Le jour où la majorité bascula. Même Aubin Minaku lui-même en a été surpris. Le président de l’Assemblée avait inscrit naturellement la validation de sept députés élus de Masisi à l’ordre du jour de la plénière du samedi 10 novembre. Les récipiendaires eux-mêmes étaient là dans la salle de congrès du Palais du peuple accompagnés de leurs familles et proches qui attendaient de leur faire la fête, une fois la manifestation terminée. C’était sans compter avec José Makila Sumanda. L’élu de Gemena a sorti une motion incidentielle de sa poche qui a changé soudainement le cours des évènements Il a demandé de surseoir à la validation pour «obtenir beaucoup plus d’éléments devant nous permettre de nous prononcer en âme et conscience face aux divers enjeux géostratégiques qui concourent à la perte de notre identité nationale...». Il ne s’est pas trouvé un seul kamikaze de la majorité pour aller à l’encontre de cette demande. Bien au contraire, les députés de la majorité qui sont montés à la tribune y sont allés pour abonder dans le même sens.
Et Minaku n’avait plus d’autre choix que de soumettre la question au vote. Une quasi unanimité s’est dégagée en faveur de la motion. Une unanimité qui a réuni majorité et opposition. Contre qui? Joseph Kabila et sa politique à l’Est du pays pour quiconque comprend l’enjeu de la question. En fait, les sept élus viennent d’une circonscription électorale répité fief des différents mouvements rebelles pro-rwandais. Ici la majorité est constituée des Hunde.
Contre toute attente, ce sont les candidats d’expression kinyarwanda qui ont raflé la majorité de sièges. Ngoy Mulunda s’était déjà réservé de publier les résultats de Masisi.
La Cour suprême de justice l’y a contraint plutôt d’al¬ler dans la voie d’organiser de nouvelles élections. Des sources rapportent que des pressions ont été exercées de partout quand avant que la haute cour de proclamer les résultats de Masisi. Elle a fini par le faire au grand des populations qui ne le sont pas expliquées le moins du monde. Et voilà que les députés ont tranché. Pour la première fois dans l’histoire parlementaire de la RD-Congo, les députés ont refusé d’accepter d’autres députés pourtant revêtus de la caution de la Cour suprême de justice.
C’est un tout désaveu contre cette politique qui consiste à négocier avec le CNDP ou le M-23 sans à l’insu de l’opinion et des autres institutions de la République.
A tout prendre, cette question risque de ne pas trouver de réponse tant qu’il n’y aura pas une solution globale à la crise de l’Est, notamment sur le sort à réserver au M-23 rebaptisé ARC -Armée révolutionnaire du Congo.
Au delà, les lignes ont bougé à l’Assemblée nationale même si des analystes ne voient pas la majorité changé carrément de camp. A Kabila d’en tirer les leçons comme de ses revers à Matadi et à Kisangani.
(Ci-dessous la motion de José Makila en intégralité)
http://7sur7.cd/index.php?option=com_content&view=article&id=39141%3A-makila-retourne-la-majorite-contre-joseph-kabila&Itemid=2
La motion de José Makila
Honorable président, honorables membres du bureau, honorables députés et chers collègues,
Se référant aux rapports reçus officiellement et aux différentes plaintes enregistrées, la CENI avait pris la décision d’annuler les élections du territoire de Masisi et des reprogrammer dans le délai légal, c’est-à-dire après soixante jours. Au délai imparti, le climat d’insécurité et le déplacement de la population n’ont pas permis d’exécuter ce projet. C’est ainsi que les fauteurs en eau trouble de tous les horizons, connus dans cette partie de notre pays, vont profiter de ce vide juridique pour imposer leur volonté à l’organe chargé des contentieux électoraux : la Cour suprême de justice (CSJ). Et pourtant, en date du 13 septembre 2012, Baraza la Wezee Intercommunautaire de la province du Nord-Kivu, organe regroupant les notabilités de toutes les communautés de la juridiction, a proposé le consensus dans un mémorandum adressé au président de la CENI. Le 18 septembre 2012 curieusement, la CSJ a rendu un arrêt RDE 1032 DN reprenant les noms de sept députés devant représenter Masisi à l’Assemblée nationale.
Sur les sept heureux «élus» par cette instance suprême, il y a cinq (5) hutu, un (1) tutsi Mutembo. En clair, qui dit Masisi pense d’abord à la communauté la plus importante de ce territoire : les Bahunde. A la grande surprise générale, ils sont proprement ignorés, exclus par la nouvelle mouture parlementaire de la CSJ. D’autre part, d’après nos investigations, il appert que le Mutembo coopé Shomwa Mongera, n’avait même pas totalisé dix (10) voix et avait, de surcroit, déclaré son désistement. Par ailleurs, un collectif de cinquante huit (58) hutus mécontents des risques encourus par cette tentative d’opposition des communautés, a dénoncé la corruption versée aux membres de la CENI/Goma pour avaliser cette supercherie montée par des personnalités très bien connues, animatrices des réseaux proches du RCD, CNDP, M23/ARC, responsables de l’imposition de cette liste de tous les dangers.
Je sais que vous allez m’opposer l’article 151 de la constitution, mais si notre Assemblée face à sa configuration actuelle de bipolarité (Majorité présidentielle/opposition) se trouvait contrainte de valider les mandats de ces «élus» de Masisi alignés par la CSJ, elle aura mis notre peuple face à une évidence que l’on s’efforce de taire et de nier : l’existence des accords secrets pour la balkanisation de la RD-Congo. Et nous prendrons le peuple congolais à témoin. Dans ces conditions, elle n’a qu’à se prononcer sur le cas du collègue Roger Lumbala accusé à tort ou à raison de pactiser avec le M23/ARC et le pouvoir de Kigali pour soi-disant déstabiliser le pays. Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures? Les Congolais sont livrés à la CPI ou, à défaut injustement condamnés par des juridictions locales alors que les tutsi tels que Laurent Nkundabatwere, Jules Mutebusi, Bosco Ntaganda, et autres, éligibles aux mandats d’arrêt internationaux de la CPI, passent d’agréables moments au Rwanda, soustraits des poursuites de la justice internationale et protégés par le pouvoir de Kigali.
C’est pourquoi, j’exhorte l’auguste assemblée de s’en tenir fermement aux prescrits de l’article 28 de la constitution qui stipule : «Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques et des bonnes moeurs». Ces élections ont été publiquement décriées par la CENI. Et, alors que cette même CENI éprouvait d’énormes difficultés à dénoncer les tricheries et les irrégularités flagrantes d’ailleurs, à Masisi les fraudes et autres irrégularités ont été dénoncées par la CENI elle-même, les ONG nationales et internationales, ainsi que tous les observateurs. Ce groupe de 7 élus accède à la validation à la suite des négociations secrètes qui se passeraient à Kampala entre le gouvernement et le M23. De ce fait, étant en possession des fiches individuelles de chacun de ces élus, je ne voudrais pas que l’Assemblée nationale valide les mandats des acteurs du M23 et s’active à invalider des présumés complices comme c’est le cas de l’honorable Roger Lumbala.
Alors que l’on décrie les infiltrations, le parlement, par le biais de sa chambre basse, s’infiltre volontiers. Le cas de M. Mwangachuchu- pour ne parier que de lui- notoirement connu comme président du CNDP de qui provient le M23/ARC et sa suite. Il y a un grave risque de réactivation des milices dans la province du Nord-Kivu en général et dans le territoire de Masisi en particulier. Car, le mécontentement qui viendra de cette validation va pousser les victimes de cette mesure à se lancer dans la «milicialisation» de cette contrée. Alors que les victimes de bourrages et des menaces des électeurs attendaient la reprogrammation des élections, Masisi risque de bruler encore car représenté par des seuls Rwandophones. En remettant le territoire de Masisi aux seuls tutsi et hutu, la CSJ consacre la balkanisation du pays tant dénoncée. Les manipulations de cette opération ne feront que s’en réjouir parce que même les institutions de l’Etat sont gagnées par la nécessité d’appliquer vaille que vaille les accords secrets que toutes les parties contractantes rechignent à mettre sur la place publique.
Ce faisant, on prépare le pays à une longue guerre qui aura des conséquences incalculables et imprévisibles pour cette entité administrative et toute la Région des Grands-Lacs. En conséquence, je demande à l’auguste Assemblée et aux élus collègues de sursoir à cette validation des mandats afin d’obtenir plus d’éléments devant nous permettre de nous prononcer en âme et conscience face aux divers enjeux géostratégiques qui concourent à la perte de notre identité nationale, de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDCongo.
Je vous remercie
Honorable José Makila Sumannda député national
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