Bosco reprend-il le maquis ?
Marie-France Cros
Mis en ligne le 03/04/2012
Recherché par la Cour pénale internationale (CPI), il craint d’être livré.
Le général Bosco Ntaganda, de facto "numéro un" de l’armée congolaise au Kivu, est-il en train de reprendre le maquis ? C’est ce que l’on craignait, ce week-end, au Congo.
Ancien officier de divers mouvements armés congolais, dont le CNDP (le redoutable groupe armé tutsi congolais de Laurent Nkunda, aujourd’hui détenu au Rwanda voisin), Bosco Ntaganda est recherché depuis plusieurs années par la Cour pénale internationale (CPI) pour des exactions commises avec un précédent groupe armé, l’UPC de Thomas Lubanga, qui vient d’être jugé coupable de crimes de guerre. Kinshasa, qui l’a toutefois recyclé dans sa propre armée depuis 2009 avec le grade de général, a toujours refusé, jusqu’ici, de le livrer, au nom de la préservation de la paix.
Avant sa visite au Congo, la semaine dernière, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, avait indiqué qu’il demanderait au président Kabila de livrer Bosco Ntaganda à la CPI. Des ONG congolaises, après le jugement de Lubanga, avaient exigé la même chose. Enfin, les élections législatives ont été annulées dans les circonscriptions où le CNDP avait imposé par la force l’élection de ses candidats. Le général Ntaganda a-t-il jugé que cela devenait "chaud" pour lui ? A-t-il choisi de prendre les devants ?
C’est ce que l’on redoute au Kivu où, selon plusieurs sources de La Libre Belgique, l’on observe depuis la fin de la semaine dernière de nombreux mouvements militaires suspects - notamment un accroissement des déplacements de véhicules militaires, dont la plaque minéralogique a souvent été rendue illisible, sur les axes routiers allant de Goma à Rutshuru et de Goma à Masisi. Une source dans la région de Rutshuru indique que l’armée y est arrivée dimanche soir mais "divisée" entre rwandophones (CNDP et Pareco, une ex-milice formée essentiellement de Hutus congolais) d’une part, et lingalaphones (le noyau plus ancien de l’armée) de l’autre."Le CNDP s’est emparé des armes lourdes, les autres du reste", indique cette source.
On signale à Goma que Ntaganda y a quitté depuis quinze jours sa villa - pour retourner dans sa ferme au sud du Masisi. On sait qu’il a pris le contrôle direct de deux régiments (un régiment compte un millier d’hommes) et que des militaires d’autres régiments gagnent depuis quelques jours le Masisi, en provenance des Nord et Sud-Kivu. Près de Baraka, des ONG ont signalé que des militaires avaient réquisitionné leurs véhicules. Visiblement, les ex-rebelles du CNDP qui avaient été intégrés dans l’armée sont en train de se regrouper.
Le rapport des experts de l’Onu du 29 novembre 2011 indiquait que le général Ntaganda avait "détourné" la restructuration de l’armée "en plaçant ses officiers les plus loyaux dans des positions clés au Nord- et au Sud-Kivu", après s’être "réconcilié avec les officiers loyaux au général Laurent Nkunda".
MARDI, 03 AVRIL 2012 09:27
Les rumeurs sur une éventuelle arrestation du général Bosco Ntaganda sont à la base de la panique justifiée ou pas qui a mis la ville de Goma sens dessus sens dessous. Voilà un rebondissement d’insécurité aux contours difficiles autant pour le présent que pour l’avenir. 25 jeeps blindées bondées d’hommes en uniforme ont sillonné les rues de Goma créant une psychose au sein de la population. A la tête de cet escadron, le général des FARDC Bosco Ntaganda recherché par la Cour pénale internationale. Serait-ce un signe avant-coureur d’un retournement de situation ?
Piqués par on ne sait quelle mouche, les hommes du général Bosco Ntaganda se sont déployés avec exhibition dans les rues de Goma, créant par là même une vive tension dans le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, la ville de Goma au Nord-Kivu.
Ce nouveau feuilleton digne des scènes hollywoodiennes, procéderait d’un agenda caché. Les 25 jeeps, selon des témoins sur place, étaient conduites par des hommes lourdement armés de lance-roquettes et des mitraillettes.
Cette démonstration de force opérée par le «wanted» de la CPI en pleine ville de Goma a précédé une attaque attribuée aux mêmes hommes armés contre le régiment tenu par un autre général des FARDC, il y a une semaine. Selon les mêmes sources, des rumeurs sur l’imminence de l’arrestation suivie du transfèrement du général Bosco Ntaganda à la CPI seraient à la base de cet incident déplorable.
Tout serait parti du passage du vice-Premier ministre belge. Sa visite serait le déclencheur de ce regain de tension. L’homme d’Etat belge aurait déclaré aux médias belges que le transfèrement éventuel de Bosco Ntaganda à la CPI avait été abordé lors de ses discussions avec les autorités congolaises.
Pour le chef de la diplomatie belge, à en croire les médias, les autorités congolaises auraient promis d’examiner autrement la question. Serait-ce dans le sens de satisfaire à la demande de la CPI ? Répondre par l’affirmative ne mériterait pas de blâmes. Au même moment, des sources de la Société civile du Nord-Kivu font état des défections d’éléments de l’ex-rébellion du CNDP constatées dans les rangs des FARDC, particulièrement dans les localités de Kanyabayonga, Masisi et Rutshuru. Les «mutins» auraient décidé de quitter les positions indiquées par la hiérarchie militaire pour des destinations inconnues.
Le gouvernement de la RD Congo, qui a apporté sa collaboration à la CPI dans la répression des crimes relevant de sa compétence, ne s’est jamais montré enclin à livrer le général Bosco Ntaganda. Raison avancée : cet officier supérieur des FARDC était impliqué dans la préservation de la paix dans cette partie du pays. Ainsi, les impératifs de sécurité et de consolidation de la paix ont primé sur la collaboration avec la justice internationale.
Il semble que la communauté internationale, mise à rude épreuve, avait pris son mal en patience, attendant le bon moment pour rebondir. Est-ce que le moment tant attendu serait arrivé avec le dernier passage de Didier Reynders à Kinshasa ? Des sources indiquent que le général avait pris, depuis quelque temps, l’habitude de changer constamment de résidence. Aux dernières nouvelles, il nous revient que le général recherché par la CPI serait en cavale vers Rutshuru alors que ses hommes convergeraient vers Masisi.
Ironie du sort, au même moment, une source a affirmé que le général Bosco Ntaganda aurait «condamné ces défections». Informations non encore recoupées, car jusque-là, toutes les sources officielles sont restées injoignables. Même les sources onusiennes toujours promptes à livrer pareilles informations au public, ne sont pas empressées à commenter l’incident de Goma.
D’aucuns soutiennent que ce nouvel épisode ne serait pas isolé. Il aurait des liens avec ce qui s’est passé en son temps en Ituri. Alors que des Casques bleus avaient pris en sandwich Bosco Ntaganda et s’apprêtaient à donner le dernier assaut pour le neutraliser, un ordre venu de la hiérarchie onusienne à Kinshasa aurait stoppé net l’opération.
Selon des indiscrétions obtenues auprès des personnes qui l’ont côtoyé, cet ancien seigneur de guerre de l’Ituri aurait toujours juré qu’il préférerait mourir que d’être déféré à La Haye. Ses gardes auraient reçu des ordres clairs de sa part pour qu’ils lui évitent cette épreuve, en écourtant sa vie le cas échéant. Mythe ou réalité ? Nul ne le sait encore. En cavale ou à Goma, Bosco Ntaganda est une épine sous le pied de la République. Le gouvernement qui maîtrise ce dossier doit éviter à la Nation toute psychose d’une nouvelle déstabilisation du pays en remettant sur le tapis la question identitaire vécue en 2004 qui a conduit à la guerre de 1996 et ses conséquences dont les stigmates n’ont pas totalement disparu.
Une hypothèse est en train d’être montée par des observateurs avertis qui voient dans ces défections un retrait momentané avant la revendication des territoires devant abriter ces ethnies qui se sentiraient discriminées. Dans le cas d’espèce, il est cité de plus en plus les Tutsi congolais qui espèrent trouver une solution à cette question au regard du découpage territorial dont on voudrait voir la matérialisation au cours de la nouvelle législature.
Mais au-delà, une certaine opinion y verrait lancer quelques pavés visant la balkanisation de la RDC. Selon ces derniers, la non prise en compte de nouvelles revendications en perspective pourrait déboucher sur une nouvelle guerre. Ce qui ne serait pas acceptable en ce moment précis où le pays tente avec peine de redresser son front.
Raison pour laquelle, cette affaire doit être prise au sérieux à Kinshasa. Elle mérite une attention particulière de la part des autorités congolaises, dans la mesure où elle constitue un foyer potentiel de conflit à même d’embraser tout le pays.
Par conséquent, des mesures conservatoires devraient être prises pour sécuriser les populations et au besoin rassurer tous les protagonistes impliqués d’une manière ou d’une autre.
Selon les dernières informations, le feuilleton Bosco Ntaganda relèverait de la simple rumeur. Le gouvernement a donc l’obligation d’éclairer la religion des Congolais pour mettre un terme à ces informations assez contradictoires.
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