Les élections probables de 2011 et les conditions de leur apaisement
Est-il possible, tout en lançant des appels pour des élections apaisées, de définir collectivement, les conditions structurelles sans lesquelles ces appels risquent d’être un bon vœu pieux ? Sans une indépendance certaine des services de sécurité, de la justice et des médias vis-à-vis de «Joseph Kabila» et de sa cour, les beaux discours ne fabriqueront pas, comme par baguette magique, des élections apaisées. Même s’il n’est pas exclu que nos populations dépitées et les autres minorités organisées forcent « le raïs » à entendre raison.
A l’approche du mois de novembre, les appels pour les élections apaisées se multiplient chez nous. Pourquoi ? Certains lanceurs de ces appels estiment que le Congo ayant connu des guerres à répétition doit pouvoir rompre avec la violence. Un bon vœu ! Mais un discours de ce genre, tenu chez nous, étonne un peu. Le Congo dit démocratique est en guerre de manière permanente. A l’Est de notre pays, nos compatriotes sont tués chaque jour. Ailleurs, la guerre a pris des formes plus insidieuses : l’enrichissement sans cause de quelques-uns d’entre nous appauvrit au quotidien la majorité de nos populations et crée des inégalités causant la mort par la faim, la maladie, l’ignorance, etc. L’usage des armes à l’Est (et même dans la capitale) et le rejet de la justice sociale (partout au pays) par les gouvernants actuels participent de la violence permanente faite à nos populations.
Lancer des appels pour des élections apaisées dans un contexte d’instabilité et de violence permanente semble être un déni de la réalité. Qui peut organiser des élections apaisées dans un pays instable ? Relisons un peu notre histoire.
Quelles ont été les conditions posées pour un minimum de stabilité chez nous au cours de la période ayant précédé les élections-mascarades de 2006 ?
Nous en citons trois : avoir une armée républicaine, mettre sur pied une Commission Vérité et Réconciliation et étendre l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire. Avons-nous une armée républicaine ? Non. Les FARDC brassées tuent nos compatriotes à l’Est. La Commission Vérité et Réconciliation n’a pas fonctionné. Le Congo est un non-Etat où règne la loi de la jungle. (Les exemples les plus malheureux sont ceux de l’Est.) La non-réalisation de ces conditions pour un minimum de stabilité dans notre pays a eu des conséquences néfastes pour la sécurité des biens et des personnes depuis la fin de la transition jusqu’à ce jour. L’une de ces conséquences fut l’explosion de la violence après le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2006 en pleine ville de Kinshasa.
Pourquoi y a-t-il eu cette explosion de violence ? Parce que les conditions susmentionnées n’ont pas été réalisées et en plus, les institutions du pays ont été infiltrées par des ex-seigneurs de guerre (impunis). Ceci a donné naissance à la mise sur pied d’une police politique aux pouvoirs illimités et à la mise sous tutelle de la justice congolaise. Qui peut organiser des élections apaisées dans un pays où la justice est aux ordres des ex-seigneurs de guerre ?
En juillet 2009, la FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme) publie un texte très bien documenté sur ces questions (à partir du Congo) et intitulé République démocratique du Congo. La dérive autoritaire du régime. Une relecture de ce texte, deux ans après, convainc que rien n’a changé du point de vue de la gestion des structures du pouvoir exécutif et judiciaire, par exemple. Chez nous, « l’Etat de droit selon le pouvoir, ce sont les forces de sécurité dotées des pleins pouvoirs et la justice mise sous tutelle. » (p. 19)
Un compatriote, membre de l’UNC, Maître Jean-Claude Ndjakanyi, dans son interview accordée à CIC, donne le petit témoignage de l’interrogatoire auquel il a été soumis par les agents de la DGM et de l’ANR. (Lire Questions directes à Jean-Claude Ndjakanyi sur CIC). Ce cas n’est pas isolé. Plusieurs autres peuvent être cités. Certains membres de l’UDPS sont au cachot. Un membre du parti politique d’Angèle Makombo a été assassiné à Kinshasa, etc.
Quand, au cours de leurs marches et leurs autres manifestations, les compatriotes Résistants-Combattants chantent « Ya Tshitshi zongisa ye na Rwanda », ils posent une question d’identification que les gouvernants en place n’ont pas réussi à clarifier depuis qu’ils sont aux affaires. Qui est Congolais et qui ne l’est pas, chez nous ? Pourquoi, depuis 1996, la question de la carte d’identité congolaise et celle du recensement de la population sont demeurées sans réponse ? La nationalité congolaise est une et indivisible, affirme la Constitution. Qu ’en est-il du moratoire sur la double nationalité ? Suffit-il d’avoir « un code de bonne conduite » avant les élections pour que les réponses à toutes ces questions soient données ?
Aujourd’hui, nos compatriotes de l’Est se plaignent de l’envahissement des « retournés » des pays limitrophes et des dégâts que causent leurs vaches dans leurs champs. Comment les convaincre, sans carte d’identité, qu’ils ont en face d’eux des compatriotes ?
Attention ! Nous ne discutons pas de la possibilité d’une double nationalité et/ou de l’acquisition de la nationalité congolaise par naturalisation. Nous posons des questions demeurées sans réponse depuis le début de « la guerre (dite) de libération » jusqu’à ce jour. C’est-à-dire des questions pouvant s’inviter au débat pendant la prochaine campagne électorale. Faudra-t-il, pour des élections apaisées, éviter ces questions dont dépendent, dans une certaine mesure, notre devenir collectif ? Que pourrons-nous répondre aux compatriotes qui estiment que certains gouvernants actuels, sous de fausses identités congolaises, travaillent pour « leurs pays » décidés à mettre le Congo de Lumumba en coupes réglées ? Qu’ils sont des « chevaux de Troie » ?
En rapport avec cette question d’identification, il y a celle du fichier électoral. Il n’a pas été nettoyé après l’enrôlement. Il est possible que les étrangers se soient enrôlés pendant que 80% des populations du Nord-Kivu n’ont pas pu remplir leur devoir citoyen. (Et cela a été reconnu officiellement par le gouverneur ad interim de ladite province.) Avant ce nettoyage, les sièges des députés à l’Assemblée nationale ont déjà été repartis…
Tel est le contexte dans lequel les appels aux élections apaisées sont lancées ; un contexte où règne une grande méfiance entre une bonne majorité des populations Congolaises, « les libérateurs de 1996 », leurs alliés et/ou leurs émanations.
Dans ce contexte, ces appels peuvent participer de la conscientisation citoyenne. Ils peuvent être des incitations à la moralisation de la vie publique. Ils peuvent agir sur les cœurs et les esprits ; ils peuvent en transformer quelques-uns. Mais que peut la transformation de quelques cœurs et de quelques esprits dans un contexte où les institutions du pays sont fondées sur une violence et un mensonge permanents ? Sur l’achat des consciences ?
Il y a une relecture de notre histoire immédiate à laquelle certains lanceurs d’appels pour des élections apaisées se gardent de se livrer. Soit ils ont peur de pointer du doigt les responsables institutionnels de notre instabilité chronique, soit ils veulent rester neutres, soit ils en sont complices, etc. Ces appels peuvent conduire à la criminalisation des pauvres citoyens exerçant leurs libertés fondamentales pendant la campagne électorale et au soutien des criminels de guerre et des criminels contre l’humanité infiltrés chez nous.
Nous pensons que les conditions pour des élections apaisées embrassent à la fois les dimensions individuelles, collectives et structurelles. Historiquement, la conjugaison de toutes ces dimensions a toujours boité. Pour le moment, l’une des conditions sine qua non pour des élections probablement apaisées, c’est l’indépendance (plus ou moins grande) des services de sécurité, de la justice et des médias vis-à-vis de « Joseph Kabila » et sa cour. Qui voit « l’Autorité morale de la MP » se risquer sur cette voie ? Il n’est pas exclu que nos populations dépitées les force à s’y engager. Un miracle peut advenir…Les lanceurs des appels pour des élections apaisées peuvent-ils être assez courageux pour aller débattre avec « le raïs » de cette question ? Lancer des appels, établir des « codes de bonne conduite » c’est bien. Dialoguer, débattre et prendre des résolutions écrites et cosignées, c’est peut-être mieux…Pourquoi est-ce que ce dialogue ne s’élargirait pas à tous les partis politiques et les associations de la société civile ?
Ce ne sont que des propositions.
A l’approche du mois de novembre, les appels pour les élections apaisées se multiplient chez nous. Pourquoi ? Certains lanceurs de ces appels estiment que le Congo ayant connu des guerres à répétition doit pouvoir rompre avec la violence. Un bon vœu ! Mais un discours de ce genre, tenu chez nous, étonne un peu. Le Congo dit démocratique est en guerre de manière permanente. A l’Est de notre pays, nos compatriotes sont tués chaque jour. Ailleurs, la guerre a pris des formes plus insidieuses : l’enrichissement sans cause de quelques-uns d’entre nous appauvrit au quotidien la majorité de nos populations et crée des inégalités causant la mort par la faim, la maladie, l’ignorance, etc. L’usage des armes à l’Est (et même dans la capitale) et le rejet de la justice sociale (partout au pays) par les gouvernants actuels participent de la violence permanente faite à nos populations.
Lancer des appels pour des élections apaisées dans un contexte d’instabilité et de violence permanente semble être un déni de la réalité. Qui peut organiser des élections apaisées dans un pays instable ? Relisons un peu notre histoire.
Quelles ont été les conditions posées pour un minimum de stabilité chez nous au cours de la période ayant précédé les élections-mascarades de 2006 ?
Nous en citons trois : avoir une armée républicaine, mettre sur pied une Commission Vérité et Réconciliation et étendre l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire. Avons-nous une armée républicaine ? Non. Les FARDC brassées tuent nos compatriotes à l’Est. La Commission Vérité et Réconciliation n’a pas fonctionné. Le Congo est un non-Etat où règne la loi de la jungle. (Les exemples les plus malheureux sont ceux de l’Est.) La non-réalisation de ces conditions pour un minimum de stabilité dans notre pays a eu des conséquences néfastes pour la sécurité des biens et des personnes depuis la fin de la transition jusqu’à ce jour. L’une de ces conséquences fut l’explosion de la violence après le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2006 en pleine ville de Kinshasa.
Pourquoi y a-t-il eu cette explosion de violence ? Parce que les conditions susmentionnées n’ont pas été réalisées et en plus, les institutions du pays ont été infiltrées par des ex-seigneurs de guerre (impunis). Ceci a donné naissance à la mise sur pied d’une police politique aux pouvoirs illimités et à la mise sous tutelle de la justice congolaise. Qui peut organiser des élections apaisées dans un pays où la justice est aux ordres des ex-seigneurs de guerre ?
En juillet 2009, la FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme) publie un texte très bien documenté sur ces questions (à partir du Congo) et intitulé République démocratique du Congo. La dérive autoritaire du régime. Une relecture de ce texte, deux ans après, convainc que rien n’a changé du point de vue de la gestion des structures du pouvoir exécutif et judiciaire, par exemple. Chez nous, « l’Etat de droit selon le pouvoir, ce sont les forces de sécurité dotées des pleins pouvoirs et la justice mise sous tutelle. » (p. 19)
Un compatriote, membre de l’UNC, Maître Jean-Claude Ndjakanyi, dans son interview accordée à CIC, donne le petit témoignage de l’interrogatoire auquel il a été soumis par les agents de la DGM et de l’ANR. (Lire Questions directes à Jean-Claude Ndjakanyi sur CIC). Ce cas n’est pas isolé. Plusieurs autres peuvent être cités. Certains membres de l’UDPS sont au cachot. Un membre du parti politique d’Angèle Makombo a été assassiné à Kinshasa, etc.
Quand, au cours de leurs marches et leurs autres manifestations, les compatriotes Résistants-Combattants chantent « Ya Tshitshi zongisa ye na Rwanda », ils posent une question d’identification que les gouvernants en place n’ont pas réussi à clarifier depuis qu’ils sont aux affaires. Qui est Congolais et qui ne l’est pas, chez nous ? Pourquoi, depuis 1996, la question de la carte d’identité congolaise et celle du recensement de la population sont demeurées sans réponse ? La nationalité congolaise est une et indivisible, affirme la Constitution. Qu ’en est-il du moratoire sur la double nationalité ? Suffit-il d’avoir « un code de bonne conduite » avant les élections pour que les réponses à toutes ces questions soient données ?
Aujourd’hui, nos compatriotes de l’Est se plaignent de l’envahissement des « retournés » des pays limitrophes et des dégâts que causent leurs vaches dans leurs champs. Comment les convaincre, sans carte d’identité, qu’ils ont en face d’eux des compatriotes ?
Attention ! Nous ne discutons pas de la possibilité d’une double nationalité et/ou de l’acquisition de la nationalité congolaise par naturalisation. Nous posons des questions demeurées sans réponse depuis le début de « la guerre (dite) de libération » jusqu’à ce jour. C’est-à-dire des questions pouvant s’inviter au débat pendant la prochaine campagne électorale. Faudra-t-il, pour des élections apaisées, éviter ces questions dont dépendent, dans une certaine mesure, notre devenir collectif ? Que pourrons-nous répondre aux compatriotes qui estiment que certains gouvernants actuels, sous de fausses identités congolaises, travaillent pour « leurs pays » décidés à mettre le Congo de Lumumba en coupes réglées ? Qu’ils sont des « chevaux de Troie » ?
En rapport avec cette question d’identification, il y a celle du fichier électoral. Il n’a pas été nettoyé après l’enrôlement. Il est possible que les étrangers se soient enrôlés pendant que 80% des populations du Nord-Kivu n’ont pas pu remplir leur devoir citoyen. (Et cela a été reconnu officiellement par le gouverneur ad interim de ladite province.) Avant ce nettoyage, les sièges des députés à l’Assemblée nationale ont déjà été repartis…
Tel est le contexte dans lequel les appels aux élections apaisées sont lancées ; un contexte où règne une grande méfiance entre une bonne majorité des populations Congolaises, « les libérateurs de 1996 », leurs alliés et/ou leurs émanations.
Dans ce contexte, ces appels peuvent participer de la conscientisation citoyenne. Ils peuvent être des incitations à la moralisation de la vie publique. Ils peuvent agir sur les cœurs et les esprits ; ils peuvent en transformer quelques-uns. Mais que peut la transformation de quelques cœurs et de quelques esprits dans un contexte où les institutions du pays sont fondées sur une violence et un mensonge permanents ? Sur l’achat des consciences ?
Il y a une relecture de notre histoire immédiate à laquelle certains lanceurs d’appels pour des élections apaisées se gardent de se livrer. Soit ils ont peur de pointer du doigt les responsables institutionnels de notre instabilité chronique, soit ils veulent rester neutres, soit ils en sont complices, etc. Ces appels peuvent conduire à la criminalisation des pauvres citoyens exerçant leurs libertés fondamentales pendant la campagne électorale et au soutien des criminels de guerre et des criminels contre l’humanité infiltrés chez nous.
Nous pensons que les conditions pour des élections apaisées embrassent à la fois les dimensions individuelles, collectives et structurelles. Historiquement, la conjugaison de toutes ces dimensions a toujours boité. Pour le moment, l’une des conditions sine qua non pour des élections probablement apaisées, c’est l’indépendance (plus ou moins grande) des services de sécurité, de la justice et des médias vis-à-vis de « Joseph Kabila » et sa cour. Qui voit « l’Autorité morale de la MP » se risquer sur cette voie ? Il n’est pas exclu que nos populations dépitées les force à s’y engager. Un miracle peut advenir…Les lanceurs des appels pour des élections apaisées peuvent-ils être assez courageux pour aller débattre avec « le raïs » de cette question ? Lancer des appels, établir des « codes de bonne conduite » c’est bien. Dialoguer, débattre et prendre des résolutions écrites et cosignées, c’est peut-être mieux…Pourquoi est-ce que ce dialogue ne s’élargirait pas à tous les partis politiques et les associations de la société civile ?
Ce ne sont que des propositions.
J.-P. Mbelu
© Congoindépendant 2003-2011
© Congoindépendant 2003-2011
Sacrebopol, Le Jalon Congolais
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire