Dans une déclaration lue, vendredi 3 juillet, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo dit "apprécier et appuyer" la démarche menée auprès du Procureur général de la République par le conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Le "Premier" s’est cru obligé de relayer les propos tenus par le PGR (Procureur général de la République) en parlant de "dénonciation" et non de "plainte". Matata a, par ailleurs, affirmé son attachement à la bonne gouvernance et à l’éthique. Tout en prétendant qu’aucun nom n’a été cité, le "Premier" prend la défense notamment de l’ancien ministre-délégué aux Finances. Incohérence!
Plus d’une semaine après la saisie du Procureur général de la République par le conseiller spécial Emmanuel Luzolo Bambi Lessa, le "chef du gouvernement" congolais a enfin quitté son univers où l’on ne parle que de la croissance macroéconomique. Une croissance qui n’a produit jusqu’ici aucun "impact visible" au niveau du quotidien de la population. On peut gager que Matata n’a pas agi de son propre mouvement. Il a reçu des instructions. De qui d’autre sinon de "Joseph Kabila"?
Contre toute attente, le "Premier" Matata dont la "compétence" semble se limiter jusqu’ici aux questions économiques, a exercé le ministère de la parole pour parler de la justice. L’homme est généralement impassible lorsque la sécurité nationale est menacée. Il en est de même en ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens. Il ne fait de vagues. Il attend des directives du "raïs".
Ignorant sans doute qu’il est le chef du gouvernement habilité, à ce titre, à conduire la politique de la nation, Augustin Matata s’est adressé à la presse. Ceux qui attendaient la communication d’un chef de gouvernement ont cru être en face d’un simple haut fonctionnaire. Aucune annonce forte. Rien que des banalités. "L’opinion tant nationale qu’internationale a été informée de la démarche effectuée auprès du Procureur général de la République par le conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme", a-t-il déclaré en liminaire.
Ignorant également que les magistrats du Parquet sont placés sous l’autorité du ministre de la Justice en sa qualité de garde des sceaux, le chef du gouvernement s’est contenté de paraphraser le Procureur général de la République : "Cette démarche consiste, comme l’a précisé le Procureur général de la République, en une dénonciation. Il ne s’agit donc pas d’une plainte, ni des faits résultant des enquêtes menées par des services attirés". "Le Procureur général de la République ajoute par ailleurs que le dossier ne porte aucun nom, et que tout se qui raconte n’est que rumeur. Il met aussi en garde ceux qui citent les gens sans en avoir la preuve". Inimaginable!
On a vite compris que le "soldat" Matata est venu à la "rescousse" du PGR dont la sortie médiatique, la veille, n’avait guère convaincu lorsqu’il prétendait qu’aucun nom n’a été cité dans le document lui remis par Luzolo Bambi. Et ce, contrairement aux éléments rapportés par l’AFP et la presse kinoise. "L’on peut donc s’interroger sur la crédibilité des documents contradictoires actuellement en circulation au niveau de la presse, et qui, malheureusement citent le nom d’un membre du gouvernement en fonction et évoquent les fonctions d’un autre déjà parti du gouvernement", note le "Premier" qui crédibilise ce que le PGR et lui entendent mettre sur le compte de la rumeur.
"Chasser le naturel, il revient au galop", dit l’adage. Matata s’est mis aussitôt à débiter des paroles obséquieuses indignes de quelqu’un qui aime s’affubler de l’épithète de "technocrate". Texto : "Dans tous les cas, il convient de rappeler que l’action que nous menons sous le leadership de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, depuis qu’il Lui a plu, il y a un peu plus de cinq ans, de nous élever successivement aux fonctions de ministre des Finances et à celles de Premier ministre, démontre notre attachement à la bonne gouvernance, à la lutte contre la fraude, la corruption et le détournement des deniers publics". Et de poursuivre : " Ainsi, notre adhésion à l’impérieuse nécessité de renforcer les mécanismes juridictionnels et institutionnels de lutte contre la mauvaise gouvernance, la fraude, la corruption et le détournement des deniers publics, est sans faille. Au demeurant, nous apprécions et appuyons la démarche menée auprès du Procureur général de la République par le Conseiller Spécial".
Matata qui prétendait, à l’instar du PGR, qu’aucun nom n’a été cité dans la "dénonciation" du conseiller Luzolo s’est pris les pieds dans le tapis en mettant l’accent sur la "présomption d’innocence" "en vue de préserver l’honneur et la dignité des personnes citées". Tiens! Tiens! Des personnes ont donc été citées.
Sans que personne ne le lui demande, le "Premier" d’évoquer, "à titre d’exemple", l’achat des bus supplémentaires pour TRANSCO. Selon lui, le contrat "n’a pas du tout été" conclu "de gré à gré". Il ajoute : "L’on peut également, dans le même ordre d’idées, mettre en doute la crédibilité de l’implication de l’ancien ministre délégué aux Finances dans le détournement des ressources du go pass, une parafiscalité destinée à la RVA et gérée exclusivement par elle".
Ouvrons la parenthèse. Selon certaines informations, les ressources financières générées par le fameux "go pass" seraient gérées par une société sud africaine en partenariat avec Zoé "Kabila". Les observateurs ont été surpris de voir "Joseph Kabila" parader lors de l’inauguration du nouveau bâtiment de l’aérogare de Ndjili alors que celui-ci a été financé à l’ordre de 86% par la Banque africaine de développement (BAD). La part de l’Etat congolais atteint à peine 16%. Une question reste sans réponse : où vont les 50 $ payés par chaque voyageur allant à l’étranger et les 10$ acquittés par chaque passager du réseau domestique? Le souci de bonne gouvernance ne devrait-il pas inciter le chef du gouvernement à initier une enquête afin d’y voir plus clair? Est-il vrai que le gouvernement débourserait chaque année les 40% de rétrocession destinés aux Provinces? Qui encaisse cet argent? Est-il vrai également que le "ministère des Finances" exige une "commission" égale à 50% lors du paiement de chaque dette intérieure? Est-il vrai que sur instruction du Premier ministre Matata, le trésor public crédite chaque mois "Joseph Kabila" d’un montant de 22 milliards de francs congolais soit 20 millions de dollars? Autre question : chaque titulaire du ministère des Finances est-il tenu de signer une "délégation permanente de pouvoir" au profit du directeur financier de "Joseph Kabila", le nommé Emmanuel Adrupiako. Celui-ci gère-t-il le trésor public avec le gouvernement? Fermons la parenthèse.
Augustin Matata a conclut son message qui ressemble à une "plaidoirie" par ces mots : "Quoi qu’il en soit, la Primature réaffirme son attachement à la bonne gouvernance ainsi qu’aux valeurs de moralité et d’éthique, conformément à la détermination du Président de la République, garant de la Nation, d’amener la République Démocratique du Congo à améliorer ses méthodes de gestion de la chose publique. Elle se rendra disponible pour toute action citoyenne visant à consolider la matérialisation de cette volonté".
Ne faudrait-il pas rappeler à l’actuel Premier ministre congolais qu’aux termes de l’article 91 de la Constitution, le président de la République est "politiquement irresponsable" et que c’est au gouvernement que revient la responsabilité de conduire la "politique de la nation" et d’en rendre compte devant l’Assemblée nationale? Serait-il excessif de clamer ici que l’actuel "chef" du gouvernement - dont les attitudes n’ont rien à envier à celles d’un secrétaire général de l’Administration publique - a raté l’occasion de se taire?"
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