François Misser
Mis en ligne le 15/12/2011
Le président Kabila doit sa victoire à des miracles statistiques. Ceux qui n’y croient pas voient la répression s’intensifier.
Chaque jour apporte son lot de révélations sur la manière dont les résultats de l’élection présidentielle annoncés par la Commission électorale (Ceni) ont été acquis. A plusieurs égards, ils semblent tenir du miracle. Le premier est la fonte des suffrages qui risque d’entrer dans les annales de la science politique. Un observateur européen fait remarquer à "La Libre" que selon les chiffres partiels publiés le 6 décembre, Tshisekedi avait obtenu 5 927 728 voix sur un total de 17,3 millions. Mais trois jours plus tard, sur le total définitif de 18,1 millions de voix arrêté par la Ceni, Tshisekedi n’en comptait plus que 5 863 745, soit 63 983 de moins.
De son côté, mardi, dans un communiqué, la mission d’observation de l’UE dévoile des faits curieux. Près de 3,2 millions d’électeurs ayant exprimé 17 % des suffrages ont voté sur des "listes de dérogation ou d’omis", vraisemblablement parce que leur nom ne figurait pas sur les listes.
Autre miracle : la disparition des résultats de 4 875 bureaux de vote représentant 1,6 million d’électeurs signalée par la mission européenne. Enfin, les tableaux récapitulatifs établis par la Ceni des résultats de cinq circonscriptions au Katanga témoignent d’un civisme extraordinaire.
A Malemba Nkulu, 99,46 % des 269 166 électeurs se sont déplacés et ils ont voté à 100 % pour Kabila. Ils croyaient bien faire mais ils ont été surpassés par les citoyens de la circonscription de Manono où on a enregistré un taux de participation de 100,14 %. En revanche, ceux-ci n’ont voté qu’à 99,98 % pour Kabila : trente brebis ont osé s’égarer du troupeau des 196 597 citoyens qui se sont exprimés en faveur du "raïs".
Très observatrice, la mission de l’Union européenne constate que dans cette atmosphère, il ne fait pas bon être athée ou agnostique. Elle relève la fermeture de plusieurs radios d’opposition (dont Radio Lisanga Télévision et Canal Futur) qui ont vu leur signal coupé sans décision officielle et relate que "les médias et les journalistes pratiquent désormais l’autocensure".
A Goma, Rubbens Mikindo, représentant l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, et trois de ses camarades ainsi que Bauma Balingene de l’UNC de Vital Kamerhe ont été arrêtés pour avoir tenté d’organiser des marches de protestation, a appris "La Libre" mercredi. La société civile est également sous le choc de l’assassinat, le 9 décembre, de son coordinateur à Ruthsuru, Willy Wabo qui avait dénoncé les irrégularités commises lors du processus électoral.
Mercredi, la police était déployée autour de la permanence de l’UDPS à Lubumbashi, après l’annonce la veille par Valentin Mubake, conseiller de Tshisekedi, que le "lider maximo" se trouvait en résidence surveillée dans son QG de Limete à Kinshasa. Le général Charles Bisengimana, patron de la police, dément.
Entretemps, à Mbuji-Mayi, fief de "Tshitshi", la société civile dénonce"l’incarcération arbitraire" d’une centaine de personnes. La capitale du diamant a été durement châtiée pour avoir fêté bruyamment samedi l’autoproclamation de Tshisekedi comme Président. Les manifestants ont été dispersés à coup de gaz lacrymogènes et des coups de feu ont été entendus dans les parages du siège de l’UDPS. Un homme a été tué dans le quartier de Bipemba. Dans la ville de Kamina, au Katanga, les membres de l’ethnie de Tshisekedi, les Luba Kasaï ont fait l’objet d’actes de xénophobie. Quelque 300 personnes, entourés de la milice hostile de Gabriel Kyungu, ont dû se réfugier à la gare de la ville, rapporte Radio Okapi.
Face à cette situation, au nom de l’opposition, le candidat arrivé en troisième position selon la Ceni, Vital Kamerhe a saisi mercredi l’Onu, l’UE et l’Union africaine pour solliciter leur médiation afin de sortir de l’impasse. L’UE, qui procure une assistance à cette police et à cette armée qui ont réprimé, a une carte à jouer.
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