Aujourd’hui, Jean-Pierre Bemba a comparu pour la première fois devant le juge de première instance pour répondre des nouvelles charges de subordination de témoin. Il comparaît aux côtés d’Aimé Kilolo-Musamba, l’avocat principal de la défense dans son procès qui se tient actuellement devant la Cour pénale internationale (CPI) et de Fidèle Babala, un membre du parlement congolais.
L’accusé a nié les charges et a exprimé sa surprise quant au fait que le procureur, Fatou Bensouda, choisisse de délivrer un mandat d’arrêt au lieu de traiter les allégations de subordination de témoin pendant les procédures du procès en cours.
Entretemps, les avocats de la défense ont affirmé que les nouvelles charges avaient compromis la plaidoirie de la défense de M. Bemba, dont le procès pour crimes de guerre et pour crimes contre l’humanité s’est ouvert en novembre 2010.
Xavier-Jean Keita, qui représente M. Kilolo-Musamba, a indiqué que la défense écrirait au juge et poserait des questions sur le calendrier de la nouvelle procédure. La défense « soulèvera également des questions concernant les conséquences sur le procès principal et abordera l’implication de l’accusation car le Bureau du Procureur est une partie à part entière de la première affaire.
Les avocats de la défense ont également déclaré que l’i Pad et le Blackberry de M. Kilolo-Musamba avaient été saisis lors de son arrestation, et qu’ils contenaient « la totalité de la stratégie de défense » pour le procès de M. Bemba en cours.
Cuno Tarfusser, le juge unique en charge de l’affaire, a indiqué que ces éléments resteraient sous clef au greffe de la Cour. L’accusation n’aura accès qu’aux documents et éléments saisis qui sont strictement liés aux nouvelles charges.
M. Kilolo-Musamba, 41 ans, déplore la « tactique musclée » employée par Mme Bensouda. Il a précisé que les allégations de preuves contrefaites auraient pu être traitées lors du procès en cours plutôt que par le biais d’un mandat d’arrêt.
« J’ai été surpris d’être privé de ma liberté étant donné que je passe la plupart de mon temps à La Haye dans les locaux de [la CPI] où se trouvent mes bureaux », a déclaré M. Kilolo-Musamba. « Si elle m’avait convoquée préalablement, je me serais rendu à la comparution ».
Il a précisé qu’au moment de l’arrestation, il venait d’une réunion sur une enquête en cours visant à identifier des experts en graphologie et les spécialistes en transmission radio qui étaient en fonction à Bangui à l’époque où une transmission radio contestée avait été faite.
« C’est une question fondamentale », a déclaré M. Kilolo-Musamba, faisant référence à la transmission radio et à la graphologie contestée d’un document anonyme. « C’est une honte que l’accusation recoure à de telles tactiques et que, de cette manière, compromette la défense de M. Bemba dans l’affaire principale, qui est sur le point de se terminer puisque nous en sommes déjà aux observations finales.
Bangui est la capitale de la République centrafricaine où les troupes du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de M. Bemba auraient perpétré des viols, des meurtres et des pillages en 2002 et 2003 pour lesquels il est jugé.
M. Bemba, 51 ans, a indiqué avoir été très surpris des allégations de subordination de témoin puisque les documents contestés ont été examinés pendant la déposition du dernier témoin qui comparaissait en sa faveur. Les procureurs en avaient connaissance et avaient la possibilité de contester la véracité de ces documents », a-t-il déclaré.
« Nous présenterons les preuves nécessaires car, en ce qui me concerne, j’ai agi de bonne foi quant à ces documents. Malheureusement, cette question a atteint ce stade particulier », a indiqué M. Bemba. Il a promis de « faire tout son possible pour s’assurer que la vérité soit découverte ».
De son côté, M. Wandu, 57 ans, a critiqué son mode d’arrestation à 3 h du matin par 30 policiers. « Ma maison a été saccagée et mes enfants ont été traumatisés, donc je me demande si cela est conforme aux procédures applicables », a précisé M. Wandu, qui a été également secrétaire général adjoint du MLC.
Le juge Tarfusser a répondu que la Cour ne pouvait influer sur la manière dont les états coopérants menaient leurs arrestations. « Cela est hors de notre champ d’influence ».
Cependant, Paul Djunga Mudimbi, qui représente M. Wandu, a déclaré que bien que l’arrestation relevait de la responsabilité de l’État congolais, les « circonstances de son arrestation pouvaient rendre les procédures devant votre Cour entachées d’irrégularités et si la RDC qui est un État partie au Statut de Rome se conforme à ses dispositions, votre Cour aura sa réputation ternie ».
Chaque accusé doit répondre de deux charges. Pour M. Bemba, elles sont : 1) présentation d un élément de preuve que la partie sait être faux ou falsifié en ordonnant, sollicitant ou encourageant ses associés à produire cet élément de preuve, et 2) subordination des témoins en ordonnant, sollicitant ou encourageant ses associés à donner de l’argent aux témoins de la Cour.
Les charges retenues contre M. Kilolo-Musamba sont : 1) production d’un élément de preuve que la partie sait être faux ou falsifié en présentant sciemment des documents faux ou falsifiés lors du procès de l’affaire principale, et 2) subordination des témoins en soudoyant et coachant les témoins pour qu’ils produisent des faux témoignages devant la Cour dans l’affaire principale.
Entretemps, M. Wandu est accusé de 1) subordination de témoins afin qu’ils produisent des faux témoignages devant la Cour dans l’affaire principale, et 2) production d’un élément de preuve que la partie sait être faux ou falsifié en apportant son aide, son concours ou tout autre forme d’assistance à la commission du crime en présentant sciemment un élément de preuve faux ou falsifié.
Les arrestations de M. Kilolo-Musamba et M. Wandu ont été réalisées le week-end dernier. Jean-Jacques Mangenda Kabongo, le chargé de la gestion des dossiers de la défense de M. Bemba et Narcisse Arido, un témoin de la défense dans le procès Bemba ont été également arrêtés pour les mêmes charges. Ces deux personnes seront transférées à la Cour après que les procédures juridiques nationales en instance soient conclues aux Pays-Bas et en France où ils ont été arrêtés.
M. Kilolo-Musamba, un citoyen belge d’origine congolaise, a expliqué aujourd’hui qu’il renonçait à son droit à des procédures judiciaires nationales et qu’il demandait plutôt d’être immédiatement transféré de Bruxelles à la CPI car il était désireux de coopérer avec la Cour pour établir la vérité.
L’objet des audiences d’aujourd’hui était de vérifier l’identité des accusés, de les informer des charges retenues à leur encontre, d’établir s’ils avaient été informés de leurs droits et de fixer le calendrier par rapport à la phase de confirmation des charges.
La première série des conférences de mise en état, sur la divulgation de preuve par l’accusation, a été fixée à mercredi prochain. Les dossiers de l’accusation et de la défense ainsi que la liste des témoins devront être finalisés au début du mois de mai 2014 puis une décision sur la confirmation des charges sera ordonnée par écrit par le juge.
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