Concertations nationales : Et maintenant !
Aubin Minaku, "Joseph Kabila" et Léon Kengo wa Dondo
Lors de la séance plénière qui s’est tenue, jeudi 3 octobre,
sous la présidence de Léon Kengo wa Dondo et Aubin Minaku, membres du présidium,
les concertateurs ont, par acclamations, adopté et validé les rapports et les
recommandations des différents groupes thématiques. Kengo a rappelé, à cette
occasion, «les missions assignées à ces assises» par l’ordonnance présidentielle
et le mode de décision. A savoir : le consensus. Ce vocable a pour synonymes :
accord, arrangement, compromis, modus vivendi.
Consensus ou anti-débat démocratique ?
Il importe d’ouvrir une parenthèse. Dans un ouvrage intitulé « Les nouveaux mots du pouvoir », publié aux éditions Aden à Bruxelles, le sociologue belge Jean-Louis Siroux, qui est par ailleurs cité dans la revue «Tribune des services publics» de la FGTB (Fédération générale des travailleurs de Belgique) du mois d’octobre 2013, dit tout le mal qu’il pense du consensus. Selon lui, celui-ci n’est qu’un subterfuge pour éviter le débat et la confrontation. «Cette idéologie du consensus s’oppose ainsi à la démocratie, dont l’objet est d’exprimer les conflits qui traversent la société pour les trancher pacifiquement », peut-on lire. «La restauration de la légitimité démocratique suppose au préalable la réhabilitation du conflit. Cette restauration suppose une re-politisation qui implique d’assumer le conflit et d’en organiser le règlement de manière pacifique et raisonnée». Fermons la parenthèse.
Durant une vingtaine de jours, les participants - issus des institutions nationales et provinciales, des partis politiques, des autorités coutumières, de la société civile, des personnalités historiques, des experts et invités du chef de l’Etat - se sont efforcés à diagnostiquer les causes profondes de l’effritement de la cohésion nationale. L’objectif a-t-il été atteint ? On peut en douter. Reste que des «thérapies» ont été préconisées sous forme de recommandations pour «soigner» le grand pays malade qu’est le Congo-Kinshasa : la séparation des pouvoirs, le respect des droits humains, la garantie d’une égale protection des citoyens devant la loi. Il a été également question de la libération des prisonniers politiques et d’opinions, la levée du dispositif policier au périmètre où se trouve la résidence du président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Le cas de Jean-Pierre Bemba Gombo a été également évoqué. Un petit bémol cependant : les recommandations issues des Concertations nationales n’ont aucune force contraignante.
« Une injustice réparée »
Le départ des policiers qui filtraient les allées et venues aux environs de la résidence de «Tshitshi» constitue la toute première décision effective. Cette mesure n’est pas sans rappeler la journée du 25 avril 1990. Après avoir organisé des «consultations nationales» de janvier à fin mars – au cours desquelles toutes les couches socio-professionnelles du Zaïre ont été invitées à évaluer le fonctionnement des organes du MPR Parti-Etat -, le président Mobutu Sese Seko prononcera son discours du 24 avril 1990 annonçant la fin du monopartisme. A l’époque, le leader de l’UDPS se trouvait en «résidence surveillée». La mesure sera levée le lendemain. «Je ne peux en aucun cas remercier quelqu’un qui n’a fait que réparer une injustice, réagissait Tshisekedi aux questions des journalistes internationaux venus recueillir ses premières déclarations d’homme libre en sa résidence à Limete. Mobutu doit démissionner. S’il ne démissionne pas, nous allons le chasser comme son ami Ceaucescu… ». On le sait, le bras de fer entre les deux hommes va plomber le processus démocratique jusqu’à l’entrée de l’AFDL à Kinshasa, un certain 17 mai 1997.
Bien que l’Histoire a tendance à repasser les plats, «Joseph Kabila» a organisé un forum «bien verrouillé» par la présence massive des caciques de sa mouvance. L’homme tient sans aucun doute à rester le maître du jeu. A l’inverse, Mobutu avait snobé les hauts cadres du part-Etat en invitant toutes les couches socio-professionnelles «à évaluer» le fonctionnement des institutions qui n’étaient à l’époque que des «organes» du MPR. Contrairement à Mobutu qui subissait la pression de la «Troïka» (Belgique, Etats-Unis, France), le «raïs» ne fait guère - pas encore ? - face à un environnement international hostile. De New York à Washington, en passant par Bruxelles et Paris, la «stabilisation du Congo» semble être le maître mot en dépit du fait que le sommet de l’Etat congolais brille par un déficit inqualifiable de leadership. Sept sur 10, c’est la côte que le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, a attribué à «Kabila», au mois de septembre dernier sur RTL-Tvi.
Les « anciennes recettes »
De 1989 à 1997, les Occidentaux avaient mis le chef d’Etat zaïrois en «quarantaine» au motif qu’il constituait un «obstacle» à la promotion des valeurs démocratiques. L’époque des «sanctions» est bien révolue. C’est, en tous cas, ce qu’a semblé dire le diplomate européen Pierre Vimont, un des bras droits de de Catherine Ashton, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères. Au cours des débats organisé les 2 et 3 octobre sur les matières premières en Afrique au Parlement européen, Vimont a qualifié les rétorsions diplomatiques comme étant des «anciennes recettes». Selon lui, celles-ci «ont fait leur temps». «La seule solution doit être politique». Le diplomate a cité dans cette logique les pourparlers de Kampala entre le gouvernement de Kinshasa et le M23.
Une approche minimaliste de la crise
Les concertations nationales sont terminées. Question : Et maintenant ! Quelles sont les réformes institutionnelles que compte conduite «Joseph Kabila»? C’est la question qui taraude des observateurs. Des observateurs qui notent d’ores et déjà la divergence d’approche sur les causes du déclin de la cohésion nationale. Pour les représentants des forces politiques sociales n’appartenant pas à la mouvance kabiliste, le Congo-Kinshasa fait face à une crise politique grave. Les zélateurs de la majorité présidentielle ont un avis « nuancé ». Pour eux, la paix n’est troublée que dans la partie orientale du pays en général et dans la province du Nord Kivu en particulier. Bref, « tout va bien ». Dans son ordonnance n° 13/078 du 26 juin 2013, «Joseph Kabila» semble abonder dans ce sens : «Les Concertations nationales ont pour objet la réunion de toutes les couches sociopolitique de la Nation afin de réfléchir, d’échanger et de débattre, en toute liberté et sans contrainte, de tous les voies et moyens susceptibles de consolider la cohésion nationale, de renforcer et étendre l’autorité de l’Etat sur tout le territoire national en vue de mettre fin aux cycles de violence à l’Est du pays, de conjurer toute tentative de déstabilisation des institutions et d’accélérer le développement du pays dans la paix et la concorde».
Cette vision présidentielle pour le moins minimaliste de la problématique et un environnement international moins regardant sur la démocratie et les droits de l’Homme incitent des observateurs à faire preuve de prudence. Ils ne voient pas « Joseph » annoncer des «bouleversements institutionnels» à l’image du discours présidentiel du 24 avril 1990. Un analyste de marteler : «Sans une pression populaire accrue, Joseph Kabila ne pourra en aucun cas saborder les piliers de son régime que sont la concentration des pouvoirs, l’intolérance, la violence, la corruption et l’arbitraire… ». Deux rendez-vous sont pris : samedi 5 et jeudi 10 octobre.
Consensus ou anti-débat démocratique ?
Il importe d’ouvrir une parenthèse. Dans un ouvrage intitulé « Les nouveaux mots du pouvoir », publié aux éditions Aden à Bruxelles, le sociologue belge Jean-Louis Siroux, qui est par ailleurs cité dans la revue «Tribune des services publics» de la FGTB (Fédération générale des travailleurs de Belgique) du mois d’octobre 2013, dit tout le mal qu’il pense du consensus. Selon lui, celui-ci n’est qu’un subterfuge pour éviter le débat et la confrontation. «Cette idéologie du consensus s’oppose ainsi à la démocratie, dont l’objet est d’exprimer les conflits qui traversent la société pour les trancher pacifiquement », peut-on lire. «La restauration de la légitimité démocratique suppose au préalable la réhabilitation du conflit. Cette restauration suppose une re-politisation qui implique d’assumer le conflit et d’en organiser le règlement de manière pacifique et raisonnée». Fermons la parenthèse.
Durant une vingtaine de jours, les participants - issus des institutions nationales et provinciales, des partis politiques, des autorités coutumières, de la société civile, des personnalités historiques, des experts et invités du chef de l’Etat - se sont efforcés à diagnostiquer les causes profondes de l’effritement de la cohésion nationale. L’objectif a-t-il été atteint ? On peut en douter. Reste que des «thérapies» ont été préconisées sous forme de recommandations pour «soigner» le grand pays malade qu’est le Congo-Kinshasa : la séparation des pouvoirs, le respect des droits humains, la garantie d’une égale protection des citoyens devant la loi. Il a été également question de la libération des prisonniers politiques et d’opinions, la levée du dispositif policier au périmètre où se trouve la résidence du président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Le cas de Jean-Pierre Bemba Gombo a été également évoqué. Un petit bémol cependant : les recommandations issues des Concertations nationales n’ont aucune force contraignante.
« Une injustice réparée »
Le départ des policiers qui filtraient les allées et venues aux environs de la résidence de «Tshitshi» constitue la toute première décision effective. Cette mesure n’est pas sans rappeler la journée du 25 avril 1990. Après avoir organisé des «consultations nationales» de janvier à fin mars – au cours desquelles toutes les couches socio-professionnelles du Zaïre ont été invitées à évaluer le fonctionnement des organes du MPR Parti-Etat -, le président Mobutu Sese Seko prononcera son discours du 24 avril 1990 annonçant la fin du monopartisme. A l’époque, le leader de l’UDPS se trouvait en «résidence surveillée». La mesure sera levée le lendemain. «Je ne peux en aucun cas remercier quelqu’un qui n’a fait que réparer une injustice, réagissait Tshisekedi aux questions des journalistes internationaux venus recueillir ses premières déclarations d’homme libre en sa résidence à Limete. Mobutu doit démissionner. S’il ne démissionne pas, nous allons le chasser comme son ami Ceaucescu… ». On le sait, le bras de fer entre les deux hommes va plomber le processus démocratique jusqu’à l’entrée de l’AFDL à Kinshasa, un certain 17 mai 1997.
Bien que l’Histoire a tendance à repasser les plats, «Joseph Kabila» a organisé un forum «bien verrouillé» par la présence massive des caciques de sa mouvance. L’homme tient sans aucun doute à rester le maître du jeu. A l’inverse, Mobutu avait snobé les hauts cadres du part-Etat en invitant toutes les couches socio-professionnelles «à évaluer» le fonctionnement des institutions qui n’étaient à l’époque que des «organes» du MPR. Contrairement à Mobutu qui subissait la pression de la «Troïka» (Belgique, Etats-Unis, France), le «raïs» ne fait guère - pas encore ? - face à un environnement international hostile. De New York à Washington, en passant par Bruxelles et Paris, la «stabilisation du Congo» semble être le maître mot en dépit du fait que le sommet de l’Etat congolais brille par un déficit inqualifiable de leadership. Sept sur 10, c’est la côte que le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, a attribué à «Kabila», au mois de septembre dernier sur RTL-Tvi.
Les « anciennes recettes »
De 1989 à 1997, les Occidentaux avaient mis le chef d’Etat zaïrois en «quarantaine» au motif qu’il constituait un «obstacle» à la promotion des valeurs démocratiques. L’époque des «sanctions» est bien révolue. C’est, en tous cas, ce qu’a semblé dire le diplomate européen Pierre Vimont, un des bras droits de de Catherine Ashton, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères. Au cours des débats organisé les 2 et 3 octobre sur les matières premières en Afrique au Parlement européen, Vimont a qualifié les rétorsions diplomatiques comme étant des «anciennes recettes». Selon lui, celles-ci «ont fait leur temps». «La seule solution doit être politique». Le diplomate a cité dans cette logique les pourparlers de Kampala entre le gouvernement de Kinshasa et le M23.
Une approche minimaliste de la crise
Les concertations nationales sont terminées. Question : Et maintenant ! Quelles sont les réformes institutionnelles que compte conduite «Joseph Kabila»? C’est la question qui taraude des observateurs. Des observateurs qui notent d’ores et déjà la divergence d’approche sur les causes du déclin de la cohésion nationale. Pour les représentants des forces politiques sociales n’appartenant pas à la mouvance kabiliste, le Congo-Kinshasa fait face à une crise politique grave. Les zélateurs de la majorité présidentielle ont un avis « nuancé ». Pour eux, la paix n’est troublée que dans la partie orientale du pays en général et dans la province du Nord Kivu en particulier. Bref, « tout va bien ». Dans son ordonnance n° 13/078 du 26 juin 2013, «Joseph Kabila» semble abonder dans ce sens : «Les Concertations nationales ont pour objet la réunion de toutes les couches sociopolitique de la Nation afin de réfléchir, d’échanger et de débattre, en toute liberté et sans contrainte, de tous les voies et moyens susceptibles de consolider la cohésion nationale, de renforcer et étendre l’autorité de l’Etat sur tout le territoire national en vue de mettre fin aux cycles de violence à l’Est du pays, de conjurer toute tentative de déstabilisation des institutions et d’accélérer le développement du pays dans la paix et la concorde».
Cette vision présidentielle pour le moins minimaliste de la problématique et un environnement international moins regardant sur la démocratie et les droits de l’Homme incitent des observateurs à faire preuve de prudence. Ils ne voient pas « Joseph » annoncer des «bouleversements institutionnels» à l’image du discours présidentiel du 24 avril 1990. Un analyste de marteler : «Sans une pression populaire accrue, Joseph Kabila ne pourra en aucun cas saborder les piliers de son régime que sont la concentration des pouvoirs, l’intolérance, la violence, la corruption et l’arbitraire… ». Deux rendez-vous sont pris : samedi 5 et jeudi 10 octobre.
Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-201
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