RDC : LE MÉDIATEUR EDEM KODJO SERA ARTISAN OU FOSSOYEUR DE LA GRANDEUR DE L’AFRIQUE
M. Edem Kodjo vient d’entamer en République Démocratique du Congo (RDC) ce qui pourrait être la dernière grande mission de sa très longue carrière de diplomate. Un privilège unique de se choisir, en toute connaissance de cause, la place qu’il souhaite avoir dans l’Histoire de l’Afrique.
A 78 ans, M. Edem Kodjo est en train de terminer une carrière politique nationale et internationale des plus longues en Afrique. Ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Togo, M. Édouard Kodjovi Kodjo (de son vrai nom) doit surtout sa renommée internationale à son séjour éthiopien des années 70 et 80 en qualité de Secrétaire général de la défunte Organisation de l’Unité Africaine (OUA).
A ce titre, le nom du nouvel envoyé spécial de l’Union Africaine (UA) en RDC est intimement lié à ceux de quelques anciens et mythiques fils de la diplomatie africaine. A leur tête, le Camerounais William Eteki Mboumoua et, plus près de nous, feu Gérard Kamanda Wa Kamanda que le destin vient tout juste d’arracher à notre affection.
Edem Kodjo face à deux choix
Au crépuscule de la vie, en acceptant la mission de médiateur que l’UA lui confie en RDC, M. Kodjo se voit conférer le privilège d’écrire lui-même les phrases qui définiront l’ultime héritage politique qu’il va léguer à l’Afrique, l’épitaphe sur sa tombe!
Choisira-t-il d’être vu par la postérité comme un autre défaillant africain ou, au contraire, comme le fils prodige ayant contribué à façonner le renouveau d’un continent perpétuellement «mal parti» ?
En cohérence avec la lettre de mission ambigüe de l’UA qui accrédite le médiateur, les premières déclarations de M. Kodjo semblent trahir un penchant à traiter la RDC en fonction des récents développements au Rwanda, au Congo Brazzaville et au Burundi, loin des alternatives courageuses que le nouveau Nigeria, la Tanzanie et le Sénégal offrent à notre continent.
Et pourtant, tout comme comparaison n’est point raison, proximité et voisinage ne devraient forcément rimer avec uniformité et conformité. Pas étonnant dès lors que le premier tour de piste de M. Kodjo à Kinshasa ait suscité émoi et consternation au sein de la population et de l’opposition congolaises.
Si le Premier ministre Kodjo aborde le projet de dialogue congolais avec une perspective strictement sous-régionale, sa griffe se retrouvera, demain, dans le registre de l’Afrique d’hier, celle des hommes forts et du déclin d’une terre affamée qui a pourtant tout pour être à l’abri du besoin et s’éviter la honte de la main qui ne se tend que pour quémander.
Cette Afrique dont la jeunesse en a marre au pays de Léopold S. Senghor, l’Afrique des rendez-vous du recevoir sans donner.
Dans cette hypothèse, en redorant à Kinshasa le blason terni des hommes forts au détriment de la force des institutions, l’ancien Secrétaire général de l’OUA signerait vraisemblablement le grand retour des dictatures pourtant en perte de vitesse sur le continent, y compris dans les pays qui ont choisi aujourd’hui de donner une chance à la démocratie et de la voix à leurs populations.
Ce faisant, M. Kodjo contribuerait à accélérer l’appauvrissement du continent noir et, avec lui, l’aggravation de l’humiliation de ses filles et fils.
Si, au contraire, M. Kodjo assigne à sa médiation l’objectif d’aider la RDC à rejoindre le club des nations matures à institutions fortes, son héritage politique figurera en lettres d’or dans les livres de l’Afrique de demain, celle de dirigeants qui servent leurs pays et rendent compte à leurs populations.
L’Afrique du sens de responsabilité, de l’espoir et du progrès. Cette Afrique à laquelle aspire sa jeunesse aujourd’hui désabusée et déboussolée. Le triomphe éventuel de cette deuxième hypothèse au Congo grâce à la médiation Kodjo ouvrirait vraisemblablement la porte au retour, demain, par la grande porte, de la prééminence des institutions sur les hommes forts aussi bien à Brazzaville, à Kigali, qu’à Bujumbura.
Pour quelle Afrique M. Kodjo se bat-il en RDC?
A son atterrissage à Kinshasa M. Kodjo avait certainement déjà fait son choix entre les deux visions de l’Afrique esquissées ci-dessus. C’est cette intime conviction qui dicte la stratégie et les actions qu’il déploie pour accomplir sa mission en RDC après celle, ratée, au Burundi voisin.
Après le cuisant échec dans ce dernier pays, la performance et le bilan au Congo de l’ancien Secrétariat général de l’OUA scelleront définitivement son héritage politique à l’Afrique.
Pour quelle Afrique M. Édouard Kodjovi Kodjo se bat-il en RDC? Celle de l’honneur et de la dignité ou, au contraire, l’Afrique de l’incurie et de l’irresponsabilité au sommet de nos Etats. Les prochaines semaines nous le diront!
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