Bemba-Kabila 3 heures d’entretien : Comment son rapport à l’argent a perdu Jean Pierre Bemba
La rédaction de “CONGONEWS” a mis des jours à percer le secret. Au terme de
plusieurs recoupements entre proches bembistes et le Palais de la nation, il est
certifié, aujourd’hui, avec une totale certitude que Jean-Pierre Bemba a
dissimilé à ses lieutenants un entretien téléphonique de trois heures qu’il a eu
avec Joseph Kabila. Le prévenu de la CPI qui parle
avec celui qui est présenté comme son bourreau -en tout cas le metteur en scène
de l’acte d’accusation monté en complicité avec François Bozizé, depuis Bangui-
cela dépasse tout entendement. Certes qu’en politique, il n’y a pas d’inimitié
éternelle mais que Bemba se laisse aller au syndrome de Stockholm -se prendre de
la sympathie pour son bourreau- à la veille des Concertations nationales n’est
pas à dissocier au soudain et inattendu revirement du MLC qui a cédé sur les
tous les préalables dont il s’était pourtant fait l’ardent défenseur jusqu’à la
clôture du Conclave de l’opposition, à la 15ème rue Limete industriel. Nul doute
que le chairman a dû négocier pour qu’il trouve de l’intérêt à parler avec
Kabila pendant de si longues heures. La question est de savoir pour quelle
dividende dans l’immédiat ou pour quelle promesse en contrepartie? L’argent
et/ou la perspective d’une vice-Primature pour le MLC dans le gouvernement
d’union nationale annoncé! Pour qui connaît Bemba -son côté très vénal décrié
même chez ses propres proches- rien n’est à exclure. Par le passé, il a fait
pire. Il était allé jusqu’à négocier avec le même Kabila pour devenir son
Premier ministre après l’élection présidentielle de 2006.
José Makila l’a appris, plus tard, à l’aéroport de
Zaventem, à Bruxelles, au hasard d’une rencontre avec Louis Michel.
C’est un
Louis Michel hors de lui qui lance à l’ancien bras droit de Bemba de transmettre
à son chef que c’est la dernière fois, la dernière fois qu’il lui demande un
service à lui Louis Michel. Et l’ancien ministre des Affaires étrangères belge
de rapporter à Makila qu’au lendemain de la proclamation des résultats de la
présidentielle, Bemba l’a sollicité pour une médiation avec Kabila, formulant le
voeu qu’il était prêt à accepter de prendre la direction du gouvernement. Kabila
avait dit oui sans hésiter mais à une condition, que Bemba assiste à son
investiture pour lui donner la preuve de sa disposition -loyauté- à travailler
avec lui. Avec une opinion publique qu’il avait chauffé lui-même à blanc contre
le régime, Bemba l’a pris pour un coupe-gorge. A partir de ce jour là, il n’a
plus jamais pris Louis Michel au téléphone. Lorsque Makila ébruite l’affaire, il
est excedé des attaques sur sa dissidence du MLC et ne demande qu’à ce que les
autres lui expliquent comment rester loyal à un chef passé maître dans l’art du
double jeu. L’ex-inspecteur général du MLC s’est senti d’autant trahi qu’il
était le tenant de la ligne dure et qu’il avait la nette impression de partager
la même position avec Bemba pendant toute la période de vive tention jusqu’aux
derniers affrontements entre les forces gouvernementales et la garde rapprochée
de l’ex-seigneur de guerre de Gemena. Des risques pris pour rien pendant que le
chef faisait des gosses dans le dos à tous. Du typiquement Bemba comme dans
l’ouvrage d’Albert Camus intitulé “Les mains sales”. Delly Sesanga et Thomas
Luhaka en savent aussi quelque chose. A trois avec le même Makila, ils sont
reçus, quelque temps avant le déclenchement des hostilités post-élections, au
Palais de la nation par un Joseph Kabila visiblement décidé à faire la paix avec
Bemba. Celui-ci leur fait part de son souci d’éviter la guerre. A la fin de
l’audience, aparté avec Makila à qui Kabila demande de porter à Bemba son
intention de lui rendre visite le lendemain, à la résidence du vice-Président de
la République, au bord du fleuve. Makila en parle à ses deux compagnons et le
trio se met en route pour aller rendre compte à qui de droit. Le jour dit, tous
les trois sont là en costume-cravatte à neuf heures comme convenu la veille.
Quelle sera leur surprise que Bemba sorte de ses
appartements pour une poignée de mains timide avant de les congédier avec
promesse de les revoir à dix-sept heures. Des intérêts personnels à mettre en
avant, avant toute autre considération ont fait que Bemba n’a pas voulu
s’embarrasser de la moindre présence d’un seul proche. Pourtant, il pouvait
bien, quitte à demander aux autres de les laisser seul à seul après les mises en
train protocolaires. Là-dessus, Kabila lui a donné une belle leçon avec un
déplacement effectué en compagnie de Vital Kamerhe et Marcelin Cissambo. Bemba a
un destin -un grand destin- mais ce sont ses rapports avec l’argent qui le
perdent à chaque fois. Comme en 2003 quand il renonce à la rébellion pour siéger
dans le 1+4. D’emblée, les Kinois dans leur majorité jettent leur dévolu sur
lui. Il est le seul de l’espace présidentiel dont ils se sentent proches en
raison de son passé aux côtés de Mobutu, outre que son discours anti-Kabila
virulent compense l’absence d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Plutôt que de
capitaliser, Bemba joue à se rapprocher de Kabila pour assouvir sa soif quasi
inextinguible d’enrichissement personnel. Jules Mutebusi et Laurent Nkunda
prennent Bukavu, il est le premier à monter au créneau.
Pas désintéressée du
tout l’attitude de Bemba qui obtient de Kabila d’assurer toutes les rotations
aériennes avec les avions de sa compagnie personnelle basée à Kampala. Les
renforts envoyés sur place sont également de sa branche armée ALC. Des millions
de dollars sont débloqués pour les équiper mais ces “guerriers” partiront de
Gemena à Bukavu en guenilles avec des bottillons bons pour un musée des anciens
combattants de la Deuxième guerre mondiale. L’argent que l’argent. Patron de
l’Ecofin, la puissante commission où se décide le plan de trésorerie, aucune
affaire ne peut passer sans Bemba.
Lorsqu’il en découvre une juteuse qui
vient d’en haut, il a toute la latitude de s’imposer pour drainer une part du
marché vers ses entreprises à lui, fictives ou réelles. Le seul verrou qui lui
résiste s’appelle Marco Banguli, ministre des Finances 1+4.
En tant que tel, il lui revient le dernier mot dans la chaîne de dépenses. Il
se fait que Banguli a, délibérément, la main lourde pour ordonnancer les
paiements en faveur de Bemba. Ce dernier en avait tellement marre d’accumuler
des créances en souffrance qu’il profite, un jour, de l’absence de Banguli en
mission pour instruire le vice-ministre MLC Denis Kashoba de tout libérer avant
le retour de son titulaire. Hélas, Banguli avait pris la précaution d’enfermer
le cachet sec dans son bureau et son dircab jusqu’à ses conseillers instruits de
ne remettre les pieds dans l’immeuble en verre qu’une fois l’argentier de la
République revenu. Pour contourner le dispositif Banguli, Bemba imagina la plus
barbare des idées d’envoyer Kashoba aller directement liquider tous les
paiements à partir du serveur central à la DTO -Direction de la trésorerie et de
l’ordonnancement. Au passage, Kashoba s’est octroyé personnellement un véritable
butin de guerre avec lequel il a bâti un empire immobilier, notamment dans le
quartier GB. Kabila qui avait compris la faiblesse de son adversaire dès le
départ le laisse trop embrasser pour mal étreindre. Si bien que lorsque
Tshisekedi menace, en 2005, le régime avec son fameux “Tout s’arrête le 30
juin”, à la place du maître de l’espace présidentiel Kabila, c’est Bemba qui
prend le devant pour promettre le pire à ceux qui oseront descendre dans la rue.
Heureusement qu’ils ont la mémoire courte ces Kinois qui ont offert un triomphe
sans pareil à Bemba pour la clôture de sa campagne électorale. Mémoire courte ou
plutôt l’anti-kabilisme légendaire de la capitale qui a entraîné une adhésion
spontanée en faveur de celui qui était perçu comme le plus à même de combattre
Joseph Kabila, à défaut de Tshisekedi résolument engagé dans un boycott comme
aujourd’hui. Moralité: entre Kabila et Bemba, ça a été un peu comme la cigale et
la fourmi. “La cigale ayant chanté tout l’été se trouva fort dépourvu quand la
buse fut venue”, narre La Fontaine. Bemba ayant passé tout le mandat à imaginer
des montages financiers à son propre profit n’eut pas le temps d’inverser la
vapeur quand il a enfin compris qu’il pouvait battre Kabila.
Le schéma était
bouclé depuis. Il eut montré sa ferveur de 2006 dès le départ, sitôt la
transition engagée, que les choses auraient peut-être pris une autre
tournure.
PAUL MULAND
http://www.voiceofcongo.net/bemba-kabila-3-heures-dentretien-comment-son-rapport-a-largent-a-perdu-jean-pierre-bemba
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