MARDI, 03 SEPTEMBRE 2013 10:59
L’homme qui avait laminé intellectuellement Évariste Boshab après la publication de son livre pro-révision revient à la charge. Cette fois-ci, le professeur constitutionnaliste André Mbata s’adresse directement au Chef de l’Etat dans une “lettre ouverte” qu’il a fait parvenir à “CONGONEWS” depuis Johannesburg où il dispense des enseignements. Il met Joseph Kabila en garde de se laisser aller à la tentation de prolonger son mandat et lui montre la voie pour une vie normale après le pouvoir à l’instar des anciens Chefs d’Etat africains comme Abdou Diouf ou Nicéphore Soglo. “C’est la première et principale annonce que la Nation attend de vous lorsque vous ouvrez les Concertations», exhorte l’universitaire engagé à l’endroit de l’initiateur des Concertations nationales. (Ci-dessous la lettre ouverte du professeur André Mbata en intégralité)
Mr Joseph KABILA KABANGE
Président de la République Démocratique du Congo
Palais de la Nation/Palais du Peuple
KINSHASA
Concerne: Votre engagement solennel à respecter la Constitution, spécialement son Article 220 et à vous retirer du pouvoir à la fin de votre second et dernier mandat le lundi 19 Décembre 2016 à minuit
Monsieur le Président,
J’ai été informé du fait que vous préparez sérieusement votre discours d’ouverture des concertations nationales. Vous me permettrez de solliciter votre compréhension car j’ai appris que vous avez généralement besoin d’une forte concentration pour préparer les rares discours que vous prononcez devant la Nation.
Je me permets néanmoins d’espérer être entendu de vous dans la mesure où vous seriez attentifs aux préoccupations de vos compatriotes même s’ils ne partagent pas votre orientation politique. Cette lettre, je vous l’adresse comme Président de la République, Chef de l’Etat, mais pour éviter tout malentendu, j’aimerais d’abord justifier pourquoi je le fais ainsi avant de me présenter et d’entrer dans le vif de mon sujet.
Monsieur le Président,
Plusieurs milliers de personnes ne vous reconnaissent pas cette qualité en raison des élections chaotiques à l’issue desquelles vous étiez proclamé élu par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et la Cour suprême de justice faisant encore office de Cour constitutionnelle. Ils ont sûrement des raisons de le faire. Je m’adresse cependant à vous comme Président de la République, Chef de l’Etat étant donné que ma formation de juriste m’oblige de le faire et je souhaiterais aussi que les autres arrivent à me reconnaitre cette qualité le jour où j’aurai la chance d’occuper le fauteuil que vous occupez encore pour environ trois ans. Aussi, l’Article 79 de la Constitution qui contient le serment présidentiel se réfère à «Moi….élu Président de la République». Vous aviez prêté ce serment et je préfère vous reconnaître le titre de Président de la République «élu», peu importe que vous ayez été démocratiquement élu ou non, que vous soyez «légal» et non «légitime» eu égard à la différence qui existe bien entre «légalité», notion juridique, et «légitimité» qui est par contre une notion sociologique. Je vous écris avec le plus grand respect de hautes fonctions que vous assumez «légalement» même si vous seriez toujours à la recherche de la «légitimité» dont par contre jouirait votre «Collègue» de Limete qui a également droit à mon plus profond respect compte tenu de hautes fonctions qu’il exerce «légitimement» en attendant de recouvrer l’imperium. Tout en vous reconnaissant la qualité de Président de la République, vous me permettrez cependant que je n’utilise pas l’expression de «Rais» utilisé par les militants de votre parti auquel je n’adhérerai pas étant donné que vous vous êtes vous-même présenté aux élections comme un «candidat indépendant» comme si vous aviez honte de votre propre oeuvre. Vous m’excuserez également que je n’utilise pas l’expression «Excellence» qui relève d’une autre époque.
En consultant l’internet, vous noterez que j’ai écrit deux ouvrages sur Barack OBAMA car nous ne devons pas laisser aux Occidentaux le soin d’être spécialistes de nos pays alors que nous nous serions incapables de réfléchir sur leurs régimes. Dans ces livres, je n’ai nullement utilisé cette expression archaïque d’«Excellence» et lorsque j’ai eu la chance de m’adresser à vos collègues Chefs d’Etats africains à Dakar, Ouagadougou, Bujumbura, Kampala, Arusha, Nairobi ou Maputo, je n’ai jamais utilisé le terme «Excellence» et ces Chefs d’ Etat ne se sont jamais sentis offusqués ou offensés. Il ne s’agit nullement d’un manque d’égards à votre endroit et je voudrais le souligner avec force dans notre pays où s’adresser à vous ou parler de vous sans utiliser l’expression «Excellence» serait considéré comme un crime de lèse-majesté ou un «outrage au Chef de l’Etat».
Monsieur le Président,
Je dois aussi me présenter brièvement même si je sais que vous me connaissez. Vous avez sans doute déjà entendu parler de moi-même si vous ne m’avez jamais vu ni à la Ferme ni dans aucun autre de vos nombreux Palais ou que vous n’avez jamais vu une demande d’emploi de ma part, la raison étant que je me préoccupe encore de l’enseignement de nos compatriotes, un enseignement tombé au plus bas avec des universités que vos partisans ont voulu créer dans chaque village alors qu’il n’y a ni bibliothèques, ni bâtiments, ni professeurs compétents. Vos ministres doivent sans doute vous l’avoir dit, aucune université congolaise ne figure parmi les 150ères universités africaines. Votre gouvernement n’a jamais donné plus de 10% à l’éducation alors que le budget de l’enseignement est de plus de 30% dans certains pays du continent. Pour l’avenir, je verrai si je pourrais présider le Sénat que vous vous préparez à venir bientôt comme Sénateur à vie. Si tel est le choix que je ferai et que ce choix se concrétisait, Monsieur le Président, vous pouvez compter sur moi car tous les égards vous seront accordés. Vous aurez la préséance sur tous lorsque vous demanderez la parole. Je ne ferais pas comme les actuels Présidents des chambres qui les ont réduites au silence, imposent leurs vues en prétendant résumer les débats et coupent régulièrement la parole aux parlementaires surtout ceux qui critiquent votre régime. Au contraire, je vous accorderais le plus long temps de parole, la Nation devant bénéficier de votre expérience en tant qu’ancien Président de la République. Après avoir gardé le silence même quand il ne le fallait pas comme il se doit à celui qui transporte les «oeufs» (momemi ya maki), vous serez enfin libre de parler comme une autre personne sera chargée de transporter les «oeufs» dont j’espère qu’ils ne seront pas pourris lorsque vous les transmettrez bientôt à votre successeur. Je dois aussi vous dire ce que vous savez déjà même si vous ne fréquentez pas l’Université de Kinshasa qui vous attend toujours mais où vous n’avez jamais mis vos pieds depuis plus d’une décennie que vous êtes Président de la République alors que nos milliers d’étudiants, le personnel académique, scientifique et administratif espérait que vous feriez mieux que vos illustres prédécesseurs en venant régulièrement sur la «Colline inspirée». Vous avez encore trois ans et nous pouvons encore espérer que vous viendrez. Vous me trouverez sur cette Colline comme professeur de droit constitutionnel, un «vrai» d’après ce que mes adversaires eux-mêmes proclament même si nous n’avons jamais partagé des chambres à l’Hôtel du Fleuve. Ils me reprochent de ne pas me taire en disant tout haut ce qu’eux-mêmes pensent tout bas. Je suis reconnaissant qu’ils me respectent comme un «vrai» dans une Faculté et une université qui n’ont cessé de produire de nombreux «tambourinaires du pouvoir». Je puis vous informer que lorsque le peuple zaïrois revendiquait une Conférence nationale souveraine, l’un de nos professeurs n’avait pas hésité de banaliser cette revendication en demandant au peuple de se taire parce que selon lui, la conférence nationale était égale à la conférence constitutionnelle qu’il rejetait. Un autre professeur enseignait que le peuple zaïrois d’alors n’avait pas raison de revendiquer la souveraineté car d’après lui, le peuple n’était pas souverain dans un pays comme la Belgique qui nous avait colonisés et où la souveraineté appartient non pas au peuple, mais plutôt au Roi suivant l’expression de «Souverain belge» utilisée pour le monarque. C’était vraiment l’ignorance du droit constitutionnel belge qui continue du reste parmi les professeurs de droit, y compris ceux qui ont fait des études doctorales en Belgique. Il n’est dès lors vous accorderais le plus long temps de parole, la Nation devant bénéficier de votre expérience en tant qu’ancien Président de la République. Après avoir gardé le silence même quand il ne le fallait pas comme il se doit à celui qui transporte les «oeufs» (momemi ya maki), vous serez enfin libre de parler comme une autre personne sera chargée de transporter les «oeufs» dont j’espère qu’ils ne seront pas pourris lorsque vous les transmettrez bientôt à votre successeur.Je dois aussi vous dire ce que vous savez déjà même si vous ne fréquentez pas l’Université de Kinshasa qui vous attend toujours mais où vous n’avez jamais mis vos pieds depuis plus d’une décennie que vous êtes Président de la République alors que nos milliers d’étudiants, le personnel académique, scientifique et administratif espérait que vous feriez mieux que vos illustres prédécesseurs en venant régulièrement sur la «Colline inspirée». Vous avez encore trois ans et nous pouvons encore espérer que vous viendrez. Vous me trouverez sur cette Colline comme professeur de droit constitutionnel, un «vrai» d’après ce que mes adversaires eux-mêmes proclament même si nous n’avons jamais partagé des chambres à l’Hôtel du Fleuve. Ils me reprochent de ne pas me taire en disant tout haut ce qu’eux-mêmes pensent tout bas. Je suis reconnaissant qu’ils me respectent comme un «vrai» dans une Faculté et une université qui n’ont cessé de produire de nombreux «tambourinaires du pouvoir». Je puis vous informer que lorsque le peuple zaïrois revendiquait une Conférence nationale souveraine, l’un de nos professeurs n’avait pas hésité de banaliser cette revendication en demandant au peuple de se taire parce que selon lui, la conférence nationale était égale à la conférence constitutionnelle qu’il rejetait. Un autre professeur enseignait que le peuple zaïrois d’alors n’avait pas raison de revendiquer la souveraineté car d’après lui, le peuple n’était pas souverain dans un pays comme la Belgique qui nous avait colonisés et où la souveraineté appartient non pas au peuple, mais plutôt au Roi suivant l’expression de «Souverain belge» utilisée pour le monarque. C’était vraiment l’ignorance du droit constitutionnel belge qui continue du reste parmi les professeurs de droit, y compris ceux qui ont fait des études doctorales en Belgique. Il n’est dès lors justification des millions de dollars engloutis dans le projet. Après cette brève présentation, permettez-moi de vous féliciter avant d’aborder le vif de mon sujet.
Monsieur le Président,
Je voudrais vous adresser mes félicitations les plus sincères pour plusieurs raisons. D’ abord, très peu de personnes vous connaissaient en 1997. En 2001, à la suite de l’assassinat de votre père que j’ai toujours déplorée, vous voilà désigné Président de la République alors que vous n’étiez pas membre du gouvernement et qu’aucun texte ne pouvait le justifier et la Cour suprême de justice vous avait reconnu au nom d’un nouveau droit constitutionnel qui se pratique et s’enseigne dans notre pays. Il s’agit là d’un exploit, un «haut fait d’armes» suivant le langage militaire que vous connaissez et appréciez mais que très peu de personnes auraient tenté et réussi dans notre pays. Tout le monde, y compris vos détracteurs devaient être honnêtes pour vous reconnaître un tel exploit qui n’est cependant pas le seul. Votre accession au pouvoir qui s’est passée comme dans une monarchie alors que l’on se trouvait dans une « République » a également été une source d’inspiration sur le continent. Le Togo avait donné le ton, mais le Gabon a sûrement suivi votre modèle. En 2001, vous commencez votre régime/règne en acceptant la tenue du Dialogue inter-congolais qui était rejeté par votre père. Vous acceptiez ce dialogue non pas parce qu’il servait la cause de la démocratie et de la paix, mais parce qu’il vous était favorable à court terme. Vous acceptiez par la suite de siéger dans un «gouvernement 1 + 4» et réussissiez en douceur à éliminer politiquement vos adversaires de l’opposition et à transformant en collabos certaines personnes qui vous combattaient auparavant. En 2006, pendant que certains étaient occupés à se disputer l’argent qui constitue avec la bière et les femmes les points les plus faibles des Congolais, vous réussissiez à imposer l’Abbé MALU MALU comme président de la Commission électorale qui n’était indépendante que de nom avec pour mission de vous proclamer Président et de vous constituer une majorité au Parlement à la suite de ces élections peu crédibles. Et le coup était réussi avec l’Abbé MALUMALU qui se voyait décerner des diplômés de doctorat honoris causa pour la «bonne organisation» de ces élections truquées alors même qu’il n’avait encore présenté aucune thèse doctorale. En 2011, vous faites encore mieux, Monsieur le Président. En bon joueur, vous changez de cartes. L’Abbe MALU MALU était remplacé par le Pasteur NGOYI MULUNDA, un autre religieux qui fera mieux que lui dans le bourrage des urnes. Du coté de la justice, vous vous opposez avec succès à la création d’une Cour constitutionnelle qui serait totalement indépendante tout en ne vous privant pas de nommer des membres de la Cour suprême de justice pendant que la Constitution ne vous le permettez pas parce que vous étiez déjà en campagne comme tous les autres candidats. Belle trouvaille car ce sont ces mêmes magistrats nommés par vous in tempore suspecto qui devaient confirmer votre élection, rejeter toutes les requêtes introduites par vos concurrents avant de recevoir votre serment présidentiel. En début d’année 2011, pressentant que vos adversaires politiques pouvaient se rassembler contre vous et vous ravir le pouvoir au second tour des élections et connaissant bien la «passion des Congolais» non pas pour le Congo comme d’aucuns le disent, mais leur passion pour le pouvoir et l’argent en dehors bien sûr de la bière et de la musique, en l’espace de 48 heures, vous réussissiez l’exploit de faire réviser la Constitution en supprimant le second tour alors que la question de la révision ne figurait nullement à l’ordre du jour pour être examinée par le Senat comme le veut le Règlement intérieur de cette chambre et alors que vous aviez vous-même déclaré vous opposer à une révision constitutionnelle proposée par un professeur «constitutionaliste» pour vous consacrer comme le «magistrat suprême» avec toute autorité sur le pouvoir judicaire. On savait que le vote de cette révision constitutionnelle était acquis à l’Assemblée nationale où l’argent avait été distribué nonobstant le fait que vous y disposiez d’une majorité. Le Sénat posait un problème, mais vous pouviez compter sur la coopération du Président de cette chambre malgré son appartenance à l’opposition et vous venez de faire mieux en lui confiant la coprésidence des Concertations nationales. Il le méritait bien en dehors d’autres actes de reconnaissance pour services rendus et on peut compter sur lui pour la suite des événements. Loin de vous desservir, par exemple, sa trouvaille de «Gouvernement de large union nationale» a été malheureusement critiquée par vos adversaires et même par vos propres partisans qui ne connaissent pas votre stratégie mais auxquels vous donnerez l’ordre de se taire le moment venu. En attendant, vous gardez votre habituel calme olympien car cette formule aura permis de pêcher avec succès dans la marre du diable qui constitue l’opposition, une pêche miraculeuse de nombreux poissons que vous ne savez même pas transporter au regard du nombre de vrais-faux opposants qui ont rejeté toutes les conclusions du Conclave auquel ils venaient de participer et leurs déclarations antérieures et ont failli casser le portes du Palais du peuple pour se retrouver aux Concertations. Le Président KENGO vous aura permis de saborder l’opposition et même la société civile appâtées par le partage du pouvoir et avant tout par les per diem promis et que le Gouvernement MATATA a décaissé avec regret pour servir ces gens qui veulent son départ de la primature. Même la trop parlante et sévère Eglise catholique a mordu à l’hameçon. Malgré les critiques et au grand dam du Cardinal MONSENGWO, la CENCO a décidé d’envoyer au Palais son Secrétaire Général, l’Abbé SANTEDI, probablement l’homme le plus souriant de la Républiques et dont le sourire électrise le Palais. Déjà, les prélats catholiques avaient beau prophétisé et manifesté leur opposition contre l’Abbé MALU MALU, mais voilà que ce dernier a accepté son poste et vous avez gagné, Monsieur le Président. Il n’y a pas eu et il n’y aura pas d’excommunication. Les sanctions canoniques appliquées par son évêque ne viendront jamais car le Prélat y trouve son compte depuis des années. D’autre part, vous aviez depuis longtemps obtenu l’allégeance des églises Kimbanguiste, musulmane et protestante sans parler de nombreuses églises dites de réveil mais qui ne cessent d’endormir notre peuple. Mgr MARINI siège à la Fondation Laurent-Désiré KABILA et ne saurait oublier tout le soutien qui avait fait de lui le président du Sénat pendant la transition. Ensuite, c’est son temple protestant qui sert à présent de lieu officiel des cultes du Gouvernement et de la majorité comme réponse au comportement peu «nationaliste» de l’Eglise catholique, surtout de l’Archevêque de Kinshasa. L’Eglise Kimbanguiste est acquise depuis longtemps. Il en est de même des musulmans dont le Représentant légal faisait partie de la délégation gouvernementale à Kampala. En dehors de l’Archbishop KUTHINO FERNANDO qui s’était «égaré» dans ses prophéties, la plupart des archbishops, bishops, apôtres, prophètes, évangélistes et musiciens chrétiens et profanes sont avec vous. Véritable travail d’orfèvre réalisé avec le concours du Pasteur MUGALU, Chef de la Maison civile qui parle et agit plus qu’aucun autre chef de la maison civile sous vos prédécesseurs et que certains compatriotes de l’arrière-pays prennent pour un membre permanent du gouvernement.Dans l’opposition, la plupart de ceux qui criaient fort se sont tus. Les rangs de l’opposition se sont dégarnis. Les voilà aux Concertations alors que vous n’avez pas changé d’un seul iota votre ordonnance. Ils peuvent continuer à tromper l’opinion. L’expression d’ «accompagnateur à la carte» au lieu de «médiateur» donnée au Président Sassou NGOUESSO a suffi alors que ce dernier ne jouera aucun rôle. Aucune de leurs résolutions ne vous sera opposable. Vous n’appliquerez que celle qui vous plaira. Dans un forum dominé à 85% par la Majorité présidentielle, le «consensus» se réduit au vote de la Majorité elle-même. Ces Concertations n’apporteront rien à la cohésion nationale, mais elles vous permettront d’élargir tant soit peu votre légitimité dans le pays. Depuis 2006, Monsieur le Président, vous avez également réussi l’exploit d’imposer un silence de cimetière à tous les juristes congolais sur au moins deux points. Le premier, c’est la nomination du Premier Ministre. Suivant l’Article 78, celui-ci devrait être nommé «au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci». Cependant, tout membre d’un parti de la coalition au pouvoir ne fait pas partie de la «majorité parlementaire» qui n’est constituée que de parlementaires. La Majorité présidentielle n’est pas non plus à confondre avec la majorité parlementaire et s’agissant du Première ministre, la Constitution précise qui’ il ne peut être nommé qu’au sein de cette dernière majorité. Toutefois, en 2006, vous aviez nommé le Patriarche GIZENGA qui n’était pas parlementaire ni un élu. Pour le remplacer après sa démission, vous nommiez Adolphe MUZITU qui n’était pas non plus parlementaire et qui avait même perdu l’élection comme Député provincial à Kinshasa. Après votre élection contestée de novembre 2011, vous nommiez MATATA MPONYO qui n’était pas parlementaire et avait perdu l’élection dans sa province de Maniema comme Député national. Toutes ces nominations se sont faites en violation de la Constitution. Le second point est que vous avez réussi à faire passer le régime congolais d’un régime parlementaire à un régime présidentialiste où tous les pouvoirs sont entre les mains du Président. Le Parlement, qui doit faire la volonté de l’Autorité morale est déjà une chambre d’enregistrement qui ne contrôle rien, même pas le gouvernement. Le plus actifs en son sein fabriquent des motions ou des questions qu’ils monnayent par la suite auprès des membres du gouvernement concernés. En régime parlementaire, le Président n’est pas le chef du Gouvernement qui définit lui-même son programme sous la direction du Premier Ministre. Mais voilà un pays où le Premier ministre dit appliquer le programme du Président de la République et tout faire sur ses instructions. Vous avez aussi constaté que chaque Ministre a compris qu’il doit citer votre nom dans tout discours qu’il prononce et dire qu’il agit sous vos instructions sans même parler du Premier Ministre comme s’il s’agissait du prescrit d’une ordonnance présidentielle qui n’ a jamais été publiée. En 2001, on ne savait pas d’où vous veniez lorsque vous succédiez à votre père en dehors de toute règle constitutionnelle. Personne ne vous donnait 12 jours car ils vous prenaient pour un enfant. Et voilà 12 ans déjà que vous êtes au pouvoir. Au terme des élections chaotiques de 2011, certains de vos adversaires vous donnaient trois jours avant que vous ne leur soyez amené pieds et mains liés. Erreur historique et «prophétique», dirait mon collègue Kimbanguiste. Dans le cadre de la politique du ventre, un universitaire nigérian n’avait pas hésité de qualifier le général BABANGIDA de MARADONA de la politique grâce à des dribles spectaculaires et même des buts marqués avec la main dans la surface de réparation et aussitôt validés par l’arbitre et les juges de touche qui entraient eux-mêmes dans la danse comme s’ils étaient des joueurs sur le terrain. Nul doute qu’il n’hésiterait pas de vous comparer au MARADONA de la vie politique congolaise avec cette tactique exceptionnelle de créer des cafouillages dans la surface de réparation du camp adverse, de marquer souvent par hors-jeu contre l’équipe adverse et souvent avec les applaudissements de ses propres joueurs n’hésitant pas de porter le marqueur en triomphe malgré les buts encaissés par eux. En tant que scientifique, comment pouvais-je, Monsieur le Président, vous écrire une lettre sans vous féliciter pour tous ces hauts faits?
Monsieur le Président,
N’ayant jamais été de votre entourage, ce que je n’ai jamais demandé et que je ne regrette nullement, j’ai cependant entendu dire que vous seriez un homme de parole comme vous aviez respecté vos accords avec le Patriarche GIZENGA et NZANGA MOBUTU. Vous seriez également intraitable dans le respect des engagements privés négociés et signés dans des Hôtels ou dans votre célèbre ferme de Kingakati dans laquelle je ne me suis jamais rendu pour la comparer à la ferme de la N’Sele. Si l’on voudrait croire que vous êtes un homme de parole, si vous aviez respecté jusqu’au bout des accords privés, vous feriez mieux de respecter scrupuleusement la Constitution qui est la loi suprême du pays, y compris son Article 220. Avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de vous rappeler que l’Article 69 de la Constitution vous oblige de veiller au respect de celle-ci. Cette obligation est reprise dans le serment que vous aviez prêté et que je reprends ci-dessous :
«Moi, Joseph KABILA KABANGE élu Président de la République Démocratique du Congo, je jure solennellement devant Dieu et la nation:
-d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République;
-de maintenir son indépendance et l’intégrité de son territoire,
-de sauvegarder l’unité nationale;
-de ne me laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine;
-de consacrer toutes me forces à la promotion du bien commun et de la paix;
-de remplir, loyalement et en fidèle serviteur du peuple, les hautes fonctions qui me sont confiées».
Ce serment est sacré, ayant été prêté devant Dieu et la Nation. Dans vos rares allocutions, vous vous référez souvent à Dieu, ce qui me réjouit. A l’heure où je vous écris, vous constatez avec moi que l’indépendance et l’intégrité du territoire ne sont pas maintenus comme l’attestent l’occupation par le Rwanda d’une partie du pays, l’occupation de Maha gi et d’autres territoires par l’Ouganda ou encore l’exploitation du pétrole dans notre mer territoriale par l’Angola. La convocation des Concertations nationales est aussi une reconnaissance de votre part que l’unité nationale n’a pas été sauvegardée. L’intérêt général est un slogan car plusieurs personnes de votre entourage quand bien même ils parlent du peuple ne recherchent que leur intérêt personnel. L’impunité règne autant que la corruption dans notre pays. En dépit de hautes fonctions que vous exercez, la Constitution fait de vous et vous avez vous-même juré d’être non pas le maître mais un «loyal» et «fidèle» serviteur du peuple. En relisant calmement votre serment prononcé le mardi 20 décembre 2011, vous constaterez vous-même que vous n’avez pas respectez l’ensemble de vos engagements. Comme citoyen et faisant partie du peuple dont vous avez juré d’être un «loyal» et «fidèle» serviteur, j’ai le droit de vous demander des comptes. J’aurais pu vous demander de démissionner comme cela se fait dans d’autres pays. Cependant, je m’interdis de le faire pour plusieurs raisons. La première raison, comme vous l’aviez vous-même constaté, est que dans notre pays, «on ne mange pas l’honneur». Pourquoi devrais-je alors vous demander de démissionner même si vous l’auriez vous-même fait depuis longtemps? Il s’agira dans tous les cas d’une décision que vous prendrez et que vous annoncerez comme il vous plaira vous-même si jamais vous décidiez d’apprendre le sens de l’honneur à notre peuple au nom de la Nouvelle Citoyenneté qui n’a pas été définie et que vos collaborateurs exigent plus du peuple plus que d’eux-mêmes. La deuxième raison pour laquelle je ne vous appelle pas à démissionner, c’est parce que vous pouvez encore bien faire –il n’est jamais tard– en respectant la Constitution qui est votre premier engagement dans le serment que vous aviez prêté solennellement devant Dieu et la Nation. L’Article 220 de cette Constitution fixe à deux le nombre de mandats présidentiels. La troisième raison tient au fait que je reconnais les efforts que vous avez faits. Les immeubles modernes sortent des terres à Kinshasa même si on sait que la plupart des propriétaires sont des étrangers qui donnent des participations ou des commissions à ceux qui sont au pouvoir et que les rares congolais qui le sont ne peuvent justifier l’origine non criminelle de leurs avoirs financiers. Vous avez également élargi le Boulevard du 30 Juin, même si ce tronçon de moins de 10 Kms qui a coûté plusieurs millions de dollars ne serait pas considéré comme une preuve de modernité dans les pays que vous avez visités. La route qui va du Palais du peuple à Limete en passant par l’Echangeur de Limete est également en chantier. Quand il n’y a pas de délestage, ceux qui visitent le Palais du peuple la nuit peuvent admirer le jeu d’eaux et de lumières et croire que la «modernité» est arrivée au Congo ou «poto ekomi na Congo». La quatrième raison est que j’espère que vous ne réviserez pas la Constitution pour vous donner un troisième mandat qui serait inconstitutionnel.
Monsieur le Président,
Je ne sais pas si vous aviez eu le temps de lire des ouvrages récemment publiés par de hauts cadres de votre majorité. Un livre du Professeur Emile BONGELI s’intitule «la RDC, d’un Etat bébé à un Etat responsable». Le Sénateur MUTINGA a aussi publié «La République des Inconscients» avant que le professeur Evariste BOSHAB nous serve son «Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la Nation». Je voudrais profiter de cette occasion, pour les féliciter de leur production intellectuelle et vous féliciter vous-même en votre qualité d’«Autorité morale» de la majorité présidentielle. Je voudrais ici résumer à votre intention ces livres de plusieurs centaines de pages pour vous permettre éventuellement de les citer dans votre discours car je constate malheureusement qu’aucun de vos discours prononcés jusque-là ne contient une référence scientifique alors qu’ils sont censés être rédigés par des universitaires qui fréquentent les Palais présidentiels. Je ne sais pas non plus si les auteurs de ces ouvrages ont déjà demandé une audience pour vous en présenter le contenu. J’ai peur qu’ils ne l’aient pas fait. L’on dit de vous que vous êtes un homme qui parle peu -ce qui est vrai parce que vous ne parlez même pas quand nous sommes agressés et vous prenez du temps pour citer même nos agresseurs –mais qui écoute beaucoup, ce qui constitue une vertu. Le livre de BONGELI présente le pays que vous dirigez comme un «Etat bébé» qu’il appelle à devenir un «Etat responsable». S’il faut suivre cet autre professeur de l’Université de Kinshasa qui était Porte-parole du gouvernement et qui règne sur la RVA malgré tous les scandales révélés dernièrement dans une enquête du Sénat, nous ne serions que des «bébés» et des «irresponsables», le peuple, son gouvernement et son président. Même si je n’approuve pas l’auteur, son livre interpelle le peuple et surtout les dirigeants car il semble traduire une bonne partie de la vérité surtout que son auteur est bien placé dans les hautes sphères de la Majorité. MUTINGA a aussi écrit «La République des Inconscients». D’après le Rapporteur du Sénat, la RDC serait également une «République des Inconscients». Quant au livre de BOSHAB, il prophétise la mort la Nation ou menace celle-ci de dépérissement si jamais la Constitution n’était pas révisée pour vous donner un troisième mandat que la Constitution interdit. Dans une conférence à la Faculté de Droit de l’UNIKIN au sujet de laquelle l’un de vos proches collaborateurs vous a fait un rapport détaillé, j’ai déjà eu l’occasion de démontrer les nombreuses hérésies scientifiques qui sont contenues dans ce livre qui devait pourtant servir d’argument juridique à la Majorité pour réviser la Constitution. J’y ai vu la déraison d’un professeur de droit constitutionnel dans un Département de Droit Public Interne qui a produit dans le passé plusieurs réflexions soporifiques et pseudo-scientifiques basées sur un «servilisme intellectuel» à l’ égard du pouvoir. Il est l’expression d’une dérive, d’une défaite, ou d’une déconfiture de la pensée. La Faculté de Droit et l’UNIKIN ne peuvent en rien être tenues pour responsables des idées de ce livre qui relève moins du droit, encore moins du droit constitutionnel, que de la «politologie», le livre étant soutenu et présenté par la Cellule d’appui politologique pour l’Afrique et les Caraïbes (CAPAC) dirigée par Dr Bob KABAMBA de l’Université de Liège dont très peu de personnes en Belgique connaissent l’expertise en matière constitutionnelle. Le livre du Professeur BOSHAB aurait été financé avec l’argent du même peuple que l’auteur menace d’«inanition», un livre présenté loin de l’Université, à l’Hôtel du Fleuve, et dont l’Assemblée nationale et le Gouvernement congolais resteront à jamais les principaux acheteurs. Ma réflexion a eu la malheureuse conséquence de réduire la circulation et la vente de ce livre dans les bibliothèques universitaires, y compris l’Université de Louvain-la-Neuve où l’auteur a étudié, à l’UNIKIN où il garde son poste de chef de Departement alors qu’il aurait pu y renoncer, et à l’Université de Liège, siège de la CAPAC. J’ai peur que ce livre n’entre dans l’histoire intellectuelle de notre pays comme une simple curiosité intellectuelle pour montrer à la postérité de quoi l’élite intellectuelle congolaise était capable et où elle en était arrivée dans l’art de lécher les bottes des dirigeants ou dans ce que l’auteur appelle lui-même le «servilisme intellectuel». Je n’entends pas perdre votre précieux temps, pendant que vous préparez votre discours d’ouverture des Concertations auxquelles je ne crois pas, pour en dire davantage sur ce livre dont aucun intellectuel sérieux ne sera fier de garder dans sa bibliothèque pour deux petites raisons. La première est que les arguments scientifiques qui sont tombés comme une pluie de bombes atomiques sur ce livre ont tout pulvérisé au point que l’auteur lui-même a préféré se taire, lui et d’autres anciens étudiants qui voulaient venir à la rescousse du «Maître». La seconde raison, Monsieur le Président, est que vous vous êtes montré vous-même exceptionnellement sensible à la correction scientifique sans précédent dans l’histoire de l’Université qui a été infligée par un professeur à un livre publié par son collègue de la même Faculté et du même Département. C’est ainsi que vous aviez autorisé le porte-parole du Gouvernement d’essayer d’apaiser la Nation en insistant sur le fait que le livre n’était que le fruit des élucubrations de son auteur. Mais vous saviez très bien que malgré sa relative maîtrise de la langue française, le porte-parole du gouvernement dont vous connaissez le passé politique est considéré dans l’opinion comme celui qui désoriente et désinforme la Nation et que très peu de compatriotes ne croient pas en ce qu’il dit même lorsqu’il multiplie les conférences et points de presse, les communiqués ou s’approprient la RTNC réduite au rang d’une chaine de la majorité alors qu’elle devait être au service de la Nation. C’est ainsi que par la suite, vous aviez autorisé le Président du Groupe parlementaire du PPRD à l’Assemblée nationale de désavouer publiquement l’auteur du livre pourtant son supérieur hiérarchique au sein du parti. Vous ne vous êtes pas arrêté là parce que le Président de la Commission Politique, Administrative et Judicaire de l’Assemblée nationale était également instruit pour dire à la Nation que l’Article 2209 n’allait pas être révisé. Et comme si cela ne suffisait toujours pas, Monsieur le Président, ainsi que vous l’aviez fait pour la direction des consultations nationales, vous aviez demandé en urgence au Président de l’Assemblée nationale et Secrétaire général de la Majorité de rectifier le tir en annonçant sur la RFI, une radio mondiale, que le Président de la République n’acceptera pas de réviser la Constitution pour se donner un troisième mandat. Malheureusement, mon Institut (http://www.idgpa.org) avait déjà lancé une pétition contre la révision constitutionnelle, soutenu par la CENCO, l’Association des Professeurs de l’UNIKIN, et plusieurs partis de l’Opposition politique comme l’UNC de Vital KAMERHE et les FAC de Marin FAYULU. Je voudrais vous dire, Monsieur le Président, que toutes les déclarations de vos collaborateurs ne suffisent pas, la Majorité nous ayant appris qu’elle peut dire une chose le matin et son contraire dans les heures qui suivent. La Nation attend que vous puissiez vous prononcer vous-même sur ce sujet. En effet, personne ne peut parler en votre nom. Vos aviez supprimé le poste de porte-parole à la présidence et celui de l’Institution Gouvernement ne peut prétendre parler en votre nom. Vous n’aviez pas prêté serment par personne interposée sinon vous auriez pu désigner quelqu’un diriger en votre nom. J’accepte votre méthode de parler même si parler peu n’est pas synonyme de beaucoup ou mieux faire. La bonne nouvelle est que vous achevez de préparer votre discours d’ouverture de fameuses concertations nationales. Ma lettre ouverte vous arrive donc à un moment opportun. C’est la raison pour laquelle, et c’est le but principal de ma lettre, je vous prie d’annoncer solennellement à la Nation que vous respecterez vos engagements contenus dans le serment que vous aviez prêté devant Dieu et la Nation le mardi 20 décembre 2011 en promettant que vous ne tolérerez aucune révision de l’Article 220 et que vous vous retirerez effectivement du pouvoir le lundi 19 décembre 2016. C’est la première et principale annonce que la Nation attend de vous lorsque vous ouvrez les Concertations le mercredi 4 septembre 2013 qui devra être un jour historique au Congo et en Afrique. En faisant de la sorte, vous ferez preuve de leadership. Les Congolais de Brazzaville où le Président Sassou NGOUESSO finit son mandat et tarde à se prononcer attendent également votre message avant de solliciter votre médiation si celui-ci refusait. Il en est de même des Burundais, des Rwandais, et des Burkinabé qui ont jusque-là vainement attendu des messages des Présidents NKURUNZIZA, KAGAME et COMPAORE qui sont dans leurs derniers mandats. Il en est de même du Président Yayi BONI au Bénin. L’Union Africaine qui a adopté une Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance en Afrique et qui ne vous serait d’aucun secours en cas de révision de l’Article 220 attend également votre message historique et vous ne devriez pas décevoir le peuple du Congo, de l’Afrique et du monde. Le Président Barack OBAMA qui quitte en 2016 attend également votre message. C’est aussi le cas des Présidents qui soutiennent la RDC comme Jacob ZUMA de l’Afrique du Sud, François HOLLANDE de France, KIKWETE de la Tanzanie qui ne réviseront jamais les constitutions de leurs pays pour s’éterniser au pouvoir. Il faudra donner tort à ceux qui tendent à vous comparer inutilement à votre prédécesseur Joseph Désiré MOBUTU qui était resté pendant 32 ans au pouvoir avant d’en être chassé comme un vulgaire par votre défunt père Laurent-Désiré KABILA.
Monsieur le Président, Je puis vous assurer que même vos adversaires qui ont avec raison rejeté vos Concertations suivront attentivement votre discours. Vous êtes un Président jeune et plein de dynamisme que personne ne peut vous renier. Vous n’étiez pas venu au pouvoir pour servir les intérêts de quelqu’un ou d’un groupe de personnes qui ne saurait vous prendre en otage. Vous êtes garanti de rester Sénateur à vie et bien d’autres fonctions vous attendent au niveau continental en cas du respect de l’Article 220. Il existe bien une vie après la présidence qui vous attend des le mardi 20 décembre 2016.
Monsieur le Président,
En novembre 2007, prononçant mon adresse inaugurale lors du Forum Africain sur la Gouvernance, en présence du Président Blaise COMPAORE et de l’ancien Président CHISSANO, j’avais tenu à conseiller deux choses avec le consentement de ce dernier venu spécialement à Ouagadougou pour commenter et apprécier mon exposé. Premier conseil, Monsieur le Président, en tant qu’être humain vivant sur terre, «tout est vanité» comme dit l’Ecclésiaste. Le Pasteur MUGALU et les nombreux chefs spirituels et prophètes qui fréquentent le Palais et la Ferme le jour et plus la nuit devraient avoir le courage de vous le dire au lieu de réciter des prières et prophéties auxquelles vous et moi ne croyons pas et qui ne sont pas du tout sincères parce qu’elles se monnayent d’une façon ou d’une autre. C’est un conseil que vous donnerez aussi à vos collègues COMPAORE, SASSOU NGUESSO, NKURUNZIZA, KAGAME et d’autres. Leurs peuples vous en seront reconnaissants. Tout est vanité et tout va nous quitter un jour. Parce que vous présidez actuellement la Francophonie, permettez-moi de vous donner la pensée de l’un de plus grands français qui trônent au Panthéon. Il s’agit de Victor HUGO qui considérait que les gloires, honneurs, fortunes militaires, et toutes les choses de la terre n’étaient sur nous posées que comme l’oiseau sur nos toits. Cet oiseau finit par s’envoler. Il en est de même de la vie qui est de loin le bien plus précieux que nous ayons reçu du Dieu Vivant, Dieu Le Créateur.
Monsieur le Président,
Je connais les relations exceptionnelles que vous avez avec le Président Eduardo dos SANTOS d’Angola et surtout le Président MUGABE du Zimbabwe qui vous avez fait l’honneur d’être le seul chef de l’Etat à assister à votre prestation de serment en 2011 et que vous venez d’honorer à votre tour en vous rendant à son investiture. Cependant, ne suivez pas leur exemple surtout que leurs Constitutions n’ont pas une disposition équivalente à notre Article 220. Monsieur le Président, je ne vous hais pas et on pourrait même dire à la rigueur que je vous aime parce que je vous conseille gratuitement. Je n’ai jamais combattu et ne combattrai jamais votre personne ni qui que ce soit, c’est plutôt votre système qui me déplait. Mon premier conseil est de «quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne nous quitte» entant donnée que tout finit par nous quitter. Le deux conseil annonce une bonne nouvelle. Je vous affirme qu’il existe bel et bien une vie après la présidence. Et comme l’Apôtre Paul dont vous avez certainement suivi la lecture des lettres et qui aimait nous rappeler les héros sur le chemin de la foi, je puis vous donner plusieurs cas qui démontrent qu’il existe une vie, une vie bien meilleure après la présidence. En Tanzanie que vous connaissez trop bien pour y avoir passé de nombreuses années, vous pouvez trouver les anciens présidents Ali Hassan MWINYI et Benjamin MKAPA. Au Benin, vous trouverez Nicéphore SOGLO et Mathieu KEREKOU qui y mènent une vie tranquille avec la reconnaissance du peuple béninois. Le Ghana aligne Jerry RAWLINGS et John KUFUOR. Le Sénégal a Abdoulaye WADE et Abdou DIOUF avec qui vous travaillez étroitement en votre qualité de président en exercice de la Francophone. Au Botswana, vous avez Quett MASIRE et Festus MOGAE. Le Mali a ses anciens présidents Alpha Oumar KONARE et Amadou Toumani TOURE. Au Nigeria, vous pouvez rencontrer Olesegun OBASANJO et plusieurs autres. En Afrique du Sud, vous avez FW de KLERK, Nelson MANDELA dont la mort a peur alors qu’il avait lui-même déclaré ne pas la craindre depuis son procès historique de Rivonia en 1964. L’Afrique du Sud aligne aussi Thabo MBEKI que vous venez de recevoir à Kinshasa. Vous pouvez également rencontrer Kenneth KAUNDA et Rupiah BANDA en Zambie, Pierre BUYOYA au Burundi, Arap MOI et Mwai KIBAKI au Kenya. La liste de bons exemples est longue. Vous avez la jeunesse, vous serez utile à la jeunesse du continent et du monde. A titre personnel, vos collaborateurs racontent que vous auriez sacrifié votre jeunesse pour le Congo, étant entré sitôt dans la brousse pour faire la rébellion. Vous n’avez pas eu comme moi la chance de danser au «Club des Etudiants» ou chez MUVOVA à l’UNIKIN. Vous n’avez pas eu la chance de fréquenter les nombreux «Ronds points» de la «Colline Inspirée». Vous n’avez pas eu non plus la chance comme nous d’aller vous détendre librement à Livulu ou à Matonge. Vous n’avez sûrement pas pu aller danser au rythme de Zaiko ou Empire Bakuba. Quelqu’un m’a appris que JP MPIANA, WAZEKWA, KOFFI OLOMIDE, WERRASON, FALLY PUPA, et TSHIALA MUANA qui vient de fêter ses 35 ans de carrière musicale seraient régulièrement vus dans les environs du Palais mais quel dommage si vous ne pouvez pas avoir l’occasion d’aller vous détendre et d’exhiber quelques pas de danse en dehors du Palais et admirer Kinshasa by night comme le ferait souvent le Gouverneur de la Ville, plusieurs membres du Parlement et du Gouvernement. En rejetant toute révision de l’Article 220 qui serait inconstitutionnelle et en vous retirant du pouvoir le lundi 19 décembre 2016 après que vous ayez prononcé un discours de remerciement à la Nation à 20heures du même jour, vous aurez le temps de «récupérer» la vie. Cette récupération sera d’autant plus belle que vous serez alors Sénateur à vie de la République.
Monsieur le Président,
Ne suivez pas ceux qui vous disent le contraire et qui sont nombreux au sein de la classe intellectuelle, politique, dans les églises, les medias ou la société civile car ils ne veulent pas votre bien en vous suggérant de réviser l’Article 220 de la Constitution. Vous aurez constaté combien nombreux sont les intellectuels engagés dans une compétition meurtrière pour obtenir le statut du plus grand thuriféraire du régime même si plusieurs ont fini par devenir des victimes des monstres politiques qu’ils avaient créés ou soutenus. Il n’y a pas que les professeurs. Lors de votre régime qui arrive à son terme le lundi 19 décembre 2016 à minuit, vous aurez également assisté au défilé de mode de plusieurs intellectuels agissant comme des mannequins intellectuels et qui se recrutaient dans les milieux de la presse écrite, parlée ou télévisée comme ces journalistes qui espèrent leur part du gâteau et qui passent leur temps à bégayer et à vous encenser au nom d’un vilain patriotisme. Il y a aussi ces intellectuels et autres «docteurs de la loi» qui viennent des églises traditionnelles ou de réveil, de la société dite civile et de la Majorité. Vous savez mieux que moi que ceux qui parlent trop en réalité ne recherchent que leurs intérêts et le moment venu ils ne manqueront pas de vous renier, ce que JUDAS avait déjà fait à JESUS. Du reste, vous avez dans le gouvernement, dans les entreprises publiques, et à la tète des provinces plusieurs personnes qui dansaient au Dia Lelo et faisaient de l’animation politique sous le régime du Président Joseph-Désiré MOBUTU. Des anciens chantres de son régime, ministres, gouverneurs, PDGs et autres responsables n’avaient pas hésité de le quitter avant de le vilipender. Ils sont actuellement dans votre gouvernement. Vous ne devriez pas être dupe: ces hypocrites n’hésiteront pas un seul instant pour se positionner et vous traiter de tous les noms dès lors que vous ne serez plus aux affaires pour les servir.
Monsieur le Président,
Pour ma part, n’ayant jamais demandé de vous rencontrer et n’ayant jamais accepté de venir à votre ferme, j’ai tenu à vous écrire cette lettre comme un citoyen qui dit la vérité que plusieurs personnes cachent en échange du pouvoir et des espèces sonnantes et trébuchantes que je ne cherche nullement. Je promets cependant de venir vous saluer si vous décidez finalement d’entrer dans l’Histoire en vous retirant en 2016. On vous dit père et initiateur de tout ce qui se fait de bien et curieusement pas en mal. On vous dit père du dialogue, des concertations, de cinq chantiers et à présent de la modernité. Voilà l’occasion de lancer la modernité en politique qui passe par le respect de la Constitution et l’alternance politique en rejetant toute révision de l’Article 220 de la Constitution et tout referendum sur les matières verrouillées tout en annonçant des mesures de grâce ou d’ amnistie pouvant bénéficier aux prisonniers politiques ou d’opinion ainsi que des personnes injustement condamnées qu’elles soient du pouvoir comme de l’opposition comme un premier pas vers la cohésion nationale. C’est tout ce que la Nation attend de vous lorsque nous suivrons votre discours le mercredi 4 septembre 2013. Votre silence sur ces sujets serait considéré comme un signe de votre volonté de réviser la Constitution et de ne pas vous en tenir au respect des engagements contenus dans votre serment présidentiels comme plusieurs de vos collaborateurs l’avaient pourtant affirmé. En espérant que vous tiendrez compte de cette lettre que je vous ai adressée avec le plus grand respect compte tenu de hautes fonctions que vous exercez légalement, je vous prie de croire, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
André MBATA MANGU
Professeur des Universités
E-mail : amangu@idgpa.org
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