Sommet USA-Afrique: «Un vrai intérêt de Washington pour l’Afrique»
Les Etats-Unis accueilleront, en août prochain, un premier sommet africain. Pour l’instant, 47 pays figurent sur la liste des invités. Quelles sont les raisons de cet intérêt du président américain, Barack Obama, pour l’Afrique, aujourd’hui au milieu de son second mandat, alors que dès 2008 le continent avait placé énormément d’espoirs en lui ? Jérôme Pigné, doctorant à l’EHESS, l’Ecole des hautes études en sciences sociales, rattaché également à l’Institut de recherche des Nations unies sur le désarmement, répond aux questions de RFI.
Quelles sont les raisons de cet intérêt de Barack Obama pour l’Afrique, aujourd’hui ?
Jérôme Pigné : Je pense qu’il y a un vrai intérêt de la part de Washington pour l’Afrique et qu’on peut parler d’une vraie volonté politique de développer des partenariats avec le continent africain. Il y a de réels enjeux économiques. Il ne faut pas avoir peur de le dire, sans pour autant tomber dans le fantasme des enjeux géostratégiques ou encore de la théorie du complot qui viserait à sécuriser un certain nombre d’intérêts comme on a pu l’entendre par le passé, notamment à propos de l’Irak.
Au-delà du prisme sécuritaire, il y a deux variables – à mon avis – qui sont importantes, à savoir d’un côté les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et de l’autre côté l’Iran qui peuvent être perçus comme des concurrents, même si c’est réfuté de manière officielle par Obama. Lorsqu’il dit que nous ne sommes plus dans un prisme ou dans un paradigme de guerre froide, c’est vrai. Mais il y a de réels enjeux derrière, ainsi que d’influences politiques.
Vous parlez d’intérêts économiques. Il y a-t-il clairement un retard à rattraper, notamment pour contrer l’influence chinoise sur le continent africain ?
C’est exactement cela. Pour donner quelques chiffres, la Chine c’est 100 milliards sur le plan commercial, en moins de dix ans, avec deux partenaires principaux qui sont le Nigeria et l’Algérie. Et quand on connaît le prisme américain notamment sur l’Afrique occidentale, le Nigeria et l’Algérie sont deux partenaires principaux. Par conséquent, il y a vraiment une volonté de suivre de près ce qui se passe au niveau de la Chine et au niveau des intérêts commerciaux.
La Chine s’est aussi positionnée dernièrement avec un certain nombre de soldats au sein de la Minusma dans l’intervention au Mali. Il y a donc des aspects économiques, commerciaux mais aussi l’influence politique – d’une manière générale – de la Chine ou de pays comme l’Iran, aussi.
Au total, 47 pays invités. Il semble que pour les Etats-Unis, il y a toute une relation à construire avec l’Afrique francophone. Est-elle quasiment inexistante aujourd’hui ?
Oui, c’est vrai. On le voit notamment par rapport à la question de la Centrafrique ou par rapport au Mali. Les Américains ont, de fait, laissé la France et l’Europe se positionner tout d’abord, après l’intervention Serval de la France, il y a maintenant un an. Certes, les Etats-Unis vont toujours avoir une position assez ferme sur ces questions-là mais néanmoins on sent bien quand même qu’ils ne sont pas très à l’aise avec tout ce qui se passe aujourd’hui sur les questions de sécurité, même s’ils ont une certaine expérience et un certain héritage depuis une décennie sur ces questions-là.
Les Africains ont été déçus du premier mandat de Barack Obama. Une seule visite au Ghana ; des chefs de l’Etat reçus, non pas seuls mais à plusieurs. Diriez-vous que Barack Obama finalement s’autorise, aujourd’hui, une relation décomplexée vis-à-vis de l’Afrique ?
Tout d’abord, c’est une promesse qu’il avait faite lors de sa visite sur le continent en juin 2013. Effectivement, il avait été au Ghana de manière très rapide mais c’était la première vraie visite. Par conséquent, il répond ou il reste sur ses engagements puisque c’est ce qu’il avait promis l’année dernière.
Ensuite, il est vrai qu’il y a eu un certain nombre de fantasmes lors de son premier mandat et même avant, sur des sondages et des études qui montrent qu’un certain nombre d’Américains pensaient « Obama, le musulman » ; « Obama, l’islamiste » voire même « Obama, le qaïdiste ». Oui, je pense qu’Obama assume ses origines, son tropisme africain - s’il en a un - oui, certainement.
Mais au-delà de cela, je pense qu’il faut surtout voir la realpolitik. L’Afrique, aujourd’hui, est incontournable dans les relations internationales et elle l’est aussi dans les relations extérieures des Etats-Unis.
Jérôme Pigné : Je pense qu’il y a un vrai intérêt de la part de Washington pour l’Afrique et qu’on peut parler d’une vraie volonté politique de développer des partenariats avec le continent africain. Il y a de réels enjeux économiques. Il ne faut pas avoir peur de le dire, sans pour autant tomber dans le fantasme des enjeux géostratégiques ou encore de la théorie du complot qui viserait à sécuriser un certain nombre d’intérêts comme on a pu l’entendre par le passé, notamment à propos de l’Irak.
Au-delà du prisme sécuritaire, il y a deux variables – à mon avis – qui sont importantes, à savoir d’un côté les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et de l’autre côté l’Iran qui peuvent être perçus comme des concurrents, même si c’est réfuté de manière officielle par Obama. Lorsqu’il dit que nous ne sommes plus dans un prisme ou dans un paradigme de guerre froide, c’est vrai. Mais il y a de réels enjeux derrière, ainsi que d’influences politiques.
Vous parlez d’intérêts économiques. Il y a-t-il clairement un retard à rattraper, notamment pour contrer l’influence chinoise sur le continent africain ?
C’est exactement cela. Pour donner quelques chiffres, la Chine c’est 100 milliards sur le plan commercial, en moins de dix ans, avec deux partenaires principaux qui sont le Nigeria et l’Algérie. Et quand on connaît le prisme américain notamment sur l’Afrique occidentale, le Nigeria et l’Algérie sont deux partenaires principaux. Par conséquent, il y a vraiment une volonté de suivre de près ce qui se passe au niveau de la Chine et au niveau des intérêts commerciaux.
La Chine s’est aussi positionnée dernièrement avec un certain nombre de soldats au sein de la Minusma dans l’intervention au Mali. Il y a donc des aspects économiques, commerciaux mais aussi l’influence politique – d’une manière générale – de la Chine ou de pays comme l’Iran, aussi.
Au total, 47 pays invités. Il semble que pour les Etats-Unis, il y a toute une relation à construire avec l’Afrique francophone. Est-elle quasiment inexistante aujourd’hui ?
Oui, c’est vrai. On le voit notamment par rapport à la question de la Centrafrique ou par rapport au Mali. Les Américains ont, de fait, laissé la France et l’Europe se positionner tout d’abord, après l’intervention Serval de la France, il y a maintenant un an. Certes, les Etats-Unis vont toujours avoir une position assez ferme sur ces questions-là mais néanmoins on sent bien quand même qu’ils ne sont pas très à l’aise avec tout ce qui se passe aujourd’hui sur les questions de sécurité, même s’ils ont une certaine expérience et un certain héritage depuis une décennie sur ces questions-là.
Les Africains ont été déçus du premier mandat de Barack Obama. Une seule visite au Ghana ; des chefs de l’Etat reçus, non pas seuls mais à plusieurs. Diriez-vous que Barack Obama finalement s’autorise, aujourd’hui, une relation décomplexée vis-à-vis de l’Afrique ?
Tout d’abord, c’est une promesse qu’il avait faite lors de sa visite sur le continent en juin 2013. Effectivement, il avait été au Ghana de manière très rapide mais c’était la première vraie visite. Par conséquent, il répond ou il reste sur ses engagements puisque c’est ce qu’il avait promis l’année dernière.
Ensuite, il est vrai qu’il y a eu un certain nombre de fantasmes lors de son premier mandat et même avant, sur des sondages et des études qui montrent qu’un certain nombre d’Américains pensaient « Obama, le musulman » ; « Obama, l’islamiste » voire même « Obama, le qaïdiste ». Oui, je pense qu’Obama assume ses origines, son tropisme africain - s’il en a un - oui, certainement.
Mais au-delà de cela, je pense qu’il faut surtout voir la realpolitik. L’Afrique, aujourd’hui, est incontournable dans les relations internationales et elle l’est aussi dans les relations extérieures des Etats-Unis.
Nathalie Amar , In RFI
© Congoindépendant 2003-2014
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