Le très kabiliste PGR Flory Kabange Numbi
Plus d’une semaine après la transmission à son office des «plaintes présidentielles», le Procureur général de la République (PGR), Flory Kabange Numbi, est sorti de son mutisme non pas pour éclairer l’opinion. Mais pour menacer «ceux qui se complaisent» à citer les noms contenus dans le document lui remis par le conseiller spécial Emmanuel Luzolo Bambi Lessa. Il a menacé aussi les personnes qui s’estiment concernées pour avoir été épinglées par les médias. Selon lui, le document qui lui a été remis par le "professeur" Luzolo ne contenait aucun nom. Et pourtant. Le magistrat a revu et corrigé la qualification dudit document. Selon lui, il s’agit d’une «dénonciation». Et non de "plainte". Questions : peut-on dénoncer une infraction sans indiquer l’auteur présumé? En dénonçant des crimes et délits, «Joseph Kabila» pourra-t-il s’abriter derrière son « irresponsabilité politique» pour éviter une plainte éventuelle (demande reconventionnelle) pour dénonciation calomnieuse ?
Au cours du point de presse qu’il a animé, jeudi 2 juillet, le Procureur général de la République (PGR) Flory Kabange Numbi, réputé - plus à raison qu’à tort - pour son inféodation à l’institution Président de la République, a annoncé l’ouverture d’une «information judiciaire» après réception, mardi 23 juin, d’une «dénonciation» émanant du président « Joseph Kabila ». Il y est question de «possibles détournements de fonds ou opérations de blanchiment d’argent». Le face à face avec les médias a été émaillé de deux coups de théâtre.
Plainte ou dénonciation ?
Premier coup de théâtre. Le plus haut magistrat du Parquet du Congo-Kinshasa a revu et corrigé la qualification du document déposé à son office par Emmanuel Luzolo Bambi, conseiller à la Présidence et professeur de droit à l’université de Kinshasa. Pour le PGR, il s’agit d’une «dénonciation». Il n’est donc plus question du vocable «plainte» comme annoncé, semble-t-il, par le conseiller spécial Luzolo. En personne. La différence entre les deux notions est de taille. Si une dénonciation peut émaner d’un tiers, la plainte, elle, ne peut être déposée que par la victime d’une infraction – autrement dit, la personne lésée - qui se constitue éventuellement partie civile.
«Les dénonciations sont faites, nous avons ouvert des informations judiciaires», a déclaré Kabange Numbi qui dissimulait mal un embarrassas certain en articulant à maintes reprises que «les enquêtes de ce genre sont longues». Comme s’il mettait en doutait la fiabilité des « indices matériels » récoltés par Luzolo et son équipe - composée notamment par l’inspecteur général adjoint de la Police judiciaire Boyau Nsala -, le magistrat de souligner que «quelqu’un qui détourne ou qui fait l’exercice de blanchiment de capitaux prend toutes les précautions pour ne pas se faire prendre». Le magistrat a-t-il usé des périphrases pour ne pas avouer sa volonté de conclure ce dossier sulfureux par une "inopportunité de poursuites"? Deuxième coup de théâtre. Le PGR Kabange a soutenu sans rire que le document déposé à son office ne contenait «aucun nom». Vraiment ? Et de promettre aussitôt des bosses et des plaies à ceux qui «se complaisent» à égrener les personnalités dont les noms apparaitraient dans la «dénonciation présidentielle». Il a invoqué, à l’appui, le «secret de l’instruction et la présomption d’innocence». Des principes bien nouveaux dans les mœurs judiciaires du Congo démocratique.
Intimidation
Conscient de l’effet boomerang de la démarche initiée par «Joseph Kabila», le Procureur général de la République s’est cru en droit de brandir la «matraque» en direction du monde congolais de la presse. La presse doit-elle se départir de son devoir premier qui consiste à respecter la vérité au nom du droit du public à connaître la vérité ? La réponse est : Non ! Par définition, un journaliste est avant tout un investigateur. Peut-on franchement empêcher la presse de jouer son rôle de contre-pouvoir sous le fallacieux prétexte de violation du secret d’instruction et de la présomption d’innocence? Kabange Numbi considère-t-il les journalistes comme des auxiliaires du pouvoir judiciaire? Source indépendante, l’AFP assure dans sa dépêche datée du 25 juin 2015 avoir consulté les vingt pages du fameux document querellé transmis au Parquet général de la République. L’Agence affirme avoir noté les patronymes de quatre gouverneurs de provinces, de l’ancien directeur du cabinet présidentiel ainsi que ceux d’une quinzaine d’autres personnes. Qui dit vrai? Qui affabule? Samedi 27 juin, onze organisations non gouvernementales congolaises ont mis en garde le pouvoir kabiliste à ne pas «instrumentaliser la justice à des fins politiques». C’est malheureux à dire mais les Congolais sont les premiers à se méfier de l’appareil judiciaire de leur propre pays. Un appareil judiciaire truffé de magistrats incompétents, inféodés au pouvoir politique et peu insensibles aux espèces sonnantes et trébuchantes.
"Apprenti-sorciers"
Le premier alinéa de l’article 91 de la Constitution promulguée le 18 février 2006 énonce clairement que «le gouvernement définit en concertation avec le Président de la République la politique de la nation et en assume la responsabilité». Il va sans dire que, pour être valides, tous les actes du chef de l’Etat doivent être couverts par le gouvernement en général et le ministre compétent en particulier. Le cinquième alinéa de ce même article d’enchaîner : « Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale (…) ». Deux questions méritent, dès lors, d’être posées : En dénonçant les faits portés à la connaissance de son cabinet directement au ministère public et non via le ministre de la Justice, «Joseph Kabila» n’écorche-t-il pas son «irresponsabilité politique» ? Serait-il désormais prêt à affronter les victimes éventuelles d’une dénonciation calomnieuse?
Après le point de presse du PGR Kabange Numbi, il n’était pas rare d’entendre des réactions de ce genre : «Le PGR Kabange Numbi qui se dit Pasteur donne l’impression d’ignorer que la Justice élève une nation»; «Le Congo est dirigé par des apprenti-sorciers» ; «Luzolo parle de plainte, Kabange Numbi préfère le mot dénonciation, la preuve est ainsi faite qu’on se trouve face une conspiration politique» ; «C’est désolant d’entendre le PGR qui est censé protéger la société inviter les citoyens à s’ériger en délateurs. Voilà ce qui arrive lorsqu’on dirige un Etat au gré des humeurs et des intérêts des puissants du moment … »."
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire