Une véritable arnaque politique
Samedi, 26 Octobre 2013 10:54
Joseph
Kabila est un véritablement artiste comédien! Devant les parlementaires réunis
en Congrès le mercredi 23 octobre au Palais du peuple, il a joué sans doute l’un
de ses plus beaux rôles dans le polar congolais. Dans ce roman policier, il a
réussi le crime parfait au grand dam des inspecteurs! Lui dont la gouvernance au
rabais à la tête du pays voilà près de 12 ans a conduit le pays dans les
bas-fonds de l’indignité, s’est tiré à bon compte à l’issue des Concertations
nationales. Sa responsabilité, évidente, dans les drames sans fin que connait la
RD-Congo n’a pas été soulignée par les 900 délégués à ce dialogue national dont
le but était de consolider la cohésion nationale. Après un diagnostic du mal
congolais, les Concertateurs ont pris près de 700 recommandations, qui en fait
sont un réquisitoire contre la gouvernance erratique de Kabila. Les partisans au
Dialogue pro-Kabila ont pris le soin de ne pas dégager la responsabilité du
président de la République dans la crise congolaise.
Un gouvernement
pompeusement appelé « gouvernement de cohésion nationale »
Ménagé par des
délégués complaisants, Kabila reconnaissant s’est présenté devant la Nation via
le Congrès avec une récompense : la formation d’un gouvernement dit de «
cohésion nationale ».C’était la principale annonce de son discours ! Et c’était
le moment le plus applaudi par l’assistance, comme si la résolution des
multiples problèmes qui assaillent la RD-Congo dépend de la formation d’un
gouvernement pompeusement appelé gouvernement de cohésion nationale. Dans son
discours J. Kabila s’est dit entièrement satisfait par le succès des
Concertations nationales.
Entendez par là que ce forum politique a réussi
à créer la cohésion nationale, le mot fétiche de la nouvelle Majorité constituée
autour de Kabila. Partout dans la ville, le gouvernorat a dilapidé l’argent
public en déployant des panneaux publicitaires géants où on peut y lire : «
merci au Raïs, la cohésion nationale retrouvée ».De la pure propagande quand
l’on sait que les principales forces sociales et politiques du pays, UDPS
d’Etienne Tshisekedi et UNC de Vital Kamerhe n’y ont pas pris part. À ces deux
poids lourds de l’Opposition, il y a d’autres formations politiques regroupées
au sein de la « Coalition pour le Vrai Dialogue » qui ont décliné l’invitation
de Kabila. L’Eglise catholique n’y a eu qu’une représentation symbolique. Dans
ces conditions, de qui Kabila se moque-t-il en parlant de succès de ce forum
dont le but avoué était la restauration de la cohésion nationale et le but non
avoué la consolidation de son pouvoir au-delà de 2016.Cette capacité du pouvoir
à s’auto-mentir, en parlant de cohésion nationale retrouvée, est une des marques
de fabrique de la Kabilie.
Flou sur la prolongation de son mandat au-delà
de 2016
Dans son discours, Joseph Kabila a pris soin d’éviter de se
prononcer de manière solennelle sur les intentions lui prêtées de briguer un
troisième mandat successif lors de l’hypothétique présidentielle de2016. J.
Kabila, évasif sur ce sujet brûlant, s’est tout juste contenté de dire qu’il est
« pour le respect par tous, de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la
République dans son ensemble, telle que adoptée par référendum populaire en 2005
». Cette formule est bien choisie, elle ressemble à celle d’Aubin Minaku
(président A.N.) sur les ondes de RFI quand répondant à une question de
Christophe Boisbouvier sur la candidature de Joseph Kabila à la présidentielle
de 2016, il avait dit que « Le président de la République partira après les
prochaines élections. Parce que selon la Constitution congolaise, une
institution libère les fonctions quand il y a une autre qui a été élue de façon
démocratique. Le jour où on organisera les élections présidentielles dans cette
République, et que ce sera gagné par quelqu’un d’autre, celui-là remplacera
Kabila ». Avec ce langage, on ne pouvait pas faire mieux pour entretenir le flou
sur la prolongation du mandat présidentiel. Et Kabila, à dessein, devant les
parlementaires ne l’a pas dissipé. Curieux pour celui qui a prôné dans son
discours le « changement des mentalités, de méthodes et de comportement ». Ce
changement que Kabila prône, il doit se l’appliquer d’abord à lui-même. Et par
effet d’entrainement sa cohorte suivra.
Corruption, un aveu d’échec de
Kabila. Le cas Kimbuta avec Retranskin et terrain ex PLZ
Sacré Kabila !
Il n’a pas eu froid aux yeux quand il s’est avancé sur le terrain de l’éthique
et du sens du bien public. La morale publique, lui-même ne l’incarne pas
suffisamment pour orienter le comportement de ses collaborateurs. Conséquence,
la corruption et le détournement de deniers publics ne se sont jamais aussi bien
portés que sur son règne. Et quand il fait l’annonce de la déclaration des biens
par tous les mandataires publics, Kabila se trompe une fois de plus. Généraliser
l’obligation de la déclaration des biens par tous les mandataires publics c’est
bien mais il ferait mieux d’abord de rendre public son patrimoine à lui et de
tous ses ministres. C’est ça la vraie transparence ! C’est alors qu’il sera
crédible. Les déclarations du patrimoine des plus hautes autorités politiques
sont déposées sous scellés à la Cour suprême de Justice. De la sorte aucun
monitoring par l’opinion du patrimoine de ses dirigeants politiques n’est
possible alors que la RD-Congo est parmi les pays les plus corrompus du monde
selon Transparancy International.Kabila a-t-il fait l’inventaire de la politique
de Tolérance Zéro sous le ministre Luzolo ? A-t-il oublié ses phrases choc
restées célèbres : « fini la récréation » et « les portes de la prison seront
grandement ouvertes ». Que de phrases vaines ! Que du vent ! Devant les
congresmen, Kabila toute honte bue, annonce qu’il va nommer un Conseiller
spécial du Chef de l’Etat en charge de lutte contre la corruption. Que peut
faire un individu fut-il conseiller spécial en matière de lutte contre la
corruption, face à un appareil judiciaire complètement caporalisé par le pouvoir
qui lui-même baigne dans un système de corruption généralisée. Kabila demande
aussi au gouvernement et au Parlement d’accorder au Pouvoir judiciaire une
dotation suffisante. La presse dénonce la corruption dans ses colonnes sans
qu’aucune enquête sérieuse ne soit déclenchée. Toutes les accusations notamment
de Congonews sur le gouverneur Kimbuta (Affaire Retranskin et terrain ex PLZ)
sont tombées dans les sourdes oreilles d’un Etat corrompu. La faiblesse de la
Justice a aussi conduit Kabila a préconisé la nomination d’un Représentant
personnel du chef de l’Etat chargé de promouvoir la lutte contre les violences
sexuelles et le recrutement des enfants. Un aveu qu’il a lui-même précarisé la
Justice, pour des raisons aisément compréhensibles, d’où l’impunité généralisée
constatée en RD-Congo.
Kabila favorable à la prolongation de facto du
Sénat et des Assemblées provinciales
S’agissant des institutions, le chef
de l’Etat, complaisant, s’est prononcé sur le maintien du sénat et des
Assemblées nationales, largement hors mandat. Le principe de la continuité de
l’Etat mal assimilé et mal appliqué fait que le Pouvoir peut retarder par toute
sorte d’artifices les élections pour prolonger le bail de ses institutions
illégitimes. Sans doute pour calmer l’opinion, J. Kabila s’est prononcé pour des
élections dans un délai cout et raisonnable afin de renouveler ces deux
institutions totalement illégitimes et même illégales selon d’autres juristes
qui estiment que la continuité de l’Etat ne peut pas dépasser une période de 3
mois renouvelable une fois. J. Kabila a fait des propositions sur un mode de
scrutin qui vise à confisquer le pouvoir du peuple. En se prononçant sur le mode
de scrutin indirect pour les provinciales pour soit disant minimiser le coût des
opérations électorales, J. Kabila veut encourager la corruption. Il sera facile
au candidat le plus offrant d’enfermer les conseillers municipaux dans une salle
pour acheter leur conscience et détourner la volonté populaire comme ce fut le
cas avec Kimbuta en 2007.
FARDC, Armée d’opérettes. Services de sécurité
défaillants
Sur le plan sécuritaire, Kabila a promis de débarrasser
l’armée des affairistes et de la professionnaliser. Depuis 12 ans qu’est-ce qui
lui a empêché à le faire ? C’est aujourd’hui qu’il se réveille de son long
sommeil bercé par les champs de ses courtisans en demandant que la loi de
programmation de l’armée soit vite mise en œuvre. Son armée et ses services de
sécurité sont incapables de protéger les frontières nationales et les
populations. Sur J.P Bemba, le leader du MLC, Kabila après avoir tout fait pour
le faire arrêter pour des crimes commis hors de son pays (RSA), poussant sa
hargne très loin lui avait privé de la protection consulaire dont a droit tout
national lorsque la CPI lui avait accordé la possibilité d’une liberté
provisoire. Aujourd’hui, il revient à de bons sentiments ! C’est-ce qu’on
appelle une gouvernance émotive, pas celle tournée vers l’intérêt
général.
Il se serait soucier un peu de l’opinion derrière Bemba, il se
serait transcender. Hélas, c’est trop demander à quelqu’un d’égocentrique qui ne
prône l’ouverture que pour se maintenir au Pouvoir bafouant son serment
constitutionnel. Bemba psychologiquement affaibli a accepté le deal de Kabila.
C’est à Kabila d’abord de changer sa manière de faire la politique et de gérer
l’Etat avant de faire la morale aux autres. Il ne s’est jamais repenti de ses
erreurs.
Seules choses où Kabila a vu juste (ça ne lui arrive pas
souvent), c’est son intransigeance face à la rébellion. Pas d’amnistie et de
réintégration généralisées au sein des FARDC. La promotion de la femme et des
personnes vivant avec handicap sont de bonnes initiatives. Sauf qu’en voulant
trop promouvoir la femme, il en fait un peu trop avec une circonscription dédiée
uniquement à la gente féminine. Mais dans l’ensemble, il a tapé à côté dans son
discours. Encore une fois, Joseph Kabila a raté son rendez-vous avec l’Histoire
qui est un juge incorruptible et implacable. Son discours devant le Congrès a
été une véritable arnaque politique. Auteur de la crise de légitimité qui secoue
le pays après les élections de novembre 2011, Joseph Kabila n’a pas ressoudé les
différentes composantes de la nation même si lui et ses partisans veulent se
convaincre du contraire. La crise de légitimité demeure, la guerre à l’est se
poursuit et les Recommandations des Concertations sont un chapelet de bonnes
intentions qui ne sauront sanctifier un régime qui s’appuie sur la force et non
sur la volonté populaire. Triste réalité que même le prochain gouvernement de
cohésion nationale comme les autres gouvernements de ce genre ne changeront
pas.
Le fou chroniqueur par amour de sa patrie