maquis avant de s’emparer 
du pouvoir à Kigali. Ils avaient la possibilité de prendre part au pouvoir aux 
termes d’un règlement politique. Ils se sont accrochés à l’espoir fou de prendre 
« tout le pouvoir » et ils y sont parvenus avec les dégâts qu’on connaît 
(génocide + des centaines de milliers des Hutus massacrés). Avant la guerre du 
Rwanda, ils avaient tenu des années dans les maquis ougandais aux côtés de 
Yoweri Museveni avec qui ils ont fini par prendre le pouvoir à Kampala en 1986. 
Maintenant qu’ils ont le Congo dans leur collimateur, avec ses immenses 
richesses minières, on perçoit aisément qu’ils ne sont nullement disposés à « 
lâcher le morceau ».
Lorsqu’on a affaire à des « individus » aussi 
redoutables, et qu’on a entre ses mains la responsabilité du son peuple, on doit 
impérativement élever le niveau. Malheureusement, pour le peuple congolais, les 
autorités de Kinshasa jouent les naïfs, ce qu’elles risquent de payer cher. Ils 
devraient penser aux dignitaires de Mobutu qui, ont un jour tout perdu et se 
sont retrouvés en exil, « chassés » de leur propre pays pour avoir négligé ce 
qui se passait dans le Kivu.
L’exemple emblématique de cette « naïveté » 
réside dans le fameux « accord du 23 mars 2009 » dont se 
prévaut la rébellion actuelle et qui contient des revendications assez 
hallucinantes pour des individus considérés comme de simples mutins.
En 
effet, cet accord, conclu sous l’égide de deux co-facilitateurs, les anciens 
Présidents Olusegun Obasanjo (Nigéria) et Benjamin Mkapa (Tanzanie), avec les 
hommes du criminel de guerre Laurent N’Kunda[4] fut un énorme piège puisqu’il a 
omis de faire mention du Rwanda dont on savait qu’il se dissimulait derrière le 
CNDP. En négociant avec le CNDP, le gouvernement congolais 
faisait entrer dans la vie nationale un « cheval de Troie » minutieusement « 
façonné » par les autorités de Kigali. La démarche qui s’imposait 
consistait à traiter directement avec le Rwanda et obtenir un accord d’Etat à 
Etat.
Maintenant qu’on en est là, le Rwanda peut commencer à manœuvrer 
derrière ses « protégés » en disant à l’opinion internationale : « ce n’est pas 
nous, ce sont les ‘Congolais’ entre eux ». Des milliers de combattants rwandais 
rejoignent les rangs du M23 qui a acquis du matériel de guerre sophistiqué comme 
des équipements de vision nocturne. Est-ce toujours une mutinerie, chers amis de 
Kinshasa ? On est dans une guerre internationale dont le Congo se serait passé 
en refusant de négocier avec des « lampistes ».
Aujourd’hui, le M23-CNDP 
ne fait plus mystère de la mission dont le Rwanda l’a chargé. Des mutins qui 
exigent le retour des réfugiés (article 6 de l’accord du 23 mars). Une question 
explosive au Kivu mais dont on sait qu’elle fait écho aux ambitions 
territoriales du régime de Kigali pour qui, une partie de sa (sur)population a 
vocation à se déverser sur l’Est du Congo.
Ils refusent d’aller intégrer 
les unités de l’armée congolaise au-delà de la région du Kivu. Autrement dit, la 
fin d’une armée nationale. Il y aurait donc au Kivu, des 
officiers et des troupes qui ne serviraient que dans le Kivu. Ça s’appelle la 
partition du pays, première étape du processus d’annexion tant redoutée 
de l’Est du Congo par le Rwanda.
Les Congolais qui crient 
« non à la balkanisation » ont là, sous leurs yeux, l’acte officialisant cette 
balkanisation. L’accord du 23 mars 2009 n’aurait jamais dû exister. Cet accord 
fut une erreur fondamentale et les Congolais mettront des années à s’en défaire, 
surtout au vu de l’état actuel de l’armée.
La troisième faute 
politique majeure des dirigeants congolais, au moins là, ils ne sont pas uniques 
au monde, c’est de s’accrocher au pouvoir malgré l’accumulation des échecs dans 
quasiment tous les domaines.
Joseph Kabila, décevant comme Président pour 
les Congolais, ne semble plus, par ailleurs, en odeur de sainteté auprès des 
dirigeants rwandais à qui il doit son arrivée à Kinshasa. Il fut depuis 
longtemps un « protégé » du général James Kabarebe, dont on disait, dans 
certains milieux américains, qu’ils seraient « oncle et neveu ». Lorsqu’on lit 
les propos de Kabarebe dans l’interview de Colette Braeckman selon lesquels « 
Cet homme (Kabila) n’est pas fait pour diriger », on comprend que le divorce est 
consommé, ou, en tout cas, que le dépit s’est profondément installé entre le 
Président congolais et ses parrains de Kigali.
Joseph Kabila avait 
d’autres alliés, les Occidentaux. Depuis le hold-up électoral de novembre 2011, 
et l’accumulation des violations massives des droits de l’homme (assassinat du 
militant des droits de l’Homme Floribert Chebeya), il ne fait plus recette. Il 
est même en situation de « rejet » personnel. Il suffit de se rappeler 
l’attitude du Président français François Hollande à l’occasion du sommet de la 
francophonie à Kinshasa. Le locataire de l’Elysée ne pouvait absolument pas 
supporter la nature du régime de Joseph Kabila. Lorsqu’on se 
retrouve dans une telle situation de « déchéance », on s’en va. Si on reste, on 
devient un boulet pour le pays et on entraîne son peuple dans son « suicide » 
personnel.
En tout cas, Joseph Kabila a raté 
l’occasion de s’en aller « démocratiquement » en novembre 2011 et à passer la 
main à Etienne Tshisekedi, le candidat élu selon toute vraisemblance. A la 
place, il se retrouve aujourd’hui englué dans une situation comparable à celle 
de Mobutu dans les dernières années de son règne.
Comme Joseph Kabila, le 
Maréchal, isolé et boudé partout, ne contrôlait plus le pays. Et, comme 
aujourd’hui, le Congo n’était visiblement plus gouverné. Il a suffi de quelques 
escarmouches dans le Kivu pour que tout l’ « édifice » du mobutisme s’effondrât 
comme un château de cartes.
Malheureusement, pas dans l’intérêt du peuple 
congolais.

 
 
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