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mercredi 18 décembre 2013

Est de la RDC:



 «Il n'y a pas de solution uniquement militaire»

Une colonne de militaires des forces congolaises FARDC progresse à proximité de Kibumba, au nord de Goma.
REUTERS/Kenny Katombe

Par Alexandra Cagnard

Vingt et un corps retrouvés mutilés dans l’est de la République démocratique du Congo, des hommes, des femmes, des enfants. Une attaque d’une extrême brutalité, qui intervient à peine la rébellion du M23 terminée. Mehdi Belaid, doctorant en sciences politiques à l’université Paris I, auteur de Mouvements de libération du Congo, de la guérilla aux partis politiques, paru chez L'Harmattan en 2008.


RFI : 
La société civile accuse les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF-Nalu), un mouvement rebelle différent du M23. Tout d’abord, qui sont ces hommes et que veulent-ils ?

Mehdi Belaid : C’est un mouvement d’opposition ougandais qui s’est développé dans les années 80 et qui a trouvé refuge au Congo. Il a connu une sorte de regain d’activité depuis le printemps 2012, lorsque des attaques ont été lancées contre ce mouvement de la part des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), épaulées par la mission des Nations unies (Monusco).

Donc c’est un mouvement qui s’est radicalisé ces derniers temps et qui s’est teinté d’une coloration islamiste, mais qui ne peut pas être comparé à des mouvements somaliens type Shebab. Ces ADF-Nalu ont tout de même des actions régulières depuis quand même déjà un certain nombre d’années.

ADF-Nalu, M-23 : concrètement, aujourd’hui quel est l’état de la scène rebelle en RDC ?

Elle en pleine recomposition. Il faut savoir que c’est une scène qui est assez éclatée. On peut difficilement trouver des points communs entre ces mouvements.

L'action du M23 se nourrissait d’antagonismes locaux propres au Congo, contrairement à ce qui a souvent été annoncé, à savoir que conflit au Congo serait uniquement le fruit de l’importation du conflit rwandais, tandis que l’action de l’ADF-Nalu répond à une autre logique.

Et le soutien que l’Ouganda pouvait quand même apporter à certains mouvements, comme le M23, a pu permettre une réactivation des actions des ADF-Nalu. Celle-ci n’est arrivée qu’en réaction à une action préalable des forces armées de la RDC.


ADF-Nalu, M23, etc. : vous nous parliez de ces mouvements rebelles et des nouvelles attaques, bien évidemment. Le Kivu est-il condamné à l’instabilité permanente ?

Non, il ne l’est pas. Il existe une quarantaine de mouvements actifs à l’est du Congo, dont beaucoup ont des revendications. Sont-elles légitimes ? Il s’agit d’une autre question. Mais nombre de ces mouvements armés en fait sont le fruit de désertion d’individus qui avaient déjà été intégrés dans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), et la plupart d’entre eux souhaitent une réintégration.

Par conséquent, je pense qu’on ne peut pas appliquer les mêmes solutions. Je pense que se consacrer uniquement à une solution militaire est pour le peu illusoire.
L'est du Congo, est très éloigné du pouvoir central, difficile d’accès. Peut-on parler d’abandon de la région ?

On ne peut pas parler d’abandon, car l’Etat congolais demeure présent et l'a toujours été, contrairement là encore à ce qui a souvent été avancé. On a parlé d’effondrement de l’Etat, d’absence de l’Etat. Non, l’Etat congolais est omniprésent à l’est du Congo, mais il brille parfois par son inefficacité.

À partir de là, à la suite de la victoire des FARDC contre le M23, ces derniers voulaient poursuivre un petit peu sur leur lancée, et déclarer la guerre à tous les mouvements qui restent. Mais je pense que des négociations sont inévitables, notamment avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les ADF-Nalu.

Et pourtant, les exactions continuent, avec des niveaux d’atrocité très élevés. On est quand même en droit de se poser la question, de savoir si l’armée congolaise et la Monusco ont vraiment les moyens de mettre fin à toutes ces exactions.

C’est assez délicat, notamment en vertu de la configuration géographique de la région. C’est une région qui est assez enclavée, avec de nombreux espaces de montagnes et de maquis. Donc déjà c’est difficile de déloger les membres des groupes armés et il est parfois assez difficile de les identifier.

Lorsque l’on parle par exemple des ADF-Nalu ou des FDLR – ces mouvements sont présents depuis dix, quinze ans, presque vingt ans dans cette région et ont pu vraiment s’acclimater, se fondre dans la population, donc il est parfois assez difficile de distinguer les simples civils des combattants.

Le Nord-Kivu, une région qui vit aussi au rythme des rébellions des pays voisins, est également condamné à vivre avec cet héritage ?

Effectivement si on veut entrevoir une porte de sortie, il faudrait bien entendu inclure les pays de la région, en premier lieu le Rwanda et l’Ouganda, afin de les amener à dialoguer avec les mouvements armés qui leur sont utiles et qui sont présents en RDC.


Je pense sincèrement qu’il n’y a pas de solution militaire, par exemple, au problème des FDLR. Malheureusement,ce n’est pas trop dans l’air du temps, car on a entendu récemment l’envoyé spécial du président américain appuyer un petit peu la logique qui est celle des autorités rwandaise et congolaise pour le moment, c'est-à-dire qu’il faut venir à bout militairement des FDLR. Ça me semble assez délicat à mettre en œuvre.

Au vu de ce conflit, la récente tournée de Joseph Kabila se vantant d’avoir ramené la sécurité, c’est un leurre ?
Il veut tabler en fait sur le succès de la dernière opération contre le M23, qui n’a pu avoir de succès sans le soutien de la Monusco. On ne peut pas lui reprocher cela.


Mais il s’agit quand même de dépasser uniquement les effets d’annonce et ce n’est pas en quelques semaines ou en quelques mois que l’armée congolaise pourra sortir un petit peu des difficultés qui sont les siennes. Il y a un manque d’organisation, un manque flagrant de coordination.
Il est par conséquent assez délicat, vraiment, de compter uniquement sur une solution militaire pour venir à bout de ce problème. Il faut un réel dialogue entre les forces politico-communautaires de la région et les Etats concernés.



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