Le foyer du drame étant Maluku :Les visites de la morgue de l’ex-Mama Yemo inopportunes
Une polémique âpre et dont l’épilogue pourrait se révéler dramatique, est engagée depuis deux semaines entre le pouvoir et les forces politiques et sociales internes ainsi que la Communauté internationale, au sujet du charnier de plus de 400 corps découvert à Maluku, la banlieue située à l’est de la ville de Kinshasa à plus ou moins 80 Km.
Une polémique purement logomachique, car le fond du problème est reconnu par toutes les parties qui animent cette controverse, à savoir une fosse commune à Maluku de 400 corps.
Selon les officiels, ces corps sont d’indigents et de mort-nés retirés de la morgue de l’hôpital général de Kinshasa et enterrés le 19 mars 2015 entre 2 et 4 heures, donc peu après minuit jusqu’à l’aube. La controverse est née du genre des corps, des conditions et de l’heure de leur ensevelissement, du manque de révélation de leur identité, et des causes de la mort de ces prétendus indigents. Les arguments fournis par le porte-parole du gouvernement sont plutôt des commentaires et ne convainquent pas l’opinion tant nationale qu’internationale, d’où la controverse devient de plus en plus enflammée et violente.
Les hautes sphères officielles sont visiblement prises de panique et d’angoisse, ne sachant plus où donner de la tête. Des ministres grand format aux premières loges du sérail rivalisent d’ardeur à tenir des points de presse improvisés, font des déclarations contradictoires restant toujours et toujours sur la défensive.
Ambassadeurs occidentaux et journalistes s’entendent dire qu’ils ont rendez-vous à la morgue de l’hôpital général de référence pour voir comment y sont entassés en souffrance des corps d’indigents et de mort-nés! A quel genre de comédie et de distraction s’adonne-t-on? Le point d’attention, le foyer du drame est le site de Maluku où le charnier est localisé, ce n’est pas à la morgue de l’hôpital général de référence ; c’est le charnier de Maluku qui a jeté l’opinion nationale et internationale profondément en émoi.
Ce qui intéresse ambassadeurs occidentaux et journalistes ce sont les corps (421 ou 425) déposés dans une fosse commune à Maluku, et non des cadavres d’indigents et de mort-nés en souffrance à la morgue de l’hôpital général de référence.
Les torchons et les serviettes
Ces ministres grand format de la cour sont tellement pris de panique et d’angoisse dont ils ne vont pas se remettre de sitôt. Ils sont effrayés par l’ampleur prise par la découverte du drame de Maluku et son retentissement immédiat dans l’opinion internationale.
Ce drame constitue le point le plus sensible pour les organisations et les puissances qui s’occupent étroitement de la protection des droits de l’homme.
Toutes proportions gardées, ils se sont vite rendu compte que c’est le drame du campus de Lubumbashi qui fut la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase pour le régime de Mobutu Sese Seko, alors qu’il n’y avait par là de fosse commune découverte quelque part à Lubumbashi. C’était, le commencement des tribulations pour le maréchal et son régime.
Pour le drame présent, le pouvoir reconnaît bien l’existence du charnier, mais prétend qu’il s’agit d’indigents et de mort-nées! Toutefois, on peine toujours à montrer l’identité de ces indigents! du charnier de Maluku.
Si ces corps étaient réellement retirés de la morgue de l’hôpital général de référence, on ne se heurterait pas à cette difficulté d’identification. L’hôpital disposerait de tous les renseignements pour les fournir facilement. Hésitations, réticences et tâtonnements à prouver l’identité des corps du charnier de Maluku donnent à croire qu’il y a anguille sous roche.
Il n’y a pas à mélanger les torchons et les serviettes. La morgue de l’hôpital général de référence de Kinshasa n’est pas en cause pour la faire visiter par les diplomates et les Journalistes, tout comme celles de Lubumbashi et de Kisangani citées par le vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur lors de ses explications devant les députés nationaux et n’ont absolument rien à voir avec ce qui s’était passé à Maluku le 19 mars dernier.
Ce qui est en cause en l’occurrence c’est bien le charnier de Maluku concernant l’identité des corps et les circonstances de leur mort. Qui étaient-ils et de quoi étaient-ils morts?
De mort naturelle, de maladie, d’inanition, de torture, assassinés ou tués par balles? L’identité des cadavres et les circonstances de leur mort doivent être divulguées pour laver le pouvoir de tout soupçon.
Toutes ces questions préoccupantes restent entières, en dépit du verbalisme abondant et creux utilisé pour soutenir l’insoutenable, défendre l’indéfendable. La multiplication à l’envi des points de presse de défensive agace plutôt qu’elle n’apaise les esprits troublés et choqués.
Vaine querelle conceptuelle?
On a entendu un baron de la mouvance présidentielle hasarder un distinguo saugrenu entre la fosse commune et la tombe commune. Pour lui à Maluku il s’agit d’une tombe commune et non d’une fosse commune. Quelle vaine querelle sémantique, conceptuelle soulevée maladroitement ici!
Les concepts « charnier », « fosse commune », « tombe commue » signifient tous les trois la même chose, c’est-à-dire « lieu où sont entassés ou déposés ensemble plusieurs cadavres », indépendamment de leur identité et des circonstances de leur mort. D’ailleurs, « la fosse » et « la tombe » signifient « un trou creusé en terre pour l’inhumation des morts », « lieu où l’on ensevelit un mort ».
On emploie indifféremment la fosse commune, la tombe commune ou le charnier. Il ne sert à rien de s’amuser à couper les cheveux en quatre, de se cacher derrière son petit doigt, cherchant à distraire l’opinion et à obscurcir intentionnellement une affaire pourtant très claire.
Un bonze du PPRD a même prétendu décréter que ses explications mettaient alors donc définitivement un terme à une polémique inutile! Le charnier de Maluku qui a mis en émoi l’opinion nationale et internationale, n’est pas une affaire aussi mince qu’on se l’imagine.
Les langues se délient…
Seule une enquête internationale indépendante peut dévoiler les mystères de la fosse commune et clore la polémique. Autrement dit, le gouvernement congolais étant considéré comme juge et partie, une enquête menée par le Parquet général, l’une des institutions nationales soupçonnée de partialité, ne peut donner des conclusions fiables et crédibles. La controverse subsistera et s’amplifiera toujours au désavantage du pouvoir.
En s’obstinant à repousser l’idée d’une enquête internationale indépendante, et de l’exhumation des corps du charnier de Maluku, le gouvernement prête le flanc aux critiques et montre qu’il se sent morveux, embarrassé à cause des squelettes qu’il a dans le placard. On est pratiquement en difficulté.
Les langues commencent à se délier, et certaines personnes témoins parlent déjà sous le couvert de l’anonymat, faisant leurs confidences soit à la Monusco, soit aux organisations de défense des droits de l’homme basées à Kinshasa. La réalité dépasse la fiction et dissipe le flou artistique dont on voudrait envelopper le drame de Maluku. Un drame qui a apparemment tout d’un secret de Polichinelle.
Par Jean N’Saka wa N’Saka/Journaliste indépendant)
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