Marie-Thérèse Nlandu : «Oui aux élections mais sans Joseph Kabila»
Marie-Thérèse Nlandu Mpolo Nene lors de son arrivée fin mai 2007 à Bruxelles après cinq mois d’emprisonnement. Photo CIC
Dans une interview accordée à notre confrère Cheikfitanews, l’avocate Marie-Thérèse Nlandu Mpolo Nene, ancienne candidate à la l’élection présidentielle de 2006, livre ses «impressions de voyage» au terme d’un séjour de deux semaines à Kinshasa où elle a été relancer les activités de sa formation politique «Congo Pax». La juriste invite le président sortant «Joseph Kabila» de «poser un acte de bravoure» en renonçant à présenter sa candidature à l’élection présidentielle fixée au 28 novembre prochain. Au motif que la RD Congo vit une «situation catastrophique» qui exige le «changement».
A plus ou moins 100 jours de l’organisation des élections présidentielle et législatives, la description de la situation socio-économique et politique du Congo dit démocratique se suive et se ressemble. Une phrase revient comme un credo : «La situation est catastrophique. Il faut que ça change».
Avocate et femme politique, Marie-Thérèse Nlandu Mpolo Nene vient de rentrer d’un séjour de deux semaines dans la capitale congolaise. Après quatre années d’un «exil forcé» en Europe – après cinq mois de détention à la prison de Makala -, Nlandu qui est présidente d’un cartel dénommé «CLD» (Congo en légitime défense) est également chef de parti. «Congo Pax», c’est le nom de sa formation politique. «J’ai été invitée par la base de mon parti pour définir le mot d’ordre pour cette année».
A Kinshasa, «Marie Thérèse» n’a pas seulement observé la situation générale. Elle a vécu le quotidien des Kinoises et Kinois. «Ce n’est plus la vie d’un être humain. Ça doit changer !», s’est-elle exclamée.
Le calvaire commence dès l’aurore. «Chaque matin, explique-t-elle, c’est un parcours du combattant pour se procurer de l’eau courante.» «L’eau distribuée par la Régideso devrait être interdite à la consommation. Cette eau sent mauvais et laisse des dépôts de boue au fond du seau.» Qu’en est-il de l’électricité ? «La population passe des journées entières sans électricité. Les appareils électroménagers sont abîmés par les coupures et rétablissements intempestifs.» L’avocat de se souvenir de trente-deux millions $US payés à l’époque à la SNEL (Société nationale d’électricité) par le Congo-Brazzaville. Cette importante somme d’argent aurait pu servir à la maintenance ainsi qu’à la modernisation du barrage hydroélectrique d’Inga. «Cet argent a été détourné». Pour la petite histoire, Evariste Boshab, alors directeur du cabinet présidentiel était contraint, tel un fusible, de démissionner suite à cette affaire.
A propos de l’électricité, dans une déclaration faite la semaine dernière, le ministre de l’Energie, le PPRD Gilbert Tshiongo Tshibinkubula wa Ntumba, a estimé à neuf pour cent le coefficient de la population congolaise qui «a accès à l’électricité avec une couverture d’environ 30% dans les villes et 1% dans les milieux ruraux». Un comble.
Le Congo est revenu au Moyen Age
Pour Me Nlandu, «Le Congo est revenu au Moyen Age». La capitale Kinshasa donne l’impression de «la ville la plus sale» du monde. C’est ainsi que le choléra menace les Kinois. Le pays a un gouvernement qui s’occupe de tout sauf du bien-être d’une population qui peine à satisfaire ses besoins les plus élémentaires : «Nous avons un gouvernement qui ne fait pas son travail». Et de dénoncer au passage le rôle d’ordonnateur du compte du Trésor joué par le chef de l’Etat en lieu et place du Premier ministre. «C’est une violation de la Constitution», s’enrage-t-elle avant d’ajouter : «Joseph Kabila est arrivé au Congo à pieds. Aujourd’hui, il est devenu immensément riche au point de donner un montant de 10 millions $US à la MIBA. Où a-t-il trouvé cet argent?».
Jetant un regard sur le processus électoral en cours, l’avocate dit avoir constaté une ambiance politique «tendue». La population vit dans une insécurité permanente. "Les dirigeants, eux, sont protégés par leurs gardes du corps". Elle assure avoir écourté son séjour. «J’ai quitté Kinshasa précipitamment. On voulait attenter à ma vie».
L’annonce du voyage de Marie-Thérèse Nlandu au Congo, en juillet dernier, avait été diversement commentée sur le «Net». Prompts à débusquer vrais et prétendus «collabos», les "internautes-combattants" avaient suspecté la présidente de Congo Pax «de faire le jeu de l’ennemi». Une polémique pour le moins dérisoire.
«Kabila doit poser un acte de bravoure»
Reste que Nlandu n’est pas n’importe qui. Candidate «malheureuse», selon la formule consacrée, à l’élection présidentielle de 2006, elle avait soutenu le challenger Jean-Pierre Bemba Gombo au second tour dans le cadre du cartel «Union pour la Nation». Après l’annonce de la «victoire» de «Kabila», la juriste qui était par ailleurs conseil de «JPB» a été accusée par le pouvoir kabiliste d’avoir «incendié» le bâtiment de la Cour suprême de justice et de «détention d’armes de guerre». Arrêtée le 22 novembre 2006 par la très redoutée DRGS (Direction des renseignements généraux et services spéciaux de la police), Nlandu a été humiliée par un certain colonel Daniel Mukalay wa Mateso. Le même qui s’est rendu tristement célèble dans l’assassinat de Floribert Chebeya Bahizire. Embastillée à la prison centrale de Makala, la prévenue n’a pu humer l’air frais de la liberté qu’au bout de cinq mois et 9 jours.
Après sa libération, l’ex-prisonnière a commis la maladresse de remercier le couple «Kabila». «J’ai suivi l’exemple de Nelson Mandela, déclarait-elle dans une interview accordée à Congo Indépendant. A sa sortie de prison, Mandela a fait un pas vers la conciliation. Je remercie Madame Olive pour la simple raison qu’elle était intervenue auprès de son mari à mon sujet. Je continue à croire que l’acte posé par Madame Olive est louable. En ce qui concerne M. Kabila, je l’ai remercié parce qu’il m’a fait savoir qu’il n’était pas opposé à mon acquittement. Dans le cas contraire, je ne serai pas ici aujourd’hui. Le représentant du ministère public aurait pu interjeter appel.»
Ces propos ont été perçus, à tort ou à raison, comme une «trahison» dans les milieux des Congolais de la diaspora. D’aucuns y voyaient une démonstration du fameux «syndrome de Stockholm». L’otage qui se prend de compassion pour ses ravisseurs. Inutile de dire qu’une «incompréhension » s’est installée de puis lors entre Nlandu et ceux qui avaient milité pour obtenir sa libération.
Après sa "visite-surprise" à Kin, la présidente du «Congo Pax» se veut radicale. Pour elle, «le président sortant Joseph Kabila doit poser un acte de bravoure en renonçant à présenter sa candidature à l’élection présidentielle pour garantir un scrutin apaisé». Et d’ajouter : «Les Congolais doivent aller aux élections mais sans le président sortant». Elle exhorte par ailleurs ses compatriotes «à se battre à l’instar d’autres peuples» pour changer « le destin collectif ».
Madeleine Wassembinya/B.A.W
© Congoindépendant 2003-2011
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Sacrebopol, Le Jalon Congolais
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