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SACREBOPOL

mardi 14 janvier 2014

NI RECONNUE NI PUNISSABLE PAR LA LOI


La prostitution en RDC : un " métier " des filles mères


* Plus qu'un pis-aller, deux  Kinoises sur quatre, mères et sans mari, accusent les hommes.  Plus qu'un pis-aller, deux  Kinoises sur quatre, mères et sans mari, accusent les hommes.

 La profession du sexe est l'un de principaux employeurs des femmes en RD Congo. Ni  formellement reconnue  ni punissable par les lois du pays, la prostitution prend de l'ampleur dans les grandes villes congolaises. Aucune agglomération du pays n'est à l'abri. Certes à proportions inégales. A Kinshasa (comme ailleurs ?), une mini-enquête de Forum des As sur ce phénomène de société est révélatrice.  Plus d'une fille mère se prostitue.  Comme par enchantement, toutes avancent la même raison : leur abandon par les hommes, auteurs de leurs grossesses.  " Je  fais ça pour nourrir mon enfant ". Pour raison de décence, les noms utilisés ici sont des pseudonymes.

      Samedi 22 juin-20 heures. Falonne, 19 ans, débarque à Super Lemba.  Le site, bien connu,  est un lieu de rendez-vous des filles de joie  venues de différents coins de la capitale. Comme cet enclos  où est attachée une chèvre en chaleur, et qui attire les boucs de tous horizons, le décor  ici est une véritable île à la tentation.  Court-vêtue, jambes pulpeuses moulées dans de bas  d'un jaune pale, Falonne  tient une cigarette allumée, enfourchée entre deux doigts. 

La concurrence est quasi manifeste. Elle doit trouver de l'astuce pour séduire et se faire prévaloir. Falonne trouve la recette. Elle se perche sur le capot moteur d'une voiture parquée juste devant  la dernière rangée des chaises de cette terrasse-bar de renom. Manière très originale pour cette fille, à peine émancipée,  d'avoir  une vue panoramique du site. Comme un loup à jeun, Falonne est prête à tout.

 Elle ne refuse aucune sollicitation. Depuis combien de temps pratique-t-elle ce métier ? 

Falonne répond sans réfléchir : " Je mène cette vie depuis le  mois de décembre 2011. Je ne m'imaginais pas qu'un jour je ferais le trottoir. Les circonstances de la vie me l'y ont obligée. Je me suis retrouvée en état de grossesse, quelques mois seulement peu après mes études secondaires. Malheureusement, mon petit ami de l'époque avait renié la grossesse. Je m'étais résolu de ne pas avorter. Sans ressources et rejetée par les parents, j'avais décidé de me prostituer pendant les cinq premiers mois de grossesse pour me permettre de faire face aux besoins d'accouchement. Aujourd'hui, j'ai un enfant d'un an et demi dont je supporte les besoins grâce à ce métier. Je n'ai pas de choix. "

     22H30'. Un week-end sur l'avenue du Stade en plein Matonge. Sarah sort d'un taxi en provenance de Bon Marché. Forte de taille, elle est dans un pantalon Jeans délavé, qui ne devrait laisser aucun espace. Comme si le couturier l'avait cousu sur son corps. Sarah ne se sent pas bien dans sa peau. Elle doit vite se changer. Après quelques minutes derrière un taudis, elle réapparait dans un décor tout autre. Juste une petite culotte noire. Une chemise blanche, d'un tissu très léger et transparent, permet de voir sa gorge toute blanche. Sarah a désormais son " arme " de séduction. Elle ne peut donc passer inaperçue.  Sauf  misogynie. Le sujet est délicat. Une bouteille de Beaufort gracieusement offerte, met Sarah en confiance.  " 18 ans le 15 octobre prochain, je vis avec ma mère dans la commune de Barumbu. Je n'ai pas eu la chance de faire de longues études. Juste quatre ans post- primaires. Je m'étais inscrite en Coupe et couture au Centre de formation de l'YMCA à Matonge. Malheureusement, ça n'a pas abouti parce que j'avais conçu sans le savoir, à cause de mon jeune âge. Je m'étais retrouvée grosse à l'âge de 16 ans. Je ne connaissais presque rien. C'est six mois après, que ma mère a constaté que j'étais enceinte. Je ne pouvais plus rien faire. Aujourd'hui, j'ai un petit garçon de deux ans. Si mon amant m'avait acceptée, je n'aurais plus aucune excuse pour me prostituer. Au début j'avais très honte. Je ne supportais pas d'aller avec plus d'un homme par jour. Mais avec le temps, j'ai fini par m'habituer. Je ne me gêne plus. Le jour où je trouverai un homme capable de prendre, et ma charge et celle de mon gosse, j'abandonnerai volontiers ce métier à très haut risque ".

     * Héléna, 24 ans, étudiante en première année de licence dans un Institut supérieur de Kinshasa, a une autre motivation. Cigarette mentholée allumée suspendue au bout de lèvres, yeux azurs au fond de verres teintés, Héléna est debout, les pieds enfouis dans de chaussures à hauts talons ne lui permettant pas de parcourir le moindre trajet à pied. Sa longue chevelure lui descendait jusqu'aux os iliaques. 23 heures. Héléna, pas trop svelte, est seule au croisement Boulevard du 30-Juin -avenue Batetela dans la commune de la Gombe. Sa destination parait absurde. C'est soit vers le Grand Hôtel Kinshasa, soit Kintambo Magasin. Mais en réalité, ce n'était pas l'itinéraire des taximen qui l'intéressait. Héléna a son regard juché sur de belles voitures privées. " L'argent certes, mais ce n'est vraiment pas ça ma motivation. Si je me retrouve sur le Boulevard  même à des heures tardives, c'est parce que j'ai toujours rêvé un partenaire expatrié comme mari. Plus précisément un Européen ou Américain. C'est donc ça mon rêve d'enfance et j'y tiens beaucoup. J'y crois en même temps parce que je compte plus d'une amie qui avait mené cette vie et qui se retrouve présentement, qui à Paris, qui à Bruxelles…très mariée à un Blanc. Donc, ce que nous faisons paie. Tout dépend de ce qu'on veut. Il y en qui se prostituent pour des raisons de survie. Mais c'est loin d'être mon cas ".

     * Jacquie, elle, a choisi de se poster sur l'avenue Popokabaka, avec le dos tourné à l'avenue du Stade. Samedi 29 juin à minuit, Jacquie est debout, brochette à la main. A son extrême gauche se trouve un bar de renom, visiblement lieu de rencontre des femmes de son âge (plus de 38 ans). Les phares des taxis à destination du quartier  Bon Marché flamboient les jambes de cette divorcée et mère de 4 enfants. Mais avec le pouvoir du maquillage, Jacquie fait plutôt jeune fille la nuit. L'excès de mascarade sur le visage l'enjolive, ne fut-ce que pour cette durée de la nuit. Pourtant, Jacquie ne devrait pas avoir moins de 40 ans. Elle monologue. " Je dois tout faire ce soir pour réunir un minimum devant me permettre de payer les frais d'inscription de mon avant-dernier fils. Que Dieu m'aide à cette fin ",  dit-elle. Et elle y croit.

     Honnis soit, qui mal y pense. L'échantillon  de cette mini enquête  n'a aucune prétention d'être représentatif. Néanmoins, il a le mérité d'être qualitatif. Du recoupement des propos recueillis, Forum des As constate que la prostitution en RD Congo est, à proportions inégales, l'apanage de filles mères. Plus concrètement, des femmes déjà filles. Tout autre chercheur pourrait arriver à la même conclusion.       

Laurel  KANKOLE

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