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vendredi 7 septembre 2012

Yamina Benguigui : «Le sommet de la Francophonie n’est pas un sommet bilatéral»





Yamina Benguigui, ministre de la Francophonie, et le président de RDC Joseph Kabila, à Kinshasa l...
Yamina Benguigui, ministre de la Francophonie, et le président de RDC Joseph Kabila, à Kinshasa l...
(JUNIOR D.KANNAH / AFP)
Yamina Benguigui, ministre de la Francophonie, et le président de RDC Joseph Kabila, à Kinshasa le 28 juillet 2012.
(JUNIOR D.KANNAH / AFP)

Yamina Benguigui, ministre de la Francophonie, et le président de RDC Joseph Kabila, à Kinshasa le 28 juillet 2012.

La ministre de la Francophonie, cheville ouvrière de cette décision, explique à « La Croix » les raisons de ce choix.


La Croix : La France se rendra au sommet de la Francophonie à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Quel rôle avez-vous joué dans cette décision ?

Yamina Benguigui : L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) avait annoncé ce sommet en 2008 et lancé à Kinshasa la construction des infrastructures nécessaires pour l’accueil du sommet. Mais aucun membre de l’ancien gouvernement ne s’était rendu sur place quand j’ai repris le dossier au mois de mai, dès ma nomination. Il y avait une contestation en France et en Belgique contre la tenue de ce sommet en RDC. Le président de la République m’a demandé de me rendre en RDC pour évaluer la situation dans son ensemble et pour y rencontrer les représentants de l’ensemble de la société congolaise, depuis les autorités, jusqu’aux opposants.

À l’issue de votre voyage à Kinshasa à la fin du mois de juillet, vous avez recommandé à François Hollande de participer au sommet de la Francophonie, pourquoi ?

J’ai passé quatre jours complets sur place, j’y ai rencontré plus de 100 personnes. Du président Joseph Kabila aux ONG de défense des droits de l’homme, des membres du gouvernement à ceux de l’opposition, sans compter les responsables religieux. Après nos entretiens, qui ont été parfois houleux, j’ai entendu à la fois leur colère, leur volonté, leurs espoirs et à la suite de ces entretiens très forts, la très grande majorité m’a dit être favorable à la venue de François Hollande et à la tenue du sommet en RDC, pour l’Afrique et pour la Francophonie et ses valeurs. L’archevêque de Kinshasa, le cardinal Monsengwo, a été un des rares à rester fermement opposé à la tenue du sommet.

Que vous a-t-il dit ?

La tenue du sommet pourrait légitimer Joseph Kabila, selon lui. Mais, toutes les ONG, comme la Voix des sans voix [ONG fondée par Floribert Chebeya, le défenseur des droits de l’homme assassiné par des policiers en 2010, NDLR], les principaux leaders de l’opposition, les responsables religieux, ont compris que ce sommet allait mettre la RDC sous les projecteurs de la communauté internationale, que cette occasion, constituait une opportunité pour elles de prendre la parole et de se faire entendre. Enfin, toutes ont été sensibles à l’engagement du président Hollande d’aller les rencontrer sur place.

Étienne Tshisekedi, le chef de l’opposition congolaise, n’était pas, non plus, favorable à ce voyage.

J’ai rencontré les responsables de son parti. Les entretiens ont été, comme je vous l’ai dit, très houleux. Ils m’ont tous dit, après notre entretien, leur souhait de voir le président Hollande à ce sommet pour les mêmes raisons que la société civile, les religieux et les défenseurs des droits de l’homme.

François Hollande va-t-il aussi rencontrer Étienne Tshisekedi ?

Si Étienne Tshisekedi en fait la demande, c’est au président seul d’en décider.

Que vous êtes-vous dit avec Joseph Kabila ?

Le président Kabila m’a d’abord fait savoir qu’il était sur le point d’annuler ce sommet, car il ne comprenait mal le silence de la France sur le conflit au Nord Kivu. Cette inaction était perçue comme de l’indifférence pour la RDC. Je m’en suis immédiatement entretenue avec le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius qui a décidé d’ouvrir une discussion sur le Kivu au Conseil de Sécurité de l’ONU. Sur un plan plus symbolique, Joseph Kabila et son peuple se sentait profondément humilié par les rumeurs qui se propageaient en RDC et en Afrique qui annonçaient la non-venue de François Hollande au sommet. Je l’ai convaincu d’attendre mon entrevue avec le président français.

La venue de François Hollande était-elle accompagnée d’un certain nombre de conditions que vous avez exposées à Joseph Kabila ?

Je n’ai pas exprimé des conditions. Je lui ai dit que nous serions très sensibles s’il y avait des mesures significatives prises par le gouvernement en faveur des droits de l’homme. Je lui ai parlé de deux réformes : la réforme de la Commission nationale indépendante chargée des élections, et la création d’une Commission nationale des droits de l’homme. Il en a pris note et le 22 août, le président de l’Assemblée Nationale a annoncé à la télévision que la RDC allait adopter à la prochaine session parlementaire, à partir du 15 septembre, ces deux réformes pour renforcer la démocratie dans le pays.

Connaissiez-vous la RDC avant de vous y rendre en juillet ?

C’était la première fois que je m’y rendais. Pour autant, je connaissais ce pays à travers ces nombreux artistes. J’avais eu, par le passé, l’occasion de rencontrer des cinéastes, des musiciens de Kinshasa. Je connaissais la créativité et l’importance des artistes congolais sur la scène internationale. J’ajoute que je ne suis pas passée en coup de vent à Kinshasa, mais j’y suis restée plusieurs jours. C’est la moindre des choses pour montrer le respect que l’on éprouve pour ce pays et sa culture. Le président Sarkozy, je crois, n’y était resté que 4 heures pour ensuite aller dormir au Gabon.

Les Présidents africains francophones étaient-ils favorables à ce voyage ?

Ils s’étaient tous engagés, avant l’élection de François Hollande, à s’y rendre. Abdou Diouf, le président de l’OIF, s’était battu pour que ce sommet se tienne en Afrique. Décemment, François Hollande ne pouvait pas non plus les désavouer. L’annonce de sa non venue en Afrique aurait été perçue comme un affront et camouflet lancés au visage de nos amis africains.

En venant à Kinshasa, vous rompez volontairement l’isolement dans lequel se trouvait Joseph Kabila depuis sa réélection, contestée par tous les observateurs internationaux, en novembre 2011. N’est-ce pas une formidable victoire pour Joseph Kabila ?

Ce sommet n’est pas un sommet bilatéral entre la France et la RDC. Mais c’est le sommet de la Francophonie dans lequel tous les leaders vont pouvoir se rencontrer, se parler et se faire entendre. La Francophonie, c’est en tout 75 pays qui vont faire le déplacement à Kinshasa. Il ne s’agit pas simplement d’y parler de la place du français dans le monde, même si cela est important. C’est aussi l’occasion d’aborder des volets politiques, économiques et environnementaux. Nous allons ainsi consacrer la première journée du sommet aux crises malienne, sahélienne, malgache et de la Guinée-Bissau. La deuxième journée sera réservée au développement économique et à la défense de l’environnement. J’ajoute, enfin, qu’à l’occasion de ce sommet, nous allons entendre l’Afrique s’exprimer sur la marche du monde. Et nous nous devons de l’écouter.


RECUEILLI PAR LAURENT LARCHER

http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Yamina-Benguigui-Le-sommet-de-la-Francophonie-n-est-pas-un-sommet-bilateral-_EG_-2012-09-06-850633


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