Le siège de l’Assemblée nationale incendié, le palais présidentiel saccagé, les installations du parti présidentiel en cendres, Compaoré en fuite, son frère arrêté à l’aéroport… les Burkinabé ont dit « non » à un mandat de plus au chef de l’Etat sortant
Blaise Compaoré tenait au référendum de manière à se représenter pour une cinquième fois aux élections présidentielles au Burkina Faso, après 27 ans de règne. Et bien, le peuple burkinabé s’est exprimé hier jeudi 30 octobre, avant même que l’Assemblée nationale ne tienne sa séance plénière pour débattre de la question.
Dès le matin, des milliers de manifestants se sont rendus devant le siège de l’Assemblée nationale pour attendre la décision des députés nationaux sur la révision de l’article 37 de la Constitution devant permettre à Compaoré de se perpétuer au pouvoir. Arrivés sur les lieux, ils ont trouvé un dispositif militaire inhabituel.
Sur place, la feuille de route a été modifiée. Il était maintenant question de pénétrer la muraille sécuritaire et empêcher que le vote de cette loi controversée se fasse. Les militaires ont tenté de barrer la route, mais ont finalement battu en retraite.
C’est à ce niveau que les choses ont dégénéré. Les véhicules des députés nationaux ont été incendiés, les manifestants ont pris d’assaut le siège de l’Assemblée nationale qu’ils ont saccagé puis brulé.
Direction, palais présidentiel
Après ce qu’ils ont qualifié de « première victoire », motivés sans nul doute de ce succès, les manifestants antirévisionnistes ont pris la décision de se diriger vers le palais présidentiel pour en finir une fois pour toutes avec Blaise. Le combat a changé d’objectif. Il n’était plus question de dire non à la révision de l’article 37, mais d’obtenir le départ du président de la République.
Les affrontements devant le palais présidentiel entre les militaires et la population ont duré plusieurs heures, avant que les forces de l’ordre ne cèdent. Certains bilans parlent d’un manifestant tué, alors que l’opposition congolaise indique une vingtaine de morts. Dans tous les cas, la garde présidentielle a fait usage de balles réelles pour disperser les manifestants.
Chasse aux sorcières
Des scènes de pillage s’en sont suivies après avoir fragilisé le pouvoir de Ouaga. Le domicile d’Assimi Kouanda, secrétaire exécutif national du CDP, parti au pouvoir, à Ouagadougou, complètement démoli et carbonisé. A Bobo-Dioulasso, la mairie incendiée, le siège du parti présidentiel en feu, le siège de l’Assemblée nationale en cendres. Plusieurs magasins ont été pillés, les résidences des proches du président vandalisées.
Des émetteurs radio, dont celui de RFI, ont été coupés à Ouagadougou, l’aéroport de la même ville fermé. Même la télévision nationale n’émettait plus. Tous les vols au départ ou à l’arrivée de la capitale bukinabée ont été annulés.
Dans la foulée, le frère du président, François Compaoré a été arrêté à l’aéroport, alors qu’il se rendait à une destination inconnue. C’était la débandade. Le pouvoir était dans la rue.
A en croire des sources proches de la capitale du Burkina, aux dernières nouvelles, Blaise Compaoré aurait quitté Ouagadougou par hélico, pour le Maroc ou le Sénégal… Mais de manière stratégique, comme tous les présidents quittent le pouvoir dans les mêmes circonstances, le président sortant du Faso aurait décrété l’état de siège et dissout le gouvernement.
Un nouvel homme fort ?
Quelques instants après, une nouvelle a circulé, selon laquelle le Chef d’Etat-major général de l’armée devrait s’adresser à la nation. Par la suite, les militaires ont informé à l’opinion qu’il y a un contretemps à régler avant que la déclaration ne soit faite. Entre-temps, des négociations politiques se faisaient avec, probablement, le nouvel homme fort, pour l’avenir du Pays des hommes intègres.
Au même moment, l’ONU a annoncé envoyer un émissaire, au regard de ces violences. Le secrétaire général Ban Ki-moon a confirmé cette information, à travers le porte-parole Stéphane Dujarric, pour tenter de mettre fin aux violences provoquées par un projet qui aurait permis le maintien au pouvoir de Blaise.
Trop tard
Finalement, le projet de loi sur la révision de la Constitution a été retiré, mais au moment où le président ne contrôlait plus une seule ruelle du Burkina Faso. Aussi, il a annoncé dissoudre le gouvernement. Une bonne décision, mais sans effet sur le terrain. Pour les manifestants, le plus important est son départ.
Printemps noir !
Après le Printemps arabe, l’Afrique de l’Ouest vient de donner le ton avec le Printemps noir où le peuple a crié son ras-le-bol ! Les présidents africains doivent tirer les leçons de qui vient de se passer chez les « Hommes intègres », et réfléchir mûrement avant de décider contre la volonté du peuple. Tous ceux qui veulent modifier leurs Constitutions pour s’éterniser au pouvoir sont avertis. La réaction du peuple burkinabé est le reflet de la souffrance, la frustration, l’injustice, l’impunité dont sont victimes tous les Africains.
Pour rappel, tout a véritablement commencé mardi 21 octobre dernier, lorsque le gouvernement a transmis à l’Assemblée nationale, un projet de loi permettant la modification de l’article 37 de la Constitution qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux afin de permettre à Blaise Compaoré de se représenter en 2015. Par conséquent, une grande manifestation nationale de l’opposition dans tout le Burkina-Faso a rassemblé des centaines de milliers de jeunes Burkinabés révoltés et des femmes âgées à moitié nues.
Le message lancé par le Burkina Faso s’adresse en premier lieu aux pays occidentaux qui favorisent le maintien au pouvoir de leurs protégés pour défendre leurs propres intérêts au détriment de celui des populations des pays concernés.
C’est fini, l’Afrique prend un autre tournant pour permettre aux africains de bénéficier de ce que le continent a à leur offrir. C’est un nouveau pas qui est emboîté, une nouvelle marche pour son développement et le bien-être de ses populations. Nos dirigeants doivent en prendre conscience car les répercussions se propageront au-delà des frontières de l’Afrique. Que tous les fins stratèges, politologues, géopoliticiens l’écrivent noir sur blanc dans leur rapport.
Ouagadougou a parlé aux présidents africains. Il ne leur reste plus qu’à préparer leur sortie honorable en respectant scrupuleusement les dispositions intouchables de leurs lois fondamentales.
Quand on impose une démarche contre le gré de la population, voilà la réponse. Quand la population est déterminée à revendiquer ses droits, il est capable de tout. Le ton est donné. Les mêmes résultats risquent de se répéter partout où les Constitutions sont menacées de violation.
Ce vent avait soufflé dans les années 1960 lorsque la plupart des pays africains ont arraché leur souveraineté nationale et internationale, vers les années 1990 avec la démocratie, et maintenant pour chasser du pouvoir tous ceux qui veulent s’y accrocher sans la volonté du peuple et contre la Constitution. Presqu’une période de 30 ans pour passer d’une tempête à une autre. (1960 – 1990 – 2014)
Le Front populaire salue le courage des Burkinabés
Dans un communiqué rendu public hier jeudi 30 octobre 2014, le Front populaire contre la révision populaire que dirige Jean-Pierre Lisanga Bonganga, a salué le courage patriotique des Burkinabés qui ont démontré à la face du monde leur maturité politique en mettant en déroute la dérive dictatoriale de Blaise Compaoré.
Pour cette plate-forme politique de l’Opposition, cette victoire éclatante augure une nouvelle ère démocratique qui doit servir d’exemple à tous les dictateurs africains.
Au regard de ce qui s’est produit au Burkina, le Front populaire contre la révision constitutionnelle réitère ses mises en garde contre toute initiative ou tentative de révision ou de changement de la Constitution en République démocratique du Congo, au risque de mettre en péril la paix et la concorde nationale chèrement acquises grâce à la signature de l’Accord global et inclusif, pacte républicain qui a sanctionné le Dialogue intercongolais de Sun City en Afrique du Sud.
Par Lefils Matady